Droit des femmes : la lutte difficile contre les préjugés

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Par Sophie Sendra – Comprendre l’Histoire c’est tenter de donner un sens, une signification aux événements. Vouloir changer l’Histoire et sa direction c’est avoir la volonté de lui donner un avenir. A cette petite phrase, « Je veux changer l’Histoire ! » certains, mal intentionnés, ont changé le sens même de cette volonté qui ne vise nullement le passé, mais qui tend vers l’avenir. En effet, « changer l’Histoire » ne veut pas dire réécrire l’Histoire du passé en falsifiant au passage les significations et les directions que les événements ont donné.

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Il existe dans et au travers de l’Histoire, des histoires, des événements vécus différemment par les uns et/ou par les autres, qui exigent un recul suffisant et une rigueur intellectuelle que certains n’ont pas.
Dire que le droit de vote n’a pas été donné aux femmes sous prétexte qu’elles suivaient aveuglément la parole des représentants de l’Eglise et que, pour cette raison, la France a pu devenir une République et non perdurer dans une monarchie est une réécriture de l’Histoire qui mérite soit une psychanalyse de longue durée, soit un retour en arrière en matière de scolarité pour celui qui a tenu de tels propos. Une remise à niveau est préférable, l’analyse, elle, se fera si et seulement si l’émetteur de cette idée saugrenue en fait la demande express.

Le droit des femmes : petit retour vers le passé

Loin de faire ici un long cours d’Histoire depuis la Révolution française, il est impératif de revenir sur quelques dates. Après la révolution de 1789, la Convention met en place la Constituante dont le chef est Robespierre, véritable dictateur et initiateur de la Terreur – règne de la guillotine. Après la chute de ce révolutionnaire devenu despote, une deuxième période se mit en place, le Directoire renversé lui-même par Napoléon Bonaparte par un coup d’Etat. Même si les femmes ont participé à la Révolution au côté des hommes, elles n’étaient pas de celles à être présentes, malgré leur désir, sur les tableaux de cette fabuleuse période. Ainsi le Consulat remplaça le Directoire, et ce à vie, en faveur de Napoléon Bonaparte. La Constitution de l’an XII (1804) faite et constituée par des hommes, décida que le pouvoir devait être confié à un Empereur – d’où le Premier Empire. La République fut supprimée et Napoléon sacré par le Pape Empereur tel un Roi. Mais l’Histoire ne s’arrête pas là.
En 1814, exit Napoléon, la monarchie est rétablie d’abord par Louis XVIII – de 1815 à 1824 – puis par Charles X – de 1824 à 1830. Toujours pas de vote des femmes à l’horizon et ce sont bien les hommes qui ont décidés ce retour à un Empereur puis à une monarchie. A la chute des Bourbons, suite à la révolution du peuple – les trois Glorieuses – Louis Philippe d’Orléans monte sur le trône et prit le titre de Roi des Français. Toujours pas de femmes à l’horizon des urnes et autres droits. C’est à la suite d’une énième révolution – 1848 – que Louis Philippe abdiqua et que la République fut à nouveau proclamée la même année, pour ensuite être quelque peu malmenée par, à nouveau, le désir d’être Empereur du président de la IIème république, Louis Napoléon, qui se mua en Napoléon III. A cette époque, Napoléon III régnait sans partage même s’il existait une consultation du peuple sous forme de plébiscite et de suffrage universel masculin qui existait, lui, depuis 1848. En 1870, rebelote, révolution et IIIème République mise en place. Pour la suite, les cours d’Histoire sont moins lointains.

La condition des femmes : Le sens de l’Histoire

Où se trouve donc l’absence si remarquée de la monarchie tout au long de ce rafraichissement mnésique ? Nulle part, puisqu’elle n’a cessé d’être après la Révolution française et ses nombreux soubresauts. Il faut attendre 1944 pour voir apparaitre le droit de vote pour les femmes – remerciements pour l’effort de guerre sans doute… alors qu’elles étaient déjà présentes sur le front, dans les usines et les hôpitaux en 1914, mais passons. Ce droit de vote ne fut réellement exercé qu’en 1945.
En 1903 Marie Curie est la première femme à obtenir le prix Nobel de physique qu’elle obtint une deuxième fois en 1911 en chimie.
Selon certains grands défenseurs de la théorie des anciens nuls en histoire – comme il existe la théorie des anciens astronautes pour les férus d’OVNI – Marie Curie aurait donc été, si elle avait eu le droit de vote, trop influencée par les curés de sa paroisse. Ainsi que Irène Joliot-Curie – fille de Pierre et Marie Curie – elle aussi prix Nobel de Chimie en 1935, et Suzanne Lacore, Cécile Brunschvicg respectivement sous-secrétaire d’Etat à la Recherche Scientifique, nommée à la Santé Publique et sous-secrétaire d’Etat à l’Education Nationale sous le gouvernement de Léon Blum et du Front Populaire en 1936. Avoir des fonctions d’Etat sans avoir le droit de vote c’est étrange, certainement une peur qu’elles n’aient pas assez de jugement et qu’elles veuillent retourner à une monarchie… ou peut-être l’incapacité de comprendre qu’une femme peut avoir un cerveau en dehors de toute influence extérieure. Ah mais non, puisque ça n’est qu’en 1938 qu’est votée la fin d’incapacité civile pour les femmes ! En effet ce cher Napoléon en 1804, dans son fameux code, avait imposé le devoir d’obéissance de la femme envers son époux. La femme considérée comme mineure était entièrement sous la tutelle de ses parents puis de son époux. Napoléon et les femmes, une belle histoire d’amour qui aurait méritée de se voir couchée sur le divan d’un psychanalyste !
En 1938, les femmes peuvent enfin s’inscrire à l’Université, avoir une carte d’identité, un passeport sans l’autorisation de leur mari. Simone de Beauvoir devait être certainement influencée par son église et son curé lorsqu’elle se mit en tête d’écrire le Deuxième sexe, publié en 1949.

La peur des femmes : de quelle peur parlons-nous ?

Selon certains innommables – car il n’y a aucune obligation ni raison de leur faire de la publicité – c’est la peur des républicains masculins qui les a incités à ne pas donner le droit de vote aux femmes. Ne serait-ce pas la peur des femmes tout court ? Non qu’elles soient meilleures ou pire que d’autres – puisque certaines d’entre-elles poursuivent cette longue tradition de tutelle à l’insu de leur plein gré et au détriment des femmes elles-mêmes –, mais peut-être sont-elles plus impressionnantes pour certains plutôt que d’autres.
Dire des inepties dans un grand média, l’écrire noir sur blanc dans un ouvrage mériterait des réponses des journalistes présents, des remises au point plus énergiques, des répliques dignes et solides.

Qu’apprenons-nous du présent ? Que les discours avilissants sont toujours présents dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, dans des bus de campagnes de politique américaine, dans des couloirs d’entreprises, dans des livres. On reproche les sifflements de certains dans les rues à l’approche d’une femme alors qu’une partie de ceux qui sont censés instruire, diriger, montrer la voie, ne le font qu’avec mépris pour la grande moitié de l’Humanité.
La peur vient de celui qui est dans l’ignorance pas de celui ou celle qui lui fait face.

La condition des femmes. Et s’il fallait conclure.

Cinq mille ans d’Histoire pour en arriver à des discours que l’Antiquité elle-même ne revendiquait pas. Lutter contre les paroles est possible en les dénonçant, mais lutter contre les pensées qui ne disent pas leur nom est plus dure semble-t-il. Dans la préface du Livre noir de la condition des femmes, réédité par XO Editions, collection Points, Christine Ockrent rappelle le préambule de la Charte des Nations Unies : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes (…) ». A la lecture de cet ouvrage, il est possible de se dire qu’il va être encore difficile de faire admettre qu’il ne faut pas forcément avoir peur des femmes pour tenir des discours tels que nous les avons décrit, mais qu’il faut seulement être persuadé qu’être homme autorise toutes les forfaitures les plus basses et les plus ineptes. Fort heureusement des hommes existent pour défendre les droits des femmes et remettre de la dignité dans leur Histoire, conscients que celle-ci n’est pas toujours vécue de la même manière selon le côté du miroir où l’on se trouve.

Livre noir de la condition des femmes
réédité par XO Editions
collection Points
Christine Ockrent

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