Little Boy: une tragicomédie qui utilise le rire pour combattre la folie humaine!

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Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ Derrière son drôle de titre, la nouvelle pièce de Régis Vlachos cache un sujet grave. « Little Boy » est en effet le nom de la bombe atomique larguée en août 1945 sur la ville d’Hiroshima. Par delà l’explosion qui fit plus de 150000 morts, cette mise en scène nous présente l’immense culpabilité ressentie par Claude Eatherly, l’un des pilotes américains qui réalisa le repérage aérien de cette future nécropole. Après la guerre, ce héros national voulut crier sa révolte à l’encontre de son gouvernement meurtrier mais il fut interné. Pour tenter de comprendre cet homme repentant et muselé, le philosophe autrichien Günther Anders engagea alors une correspondance avec Claude Eatherly qui dura près de deux ans. Ces échanges épistolaires donnent aujourd’hui naissance à une singulière adaptation théâtrale servie par deux acteurs aux registres magnifiquement complémentaires.

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D’un côté, déambule Christophe Alévêque incarnant Claude Eatherly rongé par le remord. De l’autre cogite Régis Vlachos interprétant avec pragmatisme l’intellectuel Gunther Anders et son ardent combat contre l’avancée du nucléaire. Leurs univers sont diamétralement opposés et pourtant ces personnages vont se rencontrer le temps d’une remise en question plus que libératrice.
Dans le rôle du pilote traumatisé, Christophe Alévêque compose un toqué des plus attendrissants. Fragile, maladivement angoissé et pourtant si comique, il nous fait alternativement songer à un Michel Serrault des plus névrosés ou à un désopilant autiste mal à l’aise avec le monde qui l’entoure. Victime de son propre crime, le protagoniste qu’il représente veut être reconnu coupable de son massacre et met tout en œuvre pour casser l’image de héros de guerre dont on l’a affublée : à coup d’escroqueries, de braquages et d’attaques à main armée, Claude Eatherly tente d’attirer l’attention afin d’alerter l’opinion publique. Se soignant à coup de pilules et de versets bibliques, cet officier désillusionné sait cependant que rien ne peut apaiser l’esprit d’un collaborateur, pas même les belles phrases philosophiques de Gunther Anders. Telle une conscience personnifiée, ce grand penseur en costume gris est temporairement venu le rejoindre dans son asile psychiatrique. Avec patience et militantisme, il incite le malheureux Claude à prendre la plume pour évacuer ses scrupules, dénoncer les vrais coupables d’Hiroshima et tenter de freiner les dégâts à venir de la folie humaine. L’écriture ne semble cependant pas être une thérapie suffisante pour Claude qui s’enfonce progressivement dans son cynisme et son aliénation.
Entre le burlesque et le drame, cet étonnant duo de comédiens nous livre ici une partition théâtrale d’une virulente ironie. À la fois comique et chargée d’une grande émotion, la prose engagée de Régis Vlachos a trouvé le dosage adéquat pour éveiller les spectateurs face aux questions de responsabilité et d’abus de pouvoir. A coups de rires et de projections vidéos, il parvient à instaurer une distance avec le pathétisme de son sujet et permet ainsi à son auditoire de mieux réfléchir aux consequences de ce terrible carnage de la seconde guerre mondiale. On se demande néanmoins pourquoi il choisit d’évoquer Auschwitz dans une composition scénique mettant en avant l’hécatombe d’Hiroshima? Certes Gunther Anders est l’ancien mari d’Hannah Arendt mais ce lien matrimonial n’est pas une raison suffisante pour revenir à la thématique des camps et de la barbarie nazie. L’anéantissement d’Hiroshima est un chapitre suffisamment vaste pour occuper l’ensemble d’une telle pièce et engager un véritable questionnement – comme c’est le cas fort heureusement- sur le choix ou pas du nucléaire.
Little Boy? Un tandem à l’humour explosif mais attention, c’est du sérieux!

Little boy

De Régis Vlachos
Avec Christophe Alévêque, Régis Vlachos et Charlotte Zotto
Mise en scène : Christophe Luthringer

– Du 5 au 27 juillet 2014 à 20h40 au Théâtre du balcon dans le cadre du Festival d’Avignon.

– Au Théâtre Traversière – le 4 février 2015 ( 15, rue traversière – Paris 12e)

Puis tournée en France: www.compagniedugrandsoir.fr

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