Iphigénie en Tauride : la grâce comme rempart à la barbarie

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Par Olivier Frégaville-Gratian D’Amore – Face à la sauvagerie cruelle des hommes, une voix féminine s’élève poétique et humaniste. Refusant tout compromis, préférant la transparence aux mensonges, elle se livre sans fard dans un plaidoyer vibrant qui touche cœur et raison. En mixant vers et prose de Goethe, Jean-Pierre Vincent livre un spectacle puissant mais bancal qui séduit par l’intensité des mots et déroute par le jeu trop accentué voire burlesque des comédiens.

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Le soleil semble brûler le sol ocre devant les immenses colonnes de ce temple de Diane, situé en bord de mer. Souillé de sang séché, un autel de sacrifice trône au premier plan avertissant les voyageurs qu’ils ne sont pas les bienvenus en Tauride (actuelle Crimée). En fond de scène, un arbre de bronze offre un peu d’ombre et de répit aux fidèles. Il masque légèrement les reflets argentés et chamarrés de la mer en contre bas. Une femme, cheveux noirs, courts, tenue blanche immaculée, apparaît. Elle semble agitée. C’est la grande prêtresse. Regardant l’horizon, les yeux dans le vague, elle cache en son sein le lourd secret de ses origines.

Elle est Iphigénie. Descendante de la lignée de Tantale, fille du roi Agamemnon, elle aurait dû être sacrifiée pour calmer la déesse Diane que son père a offensé. Dans un acte de bonté, cette dernière l’a sauvée in extremis en l’enveloppant d’un nuage et l’a envoyée en Tauride pour s’occuper de son temple. Douce, compatissante, elle a su charmer ses ouailles et notamment le roi Thoas. Séduit par ses belles paroles, il s’est laissé influencer et a accepté de renoncer au rite barbare qui consistait à égorger tous les voyageurs étrangers débarquant sur les côtes de cette île-royaume.

Homme velléitaire, imbu de son rang, il songe à épouser la belle prêtresse. Mais celle-ci se dérobe, alors il menace de rétablir les sacrifices. Afin de protéger son frère Oreste et son ami Pylade, tout juste arrivé sur l’île, Iphigénie doit choisir entre la trahison ou l’honnêteté. Refusant tout compromis, à la ruse et au mensonge, elle préfère la transparence. Dans un plaidoyer émouvant, profondément humaniste, elle livre son cœur et son âme au roi espérant sa compassion.

A l’écoute du monde qui l’entoure, Jean-Pierre Vincent a l’art d’adapter des classiques ayant une résonance toute particulière dans l’actualité. Après Don Juan et En attendant Godot, Iphigénie en Tauride n‘échappe pas à la règle. Alors que nos sociétés contemporaines se referment sur elles-mêmes, que mensonges et manipulations régissent les rapports humains, la poésie de Goethe, son regard bienveillant sur l’humanité et sa croyance inoxydable en l’homme, allument l’espoir dans nos cœurs.

Iphigénie en Tauride : une mise en scène intense

Mixant adroitement les deux versions d’Iphigénie en Tauride, celle en vers, celle en prose, le metteur en scène, assisté de Bertrand Chartreux, signe un spectacle intense où chaque mot se détache magnifiquement comme une bulle de douceur et de pureté dans un monde brutal. Totalement conquis par l’onirisme de ce manifeste tant humaniste que féministe, on est désarçonné par le jeu grandiloquent et burlesque des comédiens. Forçant le trait de leurs personnages, exagérant certains de leurs gestes, ils obligent le spectateur à dissocier la belle parole de l’image. Cette étrange dichotomie empêche d’être totalement aspiré par la beauté du texte et nous laisse un peu sur notre faim. Dommage.

Iphigénie en Tauride de Goethe
Théâtre de la Ville – Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses
75018 Paris
Jusqu’au 10 décembre 2016
Du mardi au samedi 20h30 et le dimanche 15h.
Durée 1h50

mise en scène de Jean-Pierre Vincent assisté de Frédérique Plain et Léa Chanceaulme
traduction de Bernard Chartreux et Eberhard Spreng
dramaturgie de Bernard Chartreux
décor de Jean-Paul Chambas assisté de Carole Metzner
costumes de Patrice Cauchetier
maquillage de Suzanne Pisteur
conception lumières de Benjamin Nesme
son de Benjamin Furbacco
avec Cécile Garcia Fogel, Vincent Dissez, Pierre François Garel, Thierry Paret, Alain Rimoux

( crédit photo : Raphaël Arnaud )

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