Pierre Notte : « C’est Noël tant pis », un huis-clos séduisant

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Par Olivier Frégaville-Gratian D’Amore – Les fêtes de fin d’année battent leur plein. Noël, ses traditionnels repas de famille tant redoutés, approchent à grand pas. Pour mieux appréhender ces moments délicats, faits de faux-semblants, de non-dits, foncez découvrir le conte noir, la farce féroce et hilarante de Pierre Notte. Entre rires et larmes, plongez dans son univers poétique et mordant, vous serez conquis et vous regarderez d’un autre oeil vos proches autrement. Brillant !

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C’est Noël, tant pis : un conte de Noël sombre et tragique pour les fêtes de fin d’année de Pïerre Notte

Sur une scène plongée dans le noir, seul un immense triangle vert, apparaît dans la lumière. Symbole par excellence des fêtes de Noël et de la trêve des confiseurs, ce sapin, à peine décoré de guirlandes et de boules éparses, fait triste figure et donne le ton à l’étrange repas de famille auquel nous allons assister. Très vite, à côté du faux résineux apparaît le père (Bernard Alane). En équilibre précaire sur un escabeau, il tente d’accrocher une dernière décoration sur le pauvre arbre. Un peu plus loin sur la droite, la mère (Silvie Laguna) le regarde désabusée. Tout à coup, elle se précipite sur sa braguette et tente une approche sexuelle. Devant le refus offusqué de son mari, l’air renfrogné, elle se transforme en mégère frustrée piquante et mordante.

Entrent en scène les deux fils, Nathan le prodige (Romain Apelbaum) et Tonio l’écorché (Brice Hillairet), accompagnés de Geneviève (Chloé Olivères), la femme de ce dernier que tout le monde considère comme une pièce rapportée. Commence alors un véritable jeu de massacre, un huis clos pesant et drôle où les masques tombent, les petites méchancetés égratignent, les rancœurs se libèrent.

De sa plume ciselée et poétique, Pierre Notte nous invite dans un conte de Noël sombre et tragique où les larmes laissent souvent place à des éclats de rires. Ponctuant la férocité de cette farce sombre, le metteur en scène scrute avec malice et une certaine nostalgie, les travers de chacun en brossant un portrait au vitriol d’une cellule familiale déliquescente. Exagérant les traits, jouant avec les mots, il s’amuse et entraîne ses comédiens dans un tourbillon effréné mêlant ingénieusement humour vache et saillies sibyllines. Prise au piège de cette mécanique théâtrale, la famille explose pour mieux se retrouver dans un phénoménal feu d’artifice de fin.

C’est Noël, tant pis : 5 comédiens nous font passer un joyeux Noël décapant

Totalement conquis, le spectateur se laisse embarquer dans ce noël foutraque et décapant par une troupe aux petits oignons. Bernard Alane se glisse à merveille dans la peau de ce père désabusé, frustré, dont l’ire retenue depuis trop longtemps menace d’exploser à tout moment. Silvie Laguna se délecte de ce rôle de mère indigne et aigrie par une vie fade et sans saveur. Brice Hillairet, toujours aussi magnétique, est parfait en fils mal dans sa peau et suicidaire. Une nature lunaire donne au personnage de Tonio, une densité poétique mélancolique et touchante. Romain Apelbaum (en alternance avec Renaud Triffault) s’amuse à jouer le rôle du fils modèle, tête à claques, à cheval sur la langue française et les principes, mais terriblement solitaire et mal aimé. Quant à Chloé Olivères et son regard de chien triste, elle est détonante et divinement drôle en belle fille non acceptée, prête à en découdre avec cette famille au bord de l’implosion.

En équilibre entre amour et haine, ce huis-clos familial, absurde et sanglant, a tout pour plaire. Des répliques qui font mouche, aux mimiques des comédiens absolument hilarantes, on se laisse totalement séduire par cette gourmandise acidulée qu’on déguste avec un malin plaisir.

C’est Noël tant pis de Pierre Notte
Théâtre du Rond-Point – salle Jean tardieu
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
jusqu’au 30 décembre 2016
du mardi au samedi, 21h – dimanche, 15h30 – relâche : les lundis, les 1er et 2 décembre
durée : 1h30

mise en scène et chansons de Pierre Notte
avec : Bernard Alane, Brice Hillairet, Silvie Laguna, Chloé Olivères, Renaud Triffault
en alternance avec Romain Apelbaum
costumes de Colombe Lauriot-Prévost
lumières de Marc Torrente de d’Aron Ola

( photo © Giovanni Cittadini Cesi
illustration © Stéphane Trapier )

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