La ligne de couleur: un plaidoyer incomplet en faveur de l’intégration

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Laurence Petit-Jouvet est une cinéaste engagée. Préoccupée par la discrimination raciale et l’injustice, elle porte un regard critique sur la politique d’intégration du gouvernement en prenant comme appuis des témoignages provenant de Français issus de l’immigration. Dans son film précédent, Correspondances, elle mettait en avant les frustrations de la diaspora malienne. Avec La ligne de couleur, elle propose aux spectateurs une série de lettres-filmées autour de onze intervenants « non-blancs ».

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Dans ce documentaire social, les prises de paroles sont plus ou moins fortes, plus ou moins utiles, mais elles font toutes preuve d’une grande authenticité. Qu’ils soient asiatiques, noirs ou arabes, l’ensemble de ses protagonistes ont accepté de jouer la carte de la vérité en confiant à la caméra leurs expériences et leurs ressentis personnels. S’immisçant dans leurs pensées les plus profondes, la réalisatrice met en voix les craintes et les souffrances individuelles de ces citoyens de France qui redoutent encore aujourd’hui le regard de l’autre. Leurs mots sont simples, francs, parfois naïfs mais jamais mièvres. Tous se plaignent des préjugés de l’inconscient collectif qui condamnent sans réfléchir leur nom, leur culture mais surtout leur couleur de peau.
Parmi ces témoins soigneusement sélectionnés par la réalisatrice, la plupart appartiennent aux cités mais ce ne sont nullement des délinquants. Evoluant entre Montreuil, Saint Denis ou Clichy-sous-bois, ils exercent les nobles fonctions de conseiller municipal, actrice ou réalisatrice. Par delà leur statut respectable, ils regrettent néanmoins d’avoir à « se façonner » pour être acceptés par la société: leurs cheveux, leur code vestimentaire et même leur voix nuisent à une assimilation parfaite de leur personne et créent en eux un mal-être permanent. Il y a par exemple Yumi la comédienne japonaise qui ne parvient qu’à trouver des doublages d’héroïnes asiatiques alors qu’elle sait parfaitement déclamer les vers de Racine. Il y aussi Fatouma qui tente d’expliquer à son adorable fille qu’elle ne doit pas avoir honte de ses cheveux crépus car ils mettent en avant sa beauté noire. Il y a enfin Rui, l’étudiant chinois qui porte sur son visage l’étiquette asexuée et besogneuse du stéréotype asiatique…
En écoutant leurs confidences, l’on ressent évidemment la blessure identitaire et l’amertume de chacun d’entre eux, l’on regrette néanmoins que Laurence Petit-Jouvet leur confère en permanence un statut de victimes. A l’exemple des Etats-Unis, l’Hexagone est, en effet, devenu un melting-pot où la mixité ethnique est quasiment devenue la norme. Face à cette évolution sociétale et au visage hétérogène des Français d’aujourd’hui, ce plaidoyer cinématographique possède décidément un côté obsolète et trop restrictif.
La ligne de couleur: une thématique multicolore à réactualiser et à creuser plus en profondeur …

La ligne de couleur
Un film de Laurence Petit-Jouvet
Avec : Yumi, Patrice, Alice, Mehdi, Rui, Yaya, Jean-Michel, Jérémie, Sanaa, Malika, Fatouma et sa fille.
France 2014
Sortie nationale: le 17 juin 2015

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