Les Suffragettes: Carey Mulligan apprivoise l’écran en militante féministe

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Par Florence Yérémian – Le film de Sarah Gavron prend place en Angleterre au début du siècle dernier. Centré sur le personnage fictif de Maud, il met superbement en images les premières activistes britanniques revendiquant le droit de vote des femmes.

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Maud est une jeune ouvrière travaillant nuit et jour au sein de l’étouffante blanchisserie Glasshouse. Malgré sa timidité, elle se retrouve engagée auprès d’un groupuscule féministe réclamant pacifiquement l’égalité entre homme et femme au niveau des suffrages. Face au rejet permanent du gouvernement conservateur soutenu par des journalistes muselés, ces pionnières décident d’envoyer valser toute bienséance et se radicalisent: Maud est ainsi impliquée dans des actes de vandalisme et se retrouve plusieurs fois incarcérée en compagnie des Suffragettes. Critiquée par son entourage, elle est licenciée mais continue à saboter des lignes télégraphiques tout en faisant exploser la résidence secondaire d’un politicien. Lorsque son mari la chasse définitivement de sa maison, Maud réalise à quel point cette idéologie égalitaire a donné un nouveau sens à son existence, quitte à perdre la garde de son propre enfant…

Véritable fresque sociale, ce très beau long-métrage est doublement signée par une femme car il bénéficie non seulement d’une thématique partisane mais aussi d’un grand raffinement esthétique: en dépit du climat conflictuel qui enveloppe le scénario, l’ensemble du film nous livre des images feutrées, des scènes baignant dans la vapeur des blanchisseuses et des héroïnes conservant leur élégance et leurs gracieux chapeaux durant les émeutes. Au sein de ce flou artistique bercé par l’envoutante musique d’Alexis Desplat, la réalisatrice parvient à nous brosser un bien triste tableau de la condition féminine du début du XXe. Ses prises de vues en oblique positionnent subtilement les spectateurs face aux violences et aux humiliations subies durant des lustres par ces ouvrières.: maniant le fer à repasser dès l’âge de 8 ans, elles sont pour la plupart asservies par leur employeur et ne trouvent aucune compensation auprès de leurs époux dont elles demeurent la « propriété ». Dans son approche cinématographique, Sarah Gavron a évité toute sorte de pathos afin de rester fidèle à la réalité. Sa mise en scène sobre et classique montre ainsi de façon très objective la rude existence de ces femmes du peuple et leur combat pour l’égalité : entre les mises à tabac, les harcèlements sexuels et les emprisonnements, l’on sent que la jeune réalisatrice plaide pour ces pionnières qui n’ont acquis le droit de vote qu’en 1928 (Précisons que les Françaises ont du attendre jusqu’en 44…)
Afin de symboliser ce combat pour la liberté, Sarah Gavron a su opter pour un casting de choix: entre l’excellente Carey Mulligan, la frondeuse Helena Bonham Carter et la cultissime Meryl Streep, il était quasiment impossible de rater son coup!

A l’exemple de son film précédent (Loin de la foule déchainée), Carey Mulligan nous livre de nouveau une héroïne toute en nuances. A la fois forte, humble et délicate, cette superbe actrice possède un visage très expressif au travers duquel transparait progressivement la prise de conscience de son personnage. Portée par le souffle féministe des militantes, la sensible Maud ne va cesser de se métamorphoser au fil du récit. Il faut dire qu’à ses côtés se profile une figure des plus partisanes: la caractérielle Helena Bonham Carter! C’est avec sa fougue habituelle que cette rebelle anglaise interprète le rôle d’Edith, une doctoresse activiste. Aussi belle qu’inflexible, l’on regrette de la voir si peu à l’écran mais Helena Bonham Carter possède une telle prestance qu’elle risquait de voler la vedette à Carey Mulligan !
Bien que Maud soit la principale protagoniste du film, Sarah Gavron a tout de même fait apparaître la véritable meneuse de cette lutte féministe: Emmeline Pankhurst ! C’est à Meryl Streep que revient le rôle de cette dirigeante officielle de la WSPU (Women’s Social & Political Union). De nouveau, l’on aurait aimé profiter d’avantage du talent de Meryl Streep, mais son rôle de politicienne controversée a contraint l’actrice à se dissimuler tout au long de l’histoire.
En contrepoint de cette Sainte Trinité de grandes comédiennes, saluons également la présence de deux hommes: le revêche Brendan Gleeson (Mad-Eye dans Harry Potter!) qui interprète un policier irlandais pourchassant les Suffragettes, ainsi que le sensible Ben Whishaw qui incarne avec empathie l’époux de Maud. Bien qu’il adore sa femme, cet homme ne comprend absolument pas ses idées avant-gardistes. Apparemment tendre et docile, il finit par prendre peur d’elle car son esprit est totalement prisonnier des conventions masculines de son temps.

Afin de capter la portée de ce film historique, il faut qu’à leur tour, les spectateurs se plongent dans le conservatisme phallocratique de cette époque. En réfléchissant à la précarité et à l’incertitude de ces ouvrières anglaises, ils réaliseront peut-être à quel point leur lutte vers la citoyenneté a été difficile.

Les Suffragettes ? Un hommage poignant aux militantes féministes du siècle dernier qui devrait éveiller la conscience politique et sociale des femmes d’aujourd’hui!

Les Suffragettes
De Sarah Gavron
Avec Carey Mulligan, Helena Bonham Carter, Meryl Streep, Brendan Gleeson, Ben Whishaw, Anne-Marie Duff, Romola Garai, Findar Lynch, Natalie Press, Samuel West, Geoff Bell

Sortie au cinéma : le 18 novembre 2015

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