Gallimard : la Série noire fête ses 70 ans
Par Eric Yung – bscnews.fr/ La Série Noire fête, cette année, ses 70 ans d’existence. Et l’éditeur de la rue Sébastien Bottin met, pour l’occasion, les petits plats dans les grands. Bref, « la série noire » ? La paternité éditoriale en revient à Marcel Duhamel, un personnage peu commun.
Après avoir pratiqué mille et un petits métiers (modiste, publicitaire, décorateur etc.) Marcel Duhamel est aussi le taulier d’un hôtel situé rue du Château, dans le quartier de Montparnasse. Et c’est dans ce lieu qu’il accueille ceux qui deviendront ses amis : Jacques Prévert (qui trouve le nom de la collection « série noire), Picasso (qui donne l’idée de la première maquette jaune et noire), Raymond Queneau, Yves Tanguy. Cet hôtel (l’hôtel Grosvenor) deviendra également l’un des lieux de réunions des surréalistes. Mais c’est –sans doute- sa rencontre avec Marcel Achard qui sera déterminante dans sa vie d’éditeur. En effet, c’est le dramaturge, auteur de nombreuses pièces de théâtre dont le célèbre Patate qui lui fait découvrir le roman noir anglo-saxon et en particulier les oeuvres de Peter Cheney (créateur des personnages Slim Callaghan et Lemmy Caution qui sera incarné à l’écran par Eddie Constantine). Duhamel se prend de passion pour cette littérature peu conformiste et lorsque qu’il se rend, pour la première fois, aux Etats Unis il en revient les bagages chargés de dizaines de livres « bon marché à la réputation sulfureuse(…) des romans de gare au papier de mauvaise qualité » mais qui avaient pour signataires des auteurs, traduits par Marcel Duhamel, tels que Raymond Chandler, Dashiell Hammett, Hadley Chase, David Goodis, Thomson et bien d’autres encore. Et c’est ainsi que la collection « série noire » est lancée en France avec cet avertissement signé de la main de celui qui en sera le patron jusqu’en 1977 et qui, en guise de présentation, prévient que le « lecteur doit se méfier : les volumes de la « Série Noire » ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L’amateur d’énigmes à la Sherlock Holmes n’y trouvera pas souvent son compte. L’optimiste systématique non plus. (…) On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu’ils poursuivent. Le détective sympathique ne résoud pas toujours le mystère. Parfois il n’y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ? … Alors, il reste de l’action, de l’angoisse, de la violence –sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies- du tabassage et du massacre.
Aujourd’hui, si la « Série Noire » veut –nous dit l’éditeur « rester fidèle à celle qu’elle a été » tout en continuant à « offrir un panorama le plus vaste possible de la littérature noire contemporaine » (thriller, roman noir, polar historique ou politique…) elle met, en cette année d’anniversaire, en exergue aussi « la lumière sur le roman noir français ». Ainsi, et dès le mois de mars 2015, les éditions Gallimard nous invite à retrouver quelques auteurs emblématiques de la « Série Noire » tels que Jean-Bernard Pouy (avec un recueil de cinq volumes), Dominique Manotti qui avec un nouveau roman décrit « la naissance dans le sang du trading pétrolier dans le Marseille des années 70 », Patrick Pécherot qui « nous immerge dans la France et l’Amérique de l’avant-Première Guerre Mondiale en suivant d’anciens communards ou encore DOA qui nous offre une fresque réunie dans « deux volumes titanesques et impressionnante de réalisme » des scènes de guerre en Afghanistan.
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