Occitanie : les problématiques éditoriales des éditeurs régionaux

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Par Jonathan Rodriguez – Montpellier, mai 2016, Comédie du Livre, 31ème édition. La foule est bien au rendez-vous. Elle arpente les chapiteaux à la recherche d’ombre et d’auteurs fétiches pour dégotter un autographe sur un coin de table. Les écrivains sont souvent débordés ou seuls, voilà l’incertaine variable de la notoriété.

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À quelques encablures de là, se tient le stand des éditeurs régionaux du Languedoc-Roussillon. Sous une chaleur estivale, nous sommes allés à la rencontre de ces éditeurs locaux, afin de dresser un état des lieux de l’édition en région à l’heure où le livre est frappé par une crise qui s’aggrave au fil des mois.
Les avis sont précieux autant qu’ils divergent notamment sur la place d’Amazon dans l’éco-système du livre. La Comédie du livre est pour la plupart de ces maison d’éditions régionales une opportunité de rencontrer les professionnels, de gagner une visibilité pour leur structure et d’échanger avec les lecteurs.

Le modèle économique en question, la fidélisation des lecteurs en problématique, le numérique comme nouvel enjeu, la toute puissance d’Amazon : nous les avons questionnés sur tous ces sujets brûlants qui agitent la réflexion d’une maison d’édition régionale à l’heure du kindle, du ebook et de l’appétit gargantuesque d’Amazon dans un secteur du livre fragilisé.

Les éditeurs régionaux d’Occitanie, un modèle économique en question

Pour la plupart des éditeurs régionaux, la question économique n’est pas une préoccupation majeure. L’amour du livre et l’envie de promouvoir des auteurs priment avant tout. « On survie au jour le jour, sur un titre qui marche, d’autres pas » explique Henri Dhellemmes de la maison d’édition H&O. Un modèle économique basé sur les recettes des ventes, souvent faibles, et les subventions institutionnelles que sont le Conseil Régional, le Département et la DRAC principalement. « L’édition n’est pas rentable les premières années. Nos subventions ne représentent que 10% de notre budget, ça permet de démarrer un projet mais ça ne peut pas suffire » confesse la maison d’Editions Sansouire. Le problème étant également que les accords avec les librairies sont difficiles à obtenir du fait de la petite taille de ces éditions régionales, faute de distributeurs officiels. « Ça correspond à du marchandage » pour Alexe Zamora, responsable de la Communication au sein de Chèvre Feuille Étoilée, éditions féministe.
Parmi toutes celles rencontrées, E-Fractions est l’une des seules à développer une stratégie précise. Celle-ci vise à « réimplanter le numérique dans le monde réel en permettant au libraire de proposer dans sa boutique le livre numérique et de prendre à nouveau le risque de collaborer avec des petites et moyennes maisons d’édition » selon son directeur, Franck-Olivier Laferrère.

La fidélisation des lecteurs des éditeurs en Occitanie

Centre des attentions, la fidélisation des lecteurs est une problématique constante mais pas nouvelle. Elle correspond souvent à l’orientation éditoriale des différentes éditions. Pour exemple, H&O fait la promotion de la culture Gay, le Chèvre-feuille, quant à lui, défend la littérature féminine. Les stratégies pourtant ne diffèrent pas tant que çà d’une maison à l’autre, faute de solutions limitées.
Les réseaux sociaux et les articles de presse restent les principales sources de publicité et de promotion auprès du grand public. L’avènement d’internet et la taille des maisons d’éditions y sont pour beaucoup dans ses politiques de fidélisations. « On essaie d’orienter nos publications. Nous faisons la promotion des polars sur les réseaux sociaux, parce que l’on considère que le public est plus adapté à ce genre de littérature » rajoute Alexe Zamora « on met en place des concours pour gagner des livres, on essaie de créer des partenariats avec les blogueurs et on promeut les nouveautés via les newsletters » poursuit-elle.

Le numérique et l’avenir des éditeurs régionaux

E-fractions en a fait son cheval de bataille, les autres attendent de prendre le bon wagon. Sa politque s’appuie sur des prix en dessous du livre de poche. Reste à savoir si elle sera pérenne dans le temps. Mais des problèmes persistent toujours : la rentabilité et la démocratisation. En effet, le baromètre SOFIA/SNE/SGDL1 tend à confirmer que le livre numérique ne décolle pas et qu’il concerne principalement les grands lecteurs*, c’est à dire ceux qui sont déjà habitués à lire. Même si le nombre de lecteurs croit, notamment grâce à l’augmentation en équipement numériques des français, il reste un phénomène mineur puisque 74% des personnes de 15 ans et plus n’envisagent pas de lire un livre numérique. Il ne serait alors qu’un complément au papier. Le format, lui, se démocratise sans que les lecteurs suivent la tendance. L’argument avancé par les éditeurs que nous avons rencontrés, qui met en avant le fait de toucher un nouveau public en accédant au format numérique, semble difficile à réaliser si l’on en croit les chiffres.
«Nous ne mettons pas de verrous sur nos textes parce que nous souhaitons qu’ils circulent. La littérature ne circule pas dans le public. C’est une réalité. Il faut trouver des moyens de diffusion » selon un éditeur.

Amazon, l’acteur incontournable

Cauchemar des libraires, il est un acteur indispensable pour ces petits éditeurs, un collaborateur qui permet de donner un minimum de visibilité et qui peut générezr un nombre non-négligeable de ventes en ligne. Henri Dhellemmes, l’éditeur de H&O en atteste « Amazon est un client, je vends mes livres grâce à lui. Car mes livres numériques sont achetés sur Kindle ». D’autant que la plupart rencontrent des difficultés à créer des partenariats avec les librairies. En revanche pour Franck-Olivier Laferrère « un algorithme ne remplacera jamais un libraire ou un médiateur. Faire de la médiation et du conseil pour d’autres ouvrages est dans l’absolu une solution pour les libraires. Mais ils travaillent 65h par semaine, ce n’est donc pas possible ».

Un état des lieux à l’image de la situation du livre en France qui semble découler d’un certain pessimisme. Ces libraires et ces maisons d’éditions tentent trouver des stratégies pour perdurer dans le temps et redonner le goût de la lecture à une jeune génération qui la délaisse de plus en plus. Notons que l’association Languedoc Livre et Lecture sous l’égide de la Région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénnées organise et travaille au développement du livre et la lecture sur ce territoire avec les acteurs principaux de la chaîne du livre.

H&O Editions
www.ho-editions.com

Le Chèvre-Feuille étoilée
www.chevre-feuille.fr

E-Fractions Editions
e-fractions.com

Editions Sansouire
www.editionsansouire.fr

Languedoc Livre et Lecture
www.lr2l.fr

*http://www.sne.fr/wp-content/uploads/2016/03/Synthese-barometre-mars-2016.pdf

(photo Edith Hadri – Chèvre feuille étoilée Editions )

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