Tour de France : Antoine Blondin, Monsieur Jadis et Toujours
Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr / C’est le marronnier par excellence. Chaque jour de juillet, à l’heure du petit jaune, on convoque Madame Nostalgie pour qu’elle nous redise la légende d’Antoine Blondin. C’est qu’il nous manque, le bougre ! Le virtuose de la chanson de geste moderne, c’est lui. Sa prose fleure bon l’embrocation et subjugue le grand plateau, laissant sur place le peloton des plumitifs besogneux et des commentateurs empruntés, ces porteurs d’eau du XXIe siècle.
Pour tous braquets
Itinéraires, palmarès, classements de l’édition précédente, informations sur les équipes, pages vierges réservées aux chasseurs d’autographes et autres rappels historiques à l’appui, le Guide du Tour 2015 prépare à suivre la 102e édition de la Grande Boucle, mais son contenu ne se limite pas à cela. On y présente les villes étapes, les curiosités à voir, les restaurants où s’attabler, les personnages et événements historiques, le dénivelé des parcours, les drames et faits d’armes qui lui sont indissolublement liés. Un bémol : les bandeaux d’informations socio-économiques sur les cités de départ et d’arrivée, parfois lacunaires mais, c’est plus grave, complètement dépassés. Comme tel, l’ouvrage s’adresse davantage au tourisme cyclo-sportif, ce qui repousse sa date de péremption.
La folie jaune
Mystère, beauté, énigme, plus grand spectacle sportif et social au monde : quelque part, le Tour est indescriptible et la notion de forçats de la route demeure évidente, malgré les soins dont on entoure désormais les cyclistes ou peut-être à cause d’eux. Journaliste et ancien coureur, Richard Moore a choisi de raconter vingt épisodes particuliers qui participent de la légende du siècle. Loin des podiums, à l’abri des caméras et des micros, il a obtenu des entrevues inédites avec des protagonistes éclatants ou obscurs, auréolés de gloire ou perclus de nostalgie, entrés dans l’Olympe ou jamais sortis de l’anonymat. Des histoires comme seuls les vrais sujets de la Petite Reine peuvent en glaner. Celle de ce double champion du monde devenu gardien de musée ou cette autre du plus grand champion de tous les temps, occupé chaque hiver à dîner et déguster des vins fins dans les palaces de Doha. Il suffit de consulter l’impressionnant index du livre pour éprouver l’envie irrésistible d’y plonger. Moore raconte avec mesure, sans dilapider les superlatifs, ajoutant juste ce qu’il faut d’empathie ou de prudence pour éviter le voyeurisme et plonger au cœur du peloton un lecteur ravi. Pas mal pour un British.
Histoires d’hommes
Ils n’étaient pas trop de trois pour tresser une couronne à Blondin. Et même pas assez, puisque Raphaël Géminiani, Raymond Poulidor, Jacques Goddet, Jean-Marie Leblanc, Christian Prudhomme, Bernard Hinault ont été requis pour former une équipe rappelant la fameuse garde rouge de Rik Van Looy. A leur tête : Symbad de Lassus, petit-fils d’Antoine, Jacques Augendre, 55 Tours au compteur, Jean Cormier, 37 Tours. Pas la moindre prétention, de leur part, d’égaler une seule ligne des 524 chroniques écrite pour L’Equipe par Blondin en 27 Tours de France, d’autant que les extraits de plusieurs d’entre elles frapperaient de ridicule la moindre velléité d’imitation. Une kyrielle d’anecdotes savoureuses, de petites révélations. L’histoire des randonnées à bord de la fameuse voiture 101, académie ambulante que Blondin appelait sa résidence d’été. Voici juillet, la caravane passe et les chiens n’aboient pas ; ils pleurent l’écrivain magnifique, celui qui portait en lui l’amitié et l’amour, au point d’avouer « Je ne supporte pas le bruit d’une porte ou d’un cœur qui se ferme ».
« Guide du Tour 2015 », François Thomazeau, l’Archipel, 7,50 euros
« Etapes », Richard Moore, Hugo Sport, 17,95 euros
“Antoine Blondin – La légende du Tour”, Jacques Augendre, Jean Cormier, Symbad de Lassus, éditions du Rocher. 19,50 euros. Les disques Saravah (www.saravah.fr) proposent « Antoine Blondin en chansons », CD mixte, qui réunit chansons (Pierre Barouh, Allain Leprest, Pierre Jean) et textes de l’Antoine lus par S. de Lassus.
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Et pourtant, il tourne… ce ballon rond.
En venir aux mains pour des jeux de pieds !