L’argot du polar : une inventivité littéraire ininterrompue
Par Pascal Baronheid – Sous la plume d’Albert Simonin, un personnage de Touchez pas au grisbi déclare « T’as des hommes qui méprisent les gonzesses, qui prétendent qu’on doit pas discuter avec. Je suis pas d’avis ».
On ne peut pas dire que les frangines abondent, dans cette grande fête de la langue verte lorsqu’elle vire au noir. Certes, on évoque les arpenteuses de bitume : « sa mère avait été une fière radasse avec des lolos comacks en pis, l’œil bovin, la vue courte », les gâtées par la nature : « on aurait pu faire du camping sur les roberts de cette souris » et même les féministes égarées : « fais pas ta fortiche avec moi, greluche ». On leur concède même le piédestal d’un titre : La môme vert-de-gris, Les femmes s’en balancent, Le plancher des garces, mais la Série Noire de la grande époque s’adresse aux hommes, aux vrais. Sous la plume des Amila, Bastiani, Cheney, Himes, Le Breton, c’est chasse gardée des mecs, des rouleurs de biscottos. Mais même en plein rififi, on n’oublie pas le beau sexe, tel Bill Pronzini : « Et si on ne pouvait plus jamais baiser… Se casser le braquemart… Et qu’est-ce qu’on pourrait inventer d’autre ? ». Sous les pavés de l’argot, la plage de la poésie de la révolte. Une inventivité ininterrompue, tantôt lyrique, tantôt crue, bien plus romantique qu’il n’y paraît. Devenez un de ces initiés qui entravent le jars et imposez-vous dans les dîners des caves : ça va péter des flammes. Et si le larbin cille en vous voyant, refusez de poireauter dans une sorte de hall où l’abbé Pierre trouverait le moyen de planquer cinq familles nombreuses.
« L’Argot du Polar », Lionel Besnier, Folio, 7,50 €
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