Être Humain : la quête du sens
Par Sophie Sendra – Le mot « sens » a plusieurs acceptions, il désigne ce qui nous met en contact avec le monde notamment au travers des cinq sens – certains diraient qu’il y en a six, l’intuition étant celui-là.
Cette intuition dirigerait notre esprit directement vers un « objet » sans qu’il y ait l’intervention d’un quelconque raisonnement. L’autre acception est celle de la direction. Le sens nous dirigerait ici ou là. Enfin, le « sens » est une « signification », il serait synonyme de Raison qu’il faudrait déchiffrer, traduire. Autant de définitions pour un seul mot est assez exceptionnel pour qu’on s’y attarde. Car que faut-il comprendre du monde si le monde n’a pas de « sens » ?
Le Sens Caché
Toutes les sciences, qu’elles soient Humaines, Formelles ou Littéraires cherchent un Sens à l’existence du monde tel qu’il nous est donné. C’est dans ce monde si in explicite que nous cherchons inlassablement une signification aux choses qui nous entourent mais également à ce que nous faisons, ici et maintenant. Trouver un sens caché aux choses nous permettrait de juguler cette angoisse existentielle de l’absence de signification et de direction. Dire que nous sommes dans un monde qui se reflèterait dans un code, annihilerait toute possibilité d’Absence. Les Frères Bogdanov, nous proposent une lecture du Code de l’Univers (Albin Michel), comme si un Grand Architecte mathématicien avait caché une logique stable dans cette création qu’est le monde, l’univers entier. Dans l’absence – toujours – d’une preuve, il s’agira de croire ou non à cette herméneutique. Cette dernière a alors pour but de rendre clair ce qui est obscur et de rendre cohérent ce qui est – ou semble – confus. Hermès, messager et interprète de Zeus est chargé également de guider les âmes. Mais toute interprétation est le fait d’une interprétation. Les différents sens s’appuient les uns sur les autres, ils dépendent les uns des autres. Comment alors ne pas tomber d’une science et verser dans une croyance ?
La voie de l’insensé
Claude Lévi-Strauss nous guide vers cette quête de sens. Selon lui, une des caractéristiques de ce qu’il appelle « la pensée sauvage » est qu’elle est tout d’abord, encore vivante en nous, puis qu’elle nous dirige inéluctablement vers le fait de considérer que le monde tout entier n’est que l’expression d’un message, d’un discours qui comporteraient un signe, un élément du message général et global. Une sorte de symbole universel, d’un code qui expliquerait le Tout. Il est donc impossible pour l’Etre Humain de considérer que seul « l’insensé » guide notre monde, sa création et la direction qu’il prend.
Or l’absence de Sens est une voie possible. L’absence d’une direction, d’une signification est incompréhensible, mais n’est pas révélatrice d’une voie insensée, elle est simplement en dehors du cadre de notre compréhension. Ou que l’absence de sens est une possibilité. Cela reviendrait à vouloir ouvrir une porte en l’absence de serrure. Cette impossibilité de penser l’insensé est propre à notre capacité de raisonnement, mais également à un cercle herméneutique qui nous oblige à créer du Sens, à interpréter tout fait, à ignorer toute réfutation que cette herméneutique pourra réinterpréter à sa guise. C’est donc un curieux mélange qui s’opère lorsque la pensée sauvage rencontre la science formelle, il se passe une création interprétative qu’on appelle croyance.
S’il fallait conclure
Ce qui est certain quand on parle de Sens c’est que ce à quoi nous assistons dans le monde est produit par un Etre qui est en quête permanente de ce qui crée notre Univers, de la raison pour laquelle il est tel qu’il se présente à nous, mais dans le même temps, cet Etre qui tente de découvrir « le code » est totalement insensé : lorsque la moitié de la planète tente de maigrir, l’autre moitié tente de se nourrir. Nous réduisons notre consommation d’eau, d’autres meurent par son absence. L’Etre humain cherche sans doute à chasser l’insensé qui est en lui en trouvant un Sens qui lui échappe. Il veut se cultiver mais imprime en une seule année, à plus de 200 millions d’exemplaires, un catalogue spécialisé dans l’aménagement. Que faut-il comprendre ? Qu’il y a un code plus difficile à déchiffrer que celui de l’univers, celui de l’Etre Humain. Ce code est sans doute trop paradoxal pour que les mathématiques puissent s’y attaquer, trop fluctuant, trop mouvant, trop instable, trop Humain.
> Igor et Grichka Bogdanov
Le code secret de l’univers
Editions Albin Michel – 20 euros – 320 pages
> Claude Lévi-Strauss de l’Académie française – Agora
La pensée Sauvage – Pocket – 7,70 euros
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