Brainless : histoire d’un zombie ordinaire

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Par Amélie Coispel – bscnews.fr / Brainless, écrit par Jérôme Noirez, est le premier titre de la nouvelle collection de Gulf Stream, ELECTROGEN3. Un livre fantastique, qui prend pour thématique les zombies, avec un traitement bien différent de ceux que l’on connaît. Sur la première de couverture, un cerveau sur un plateau recouvert d’une cloche transparente et des pages intérieures irisées d’orange. Un design singulier donc.

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Ce roman met en scène Jason, un adolescent médiocre surnommé Brainless qui est mort, étouffé par une ingestion massive de maïs, mais qui demeure cependant toujours sur terre. Il est ce que l’on appellerait dans le domaine populaire un « zombie »- même s’il ne se définit pas comme tel mais plutôt comme un adolescent atteint du syndrome de coma homéostatique juvénile (SCJH). Les premières pages mettent en place les premières confidences de Jason. A cette occasion, on découvre la chute de l’histoire : la tuerie qui aura lieu dans son lycée.

Brainless admet quelques aspects paradoxaux. D’abord la présence d’une narration interne récurrente, un point de vue narratif généralement employé pour figurer les sentiments, les émotions, les envies des personnages. Or, Jason est un zombie, il ne ressent rien. Un autre aspect paradoxal, c’est le titre. On appelle Jason « Brainless » alors que finalement, se nourrissant exclusivement de viande cru, il mange constamment du cerveau, aliment qui lui apporte une intelligence éphémère. Brainless n’est donc pas si brainless que cela !
Le roman évoque, avec justesse et discernement, l’humanité dans toute sa dimension : il fait le portrait d’une société individualiste où le « tous pour un » devient un « chacun pour soi ». Au-delà de ce thème de zombie,en effet, Brainless décrit aussi des faits de société et n’explore pas seulement la condition de mort-vivant mais aussi tout ce qui est inhérent à la condition d’adolescent. Jason va ainsi rencontrer une jeune fille, Cathy, qui deviendra son premier amour. Bien sûr, cet amour se vivra en tant que Zombie, avec tous les non-sentiments qui vont avec. Ce récit est aussi un prétexte au traitement de la question de l’exclusion sociale, dénonce les préjugés et cette apologie du « paraître » que refuse par exemple le personnage gothique de Cathy. On retrouve aussi des thèmes comme la drogue, l’alcool, mais la démesure comme celle de Cassidy, la bimbo du lycée, une dépravée sexuelle. Cette histoire montre aussi l’acceptation du syndrome comme l’acceptation d’une maladie. Jason accepte sa condition et vit normalement alors que sa mère passe par de nombreux stades pour tenter de gérer cette situation pour le moins particulière.

Ce livre, qui peut paraître très fantastique, s’inscrit dans un univers finalement très ordinaire. Au sein de cet univers sanguinolent, où pullulent le sang et les morceaux de cervelle, Jérôme Noirez use d’ironie et le côté macabre se dissipe au profit de portraits sarcastiques – mais très fidèles – des adolescents dans une société actuelle. C’est une réflexion sur la civilisation en elle-même, à travers une pluralité de personnages. Finalement, l’horreur ne réside pas tant dans la dimension de Zombie mais plutôt dans la « monstruosité » des portraits qui sont dressés, portraits caricaturaux mais qui amènent à un constat amer, celui d’une société où les adolescents n’ont plus de respect d’eux-mêmes et entre eux.
Ce livre, entre horreur teintée de gothique et réalisme aussi cru que la viande dont se nourrit le personnage, est très orienté vers les jeunes. Si l’on peut faire une critique, c’est celle de l’écriture, qui est parfois trop familière. Ce roman, qui conjugue fiction et réalité, séduira assurément les amateurs de littérature fantastique, ceux qui préfèrent les récits de vie seront sûrement plus partagés… Toutefois, il est juste dans sa manière de traiter l’adolescence et rien que pour cette raison, il faut le lire !

Brainless
Jérôme Noirez
21 Mai 2015
Editions Gulf stream
Collection ELETROGEN3
250 pages
16 euros

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