Branko Galoic : un artiste en exil

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Par Nicolas Vidal – Voyageur impénitent qui a fui l’ancienne Yougoslavie pour vivre de son art, Branko Galoic revient avec son nouvel album Angel Song qui fait la part belle à ses racines musicales. Entre souvenirs et témoignage, l’artiste croate revient pour le BSC NEWS sur son actualité et son exil salvateur pour sa carrière.

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Vous venez d’un pays qui s’est déchiré. Qu’est-ce que cela a eu comme conséquence sur votre identité et sur votre musique ?
C’est une expérience spéciale c’est sûr, un peu traumatisante mais définitivement positive. Cela a eu une grosse influence sur moi c’est sûr. Mais je n’ai jamais essayé de m’analyser dans ce rapport. Toutes les expériences bonnes ou mauvaises se reflètent dans les oeuvres d’art. Et c’est impossible de mettre tout cela dans une courte réponse…

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance dans la banlieue de Zagreb ? Comment avez-vous touché à la musique et appris la guitare ?
Je suis né à Zagreb, mais j’ai grandi à Ivanic Grad qui est une petite ville de 10000 habitants à 45 km de Zagreb. J’ai beaucoup de souvenirs, j’étais surtout dans le sport quand j’étais un enfant jusqu’à mes 17 ans. Puis j’ai commencé à jouer de la guitare. J’ai appris à jouer seul lorsque j’ai vu un groupe de rock jouant un concert au lycée. J’ai acheté une mauvaise guitare à un cousin et c’est devenu une véritable obsession.

Pourquoi avoir quitté votre pays pour rejoindre les Pays-Bas ? Est-ce la musique qui a motivé votre exil ?
Je voulais être libre et jouer la musique que j’aime et surtout en vivre. La situation dans mon pays n’était idéale en cette période de conflits. Une amie est allée en Hollande pour quelques jours et je suis parti avec elle. Je suis tombé amoureux d’Amsterdam et je suis resté. J’ai vécu en jouant dans la rue la première année.
Ce fut aussi une forme de rébellion, de ne pas rester dans un pays dirigé par des dirigeants corrompus.

Pourtant dans l’ex-yougloslavie, l’environnement musical semblait propice à s’inspirer et à créer. Pouvez-vous nous parler des grands courants musicaux traditionalistes ?
L’Ex-Yougoslavie a une musique folklorique traditionnelle très riche qui m’inspire beaucoup. Je ne veux pas suivre les tendances mais si vous écoutez des personnes comme Bregovic, Darko Rundek, Vlatko Stefanovski, Mostar Sevdah Reunion, Cinkusi, Saban Bajramovic, Merima Kljuco… vous trouverez forcément des choses passionnantes. Par exemple l’ensemble folklorique Lado est vraiment idéal pour découvrir les traditions dans la région. Je suis aussi ouvert à toutes les influences, du rock au classique, de l’Amérique latine aux pays arabes. Mais cela doit avoir un sens. Quand vous mixez des influences, il est assez facile de se perdre dans la médiocrité.

Pouvez-nous décrire le genre de musique bosniaque qu’est « la sevdah » ?
Sevdah ressemble au blues de la Bosnie et l’Herzégovine ou le Fado pour le Portugal. C’est la façon la plus simple de le décrire. Il y a beaucoup d’influence ottomanes dans cette musique. J’adore. Ma mère vient de l’Herzégovine alors j’ai cette musique dans mon sang.

En 2010 sort votre second album «Skakavac». Pourquoi avoir introduit des cuivres à ce moment-là dans vos morceaux ?
J’ai rencontré un joueur de tuba dans un bar et depuis j’ai joué dans un petit orchestre dans ma ville en Croatie à l’occasion de funérailles. J’ai ensuite décidé de monter une fanfare. J’ai aussi joué dans un autre groupe où j’ai rencontré un trompettiste de Bulgarie et un tromboniste de République Tchèque. C’est arrivé spontanément.

On sait que vous avez beaucoup voyagé en Europe très jeune. Est-ce que cela n’a pas renforcé votre art ?
Je n’ai pas vraiment voyagé durant ma jeunesse. Quand j’avais 18 ans, la guerre a commencé, il n’y avait pas d’argent et aucune possibilités de voyager en dehors de la Yougloslavie. Je suis parti de chez moi quand j’avais 27 ans et depuis jusqu’à maintenant j’ai beaucoup voyagé à travers l’Europe et j’ai vécu à Amsterdam, Berlin et maintenant Paris. Voyager m’a donné le sens de la liberté, ça m’a rafraîchi et inspiré. Cela permet de connaitre la vie sous différents points de vue. Mais le truc c’est que faire de la bonne musique n’est pas assez, pour voyager, vous devez y être complètement impliqué, vous devez réellement aimer ce que vous faites et travailler dur pour cela.

Avec la sortie de ce nouvel album vous travaillez avec des musiciens de tout horizons. Comment se passe cette collaboration ?
Vivre à des endroits comme Amsterdam, Berlin et Paris vous permet de rencontrer des musiciens et des personnes très différentes. J’ai joué avec des musiciens venant de plus de 20 pays différents, de l’Est à l’Ouest… C’est toujours une très bonne expérience, j’ai beaucoup appris.
Ici, à Paris je joue avec de très bons guitaristes venant de Lisbonne, Francisco. On travaille actuellement sur un album. Je joue également avec un très bon percussionniste iranien, Naghib Shanbenzadeh… J’espère enregistrer avec lui un jour aussi…

Est-ce votre éloignement de votre pays vous a ouvert les yeux sur la musique de l’Ex-Yougoslavie ?
Oui et ce de plusieurs façons. La distance vous donne du recul et j’ai rencontré des musiciens de Bosnie, Serbie, Macédoine et j’ai appris beaucoup d’eux. Avec la distance, certaines choses deviennent plus claires et plus belles, d’autres plus claires et moches mais c’est la vie. Ça aide aussi à voir combien de personnes dans les autres pays aime ce genre de musique.

Si vous deviez définir ce nouvel album en deux mots, que diriez-vous ?
Ce n’est pas une question évidente. Je l’ai fait avec amour mais pour le reste je laisse les autres le décrire.

Travaillez-vous déjà sur un nouvel album, Branko Galoic ?
Je suis en train de travailler sur 3 albums que je compose mais je n’ai pas encore commencé à les enregistrer. Quand ils seront terminés, vous le saurez.

Branko Galoic & Skakavac Orkestar
Angel Song
Label Silvox
www.branko-galoic.com

( crédit photo : Aisha Ziejpfveld )

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