L’histoire ordinaire de Tsukuru Tazaki

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Par Félix Brun – bscnews.fr/ Crédit-photo Iván Giménez / A 36 ans, Tsukuru Tazaki est un homme solitaire, concepteur et faiseur de gares ferroviaires à Tokyo. Il vient de rencontrer Sara, avec qui il envisage une liaison durable. Au cours d’un dîner, il lui révèle le traumatisme qui hante sa vie depuis longtemps : il se représente sans qualités, sans « couleurs », créant le vide autour de lui.

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Il a vécu avec quatre camarades l’expérience d’une amitié exaltante : leurs prénoms respectifs correspondaient à une couleur, Bleu et Rouge pour les garçons, Noire et Blanche pour les filles. « Les quatre autres bien colorés, et Tsukuru Tazki, celui qui n’avait pas de couleur. » Pendant leur scolarité, « Les cinq adolescents faisaient partie de la même classe d’un lycée public des environs de Nagaya. Trois garçons deux filles . Ils s’étaient liés d’amitié en participant à des activités volontaires, durant l’été de leur première année, et même s’ils avaient été dispersés dans des classes différentes au cours des années scolaires suivantes, ils avaient continué à former un groupe très soudé. » Et puis sans qu’il en comprenne les motifs, ses amis le rejettent, le bannissent, et lui font savoir qu’ils cessent tout contact avec lui. Cette rupture est « un silence semblable à un solide mur de pierre. » Le choc est terrible, une déchirure qui le fait glisser au bord du suicide : « Tel le héros biblique qui avait été avalé par une gigantesque baleine et qui survivait dans son ventre, Tsukuru était tombé dans l’estomac de la mort, un vide stagnant et obscur dans lequel il avait passé des jours sans dates. »
Sara l’invite à rencontrer ses anciens camarades, l’exige même, pour affronter ses fantômes, ouvrir les placards du passé, comprendre le bannissement dont il a été l’objet. « On ne peut pas effacer l’histoire ni la réécrire. Ce serait comme vouloir effacer sa propre existence. » Tsukuru, dans sa confession, dévoile l’amitié qui l’a lié à Haida, jeune compagnon dans sa période difficile et qui a été le « sixième doigt » , par référence à la « communauté harmonieuse » de son ancienne équipée unie « comme les cinq doigts de la main ». « Mais il avait perdu foi dans les communautés parfaites, il n’éprouvait plus en lui, la tiédeur profonde de leur alchimie. » La démarche de Tsukuru auprès de ses amis du premier cercle s’apparente à une enquête policière dont il serait à la fois l’enquêteur et le suspect. Il découvre la vrai personnalité de chacun de ses amis : « Dans le cours de notre vie, nous découvrons notre vrai moi. Et au fur et à mesure que cette découverte se fait, nous nous perdons. » La quête de Tsukuru sur fond musical de l’œuvre de Franz Litz « Années de Pèlerinage » va-t-elle lui permettre de découvrir le secret qui a déchiré leur amitié pourtant indestructible ?

C’est un roman subtil, lumineux sur les mystères de la vie et de l’origine, et l’interprétation de chacun vis-à-vis des autres. L’amitié entre les êtres peut-elle disparaître brutalement et totalement ? « Tout n’est pas dissous dans le flux du temps.[…]A cette époque , nous croyions avec force à quelque chose, nous avions la capacité de croire avec force. Tout cela n’a pas pu simplement se dissoudre. »
Haruki Murakami, orfèvre dans l’art de la métaphore, fascine le lecteur par la précision de ses descriptions et de ses comparaisons : « La jalousie, du moins telle que Tsukuru l’avait conçue dans ses rêves , est la prison la plus désespérée du monde. Parce que c’est une geôle dans laquelle le prisonnier s’enferme lui-même. Personne ne le force à y entrer. Il y pénètre de son plein gré, verrouille la porte de l’intérieur puis jette la clé de l’autre côté de la grille. ». Murakami nous immerge dans son univers et son charme insaisissable. l’avenir de ses enfants.

L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage
Haruki Murakami
EDITIONS BELFOND
384 PAGES – 23 euros

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