» Je suis un éditeur débordé mais je me soigne »

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Tribune de Sabrina Grimaldi, fondatrice de Publishroom – Auteurs et amis d’auteurs, vous avez tous connu ce temps insupportablement long entre l’envoi par courrier de votre manuscrit et le retour des éditeurs auxquels vous l’avez fait parvenir. À la lecture du courrier, le plus souvent léonin sur la qualité de votre écrit, qui « malheureusement n’entre pas dans la ligne éditoriale », vous avez douté que votre manuscrit ait été effectivement lu.

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Certains d’entre vous ont réitéré, reprenant leur manuscrit pour « l’améliorer », la plupart ont abandonné ne sachant comment toucher cette entité impalpable qu’est le Comité de Lecture d’une maison d’édition. Si vous faites un tour sur les sites des maisons d’édition, vous remarquerez que la ligne éditoriale est loin d’y être explicite, et le plus souvent, elle n’y figure pas ; charge à vous de lire les ouvrages de toutes les collections de vos éditeurs favoris pour essayer d’y repérer la ligne.

Pour être tout à fait juste, les maisons d’édition les plus connues reçoivent jusqu’à 5.000 manuscrits par an, cela revient à lire 13 manuscrits par jour. Les éditeurs, afin de faire le tri dans cette masse, emploient des lecteurs, chargés d’ouvrir les manuscrits, d’en lire quelques pages pour se faire une opinion et si le manuscrit leur plaît d’en faire une fiche de lecture détaillée (à ce stade, ce n’est pas gagné mais c’est déjà une performance). Vous admettrez avec moi que jusqu’ici le procédé est équitable. Là où cela se corse, c’est quand on sait que pour la fameuse rentrée littéraire, seul un de ces manuscrits sera effectivement édité non par maison d’édition mais sur l’ensemble des titres qui sortent.

Pourtant on sent monter la grogne chez tous ces auteurs de la poste refusés, parce qu’ils ont le sentiment que ce n’est pas équitable, que bien des livres parus sont de mauvais livres, à tout le moins pas forcément meilleurs que le leur.
Dans un monde où tout le monde se veut artiste (la fameuse quête de sens), où l’écrivain comme l’acteur ou le chanteur, est devenu une « star » ou plus simplement un « people » reçu sur les plateaux TV, où tout s’expose (sa vie, son oeuvre), la sélection drastique opérée par les éditeurs sur les manuscrits des inconnus de l’édition crée une immense frustration. Si elle n’est légitime, elle est audible ; le temps consacré par l’écrivain en herbe à la rédaction de son manuscrit, son engagement, la part de son intimité qu’il y livre, en font un être très sensible, voire susceptible.

Dès lors, chers amis éditeurs, sous la pression de ces innombrables auteurs qui n’attendent que vous, vous pouvez faire comme l’éditeur Monsieur Toussaint Louverture qui supplie les auteurs de ne plus lui envoyer de manuscrits. Mais si vous n’avez pas envie de passer à côté de la pépite, c’est une bien mauvaise technique.
Sinon, je vous suggère de transformer cette immense librairie qu’est le Salon du Livre de Paris en un rendez-vous pour les auteurs. Au lieu d’y vendre vos livres, vous pourriez recevoir tous ces auteurs, leur expliquer votre ligne éditoriale, leur présenter votre catalogue, lire quelques pages de leurs manuscrits et les écouter enfin.

( Lire l’enquête de Jean-Philippe Louis | Les Echos du 8 septembre 2016 )

– 5.000 à 10.000 manuscrits sont envoyés par an aux éditeurs
– 2,5 millions de français ont écrit au moins un manuscrit
– 10 millions de manuscrits « dormiraient » au fond des tiroirs
– Depuis 2007, 25.000 auteurs ont choisi l’auto-édition
– Le tirage moyen d’un livre édité est de 800 exemplaires, et il n’est pas rare qu’un livre se vende à 100 exemplaires.

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