Virginie Despentes, Philippe Sollers, Anne Wiazemky et les autres
Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr/ Virginie Despentes explore la déprime, la précarité, la crise dans un livre très rock, scotchant, écrit comme on monte un film, des épisodes de séries. Du grand art ! Dans la peau de Vernon, ancien disquaire, elle raconte l’enchaînement vers le déclassement : perte de job, RSA, expulsion de son studio…La plupart des amis de Vernon sont morts. L’un d’eux, Alex Bleach, chanteur populaire, décède d’une overdose. Vernon sera hébergé chez les uns et les autres, autant de portes qui s’ouvrent sur des anciens adeptes du rock, personnages du cinéma, de l’édition, du porno, de la drogue, reliés par un fil rouge : la traque de l’ex disquaire détenteur des rushs exclusifs du testament de Bleach. Une grande humanité se dégage de ces errances dans Paris, trash, rageuses et fiévreuses. « Vernon Subutex, 1 » (Grasset).
Sous une apparence classique, « Amours », de Léonor de Recondo, (Wespieser) fait exploser les barrières sociales et les convenances pour laisser la place à une passion entre femmes. Une réussite ! Remarquée pour « On ne boit pas les rats kangourous », Estelle Nollet a passé un an en Afrique et y a écrit « Quand j’étais vivant » (Albin Michel). Quatre personnages ont vécu dans une réserve africaine devenue lieu de massacre. Rien n’empêchera la violence et la trahison. Un livre superbe sur la vie sauvage et libre. Depuis « Portrait d’un joueur », (Gallimard) Sollers poursuit son oeuvre à part. Ici, il s’agit des déambulations dans Paris d’un frère et d’une soeur aux relations troubles. Comme toujours, Sollers défend une certaine idée du roman, celle du roman philosophique. Dans la ligne des Lumières, il introduit la libre conversation. Il devise, sa pensée vagabonde. Passeur, il donne envie d’aller voir Monet au Musée d’Orsay, le Titien, à Venise, de lire Sade, d’écouter Mozart. Il est notre Diderot. « L’École du Mystère », de Philippe Sollers (Gallimard).
Jean-Luc Godard, dernier survivant de « La Nouvelle Vague » serait-il devenu un personnage de fiction ? Le cinéaste qui a traversé le siècle s’est créé une légende. Son mystère tient aussi à son jeu de cache-cache. Plus il se retire, plus il fait couler de l’encre. Redoutable sujet pour les biographes, objet de fantasmes, son histoire dont il parle peu, son oeuvre multiforme, ses provocations, mais aussi son allure à la Buster Keaton en font un personnage.Trois d’entre eux ont fait leur miel. Anne Wiazemsky clôt sa trilogie commencée par « Jeune fille » avec « Un an après » (Gallimard). Février 68. Elle a été La Chinoise dans le film de Godard dédié à la révolution culturelle chinoise tourné dans son vaste appartement de la rue de Miromesnil. Ils se sont mariés en Suisse en juillet 1967. Elle a voulu déménager et s’est installée avec son mari dans un duplex bourgeois, 17 rue Saint-Jacques ; Elle s’apprête à jouer dans « La bande à Bonnot », de Philippe Fourastié. Sous le charme de cet intellectuel qui n’est pas du goût de son grand-père, François Mauriac, elle fait revivre le réalisateur Mao, celui qui l’appelle son « animal-fleur », sa nouvelle égérie. En février 1968, le ministre de la culture, André Malraux, entreprend de faire élire un nouveau directeur artistique à la cinémathèque française en remplacement d’Henri Langlois. Comme ses camarades de « la Nouvelle Vague », Godard a découvert la cinéphilie à la cinémathèque et ne supporte pas que l’Etat veuille le remplacer. Avec d’autres ci-néastes, il participe aux manifestations du 12 et du 14 février, au palais de Chaillot. Langlois est réintégré le 22 avril. Godard est au coeur des manifestations, se révolte contre les matraquages, participe aux Etats généraux du cinéma français, exige avec Truffaut, Resnais, Lelouche, Louis Malle l’arrêt du festival de Cannes en solidarité avec les étudiants. On croise le philosophe Gilles Deleuze, Truffaut, Bertolucci, les Stones. Mai 68, c’est aussi le moment d’une déception pour cet idéaliste qui se détache du mouvement des cinéastes et ne participe pas à la création de La Société des réalisateurs de films. Godard remet en cause sa notoriété, souhaite redevenir anonyme. Il remet aussi en cause la notion d’auteur défendue quand il était critique aux « Cahiers du cinéma ». Jean-Luc se révèle jaloux, colérique, dépressif, mais une autre histoire commence, sans Anne Wiazemsky : « La fin malheureuse de notre histoire devint banale et privée, je cessai d’être un témoin privilégié de l’époque. Je ne l’écrirai pas ». Du côté de Chantal Pelletier (« Et elles croyaient en Jean-Luc Godard », Joëlle Losfeld) JLG devient un héros, un démiurge, un guide, l’homme de sa vie, ou presque. A quinze ans, une révélation à la MJC : « A bout de souffle ». S’en suivent tous les films de JLG jusqu’au « Film socialisme ». La narratrice, Anne, communie avec son amie, Marie, dans le culte du Dieu JLG. Leur existence en est chamboulée : JLG les transporte, les libère, leur donne des ailes. Pareil enthousiasme est communicatif ! Christophe Donner quant à lui, ne ménage pas son homme. Dans son roman sur Jean-Pierre Rassam, Claude Berri et Maurice Pialat, « Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive » (Grasset), il fait un portrait truculent de Godard. Lunettes fumées, barbe de deux jours et demie, cigare au bec, il en impose, insulte les flics, fonce en Alfa Romeo, rejoint Rassam en Palestine, défend les fedayin. Sacré Godard, il n’a pas fini d’exciter l’imagination !
Fred Vargas avait juré qu’elle ne quitterait pas son éditrice, Vivianne Hamy : « Me barrer? Ce serait d’une ingratitude crasse ! Et pour de la thune? Au secours ! ». Pourtant, son prochain polar, Temps glaciaires, sort en mars chez Flammarion. Explications : « C’est Viviane Hamy qui m’a virée, c’est elle qui m’a quittée. Elle ne veut plus travailler avec mon agent ». L’éditrice lui aurait dit : « Dès l’instant où tu gardes François Samuelson, les conclusions sont imparables ». Quand on sait que la créatrice du flic Adamsberg fait 85% du chiffre d’affaires de la maison, on s’interroge. Quelles que soient les origines de cette brouille, il serait temps que les éditeurs français s’adaptent. Aux États-Unis, les agents littéraires sont un maillon indispensable de la chaîne éditoriale. En France, un Samuelson représente Michel Houellebecq. Susanna Lea, défend Marc Levy. Multi casquettes, les agents s’infiltrent.
Une délégation de 48 auteurs brésiliens sera présente au Salon du Livre de Paris du 20 au 23 mars 2015. Leurs noms ont été dévoilés à l’ambassade du Brésil en présence d’Ana Cristina Wanzeler, ministre de la Culture du Brésil, de José Mauricio Bustani, ambassadeur du Brésil en France… Le Brésil est le premier pays à être invité d’honneur pour la deuxième fois. La première en 1998. Jamais deux sans trois.
A l’occasion de ses 70 ans, « Point de Vue » a créé le prix littéraire des Princes qui récompense un roman historique. Il a été remis à Clara Dupont-Monod pour « Le roi disait que j’étais diable ». (Grasset). Le jury composé entre autres, des princes Pierre d’Arenberg, Louis-Albert de Broglie et Charles-Henri de Lobkowicz, des princesses Camilla de Bourbon-Siciles, Marie-Christine de Kent et Adélaïde d’Orléans, de Stéphane Bern, d’Arielle Dombasle, de Tatiana de Rosnay, de Jean-Christophe Rufin, d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre a été conquis par la poésie et le souffle littéraire avec lesquels Clara Dupont-Monod fait revivre Aliénor d’Aquitaine.
JE SUIS CHARLIE. Cinq dessinateurs phares de Charlie Hebdo, Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, l’économiste, Bernard Maris et le fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage, Michel Renaud figurent parmi les victimes de l’exécution programmée qui a visé le journal le 7 janvier 2015. Libres et joyeux, les dessinateurs dénonçaient les fanatismes et les obscurantismes par le rire. « Je préfère mourir debout que vivre à genoux », affirmait Charb. Face à cette atteinte ignoble à la liberté de la presse, la barbarie n’aura pas le dernier mot. Charlie Hebdo, c’est nous.
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