Pas de saison pour les frissons !

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Par Marc-Emile Baronheid – bscnews.fr/ Pas de saison pour les frissons. Il n’empêche que les polars nouveaux se prêtent admirablement aux soirées devenues soudain plus longues, noires comme toutes ces âmes damnées.

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D’inquiétants loustics
La troisième odyssée de Zack Walker, journaliste spécialisé dans la faculté d’être au mauvais endroit au mauvais moment et de prendre des initiatives malencontreuses. Une manière de Gaston Lagaffe au royaume de l’hémoglobine. Cette fois, Zack imagine se rendre utile à son père, temporairement invalide. Son arrivée coïncide avec la découverte d’un cadavre dont tout le monde s’accorde à conclure qu’il a été déchiqueté par un ours. Pourquoi diable Zack imagine-t-il une autre version ? Son entêtement va le mettre sur la piste de branquignols aux intentions pas vraiment innocentes. On sait que Barclay affectionne les injections burlesques, au plus noir de l’action. Cette fois encore, il donne libre cours à ce penchant, sans dommage rédhibitoire pour la tension du récit.

« Mauvaise compagnie », Linwood Barclay, Belfond Noir, 21 euros

Un flic peu orthodoxe
L’avantage avec Gagnol, c’est qu’il présente le menu dès les premières phrases : « La fille était morte quand elle a été violée. Et ça, c’était la bonne nouvelle ». Marco Benjamin est sur la piste d’un affreux psychopathe qui mutile ses victimes vivantes, pour finir par les éplucher comme une banane. Le flic avait bien besoin de cela, lui qui est dévasté par un divorce douloureux, une dérive alcoolique, la tutelle des antidépresseurs. Son psy perd les pédales, au point que les rôles sont pratiquement inversés. Benjamin s’invente un alter ego ,Suicide-Man, pour tenter de pénétrer les zones interlopes où pourrait évoluer son gibier. Il croise aussi la route d’un gourou illuminé, mais dont les fulgurances ne sont peut-être pas négligeables. Et une gamine de 18 ans fait irruption dans la vie du poulet quadra. Gagnol, qui donne un récit fluide, pratique l’humour noir avec un certain bonheur. On tient là un cousin sous-germain de Franz Bartelt.

« Un fantôme dans la tête », Alain Gagnol, Le Passeur éditeur, 20,90 euros

Ni regrets, ni remords
David Slaney s’évade de la prison où l’avait envoyé un trafic d’herbe qui devait les rendre riches, lui et son ami Brian Hearn. Brian, demeuré libre, a organisé la fuite de son pote. Cette fois, la chance sourit à David lors de sa cavale et même avec insistance. Brian l’attend pour monter un coup encore plus gros et plus juteux, jamais réalisé au Canada. David ira en Colombie, prendre livraison d’une cargaison de drogue à remonter en lieu sûr. Du tout cuit, apparemment. Chemin faisant, il reprend goût à la liberté, aux grands espaces, aux jolies femmes. Mais sait-il que la police suit le moindre de ses faits et gestes ? Lisa Moore jongle avec les classiques du genre, maniés avec un sens affûté de la psychologie humaine. Même les traîtres ne sont pas complètement haïssables. Ne rien regretter, quoi qu’il en coûte.

« Piégé », Lisa Moore, Denoël, 22,50 euros

Sous le pavé, le ramage
Pour son baptême de feu dans la noblesse policière, Aro Sainz de la Maza frappe fort et juste. Tenir en haleine au long de 663 pages n’est pas à la portée du premier venu. Qui plus est, l’auteur requiert implicitement l’attention constante du lecteur, jusque dans les descriptions, aussi longues que chez Balzac mais jamais ennuyeuses, tant la connaissance que possède l’auteur de l’univers de Gaudi est pointue et passionnante. Car Gaudi est la figure tutélaire d’un passionnant jeu de piste à Barcelone, ville natale du romancier. Des cadavres atrocement mutilés sont découverts à cadence répétée. Les victimes appartiennent à l’oligarchie locale et sont en liaison directe avec les réalisations de l’architecte emblématique. Milo, un policier agissant en électron libre et sa jeune mais sagace équipière tentent de faire échec à la puissance occulte et vengeresse qui frappe en harmonie avec le symbolisme ésotérique déployé par Gaudi. Le lecteur est ferré, promené, malmené jusqu’à plus soif, conscient que l’élucidation se mérite et ne sera pas une mince affaire. Puis, au tout dernier moment, l’éclaircie, le plaisir, l’injonction finale de Milo au lecteur : « Le programme pour le reste de la journée est le suivant : expirer, inspirer, expirer ». Du grand art.

« Le Bourreau de Gaudi », Aro Sainz de la Maza, Actes Sud – actes noirs, 23,80 euros

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