Cyrille, comment expliquez-vous votre succès outre-Atlantique ?
J’ai été très chanceuse de pouvoir jouer dans de très beaux clubs à New York et de faire entendre ma voix régulièrement. Dès ma deuxième année aux États Unis j’avais un gig régulier tous les samedis au Cupping Room de Soho à Manhattan. Je l’ai gardé pendant 6 ans, puis j’ai commencé à trop voyager donc je ne pouvais plus le faire. J’ai aussi eu une résidence dans un des clubs les plus importants de New York: Birdland.
Ce qui m’a surtout aidé c’est de passer très souvent à la radio sur WNYC depuis quelques années. Mon public grandi encore chaque jour grâce à cela.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’apport de la guitare sur votre album ?
J’aime la guitare parce que c’est un instrument qui n’appartient pas à un seul style en particulier. Les trois guitaristes dans le disque apportent chacun une couleur différente grâce aux cordes acier de la guitare d’Adrien Moignard, les cordes nylon de celle de Guilherme Monteiro, et à la guitare électrique de Michael Valeanu. Le mélange de ces trois sons et des styles différents apportent un son de groupe unique au projet.
Qu’a-t-elle de particulier et qu’est-ce qui vous a amené à l’associer à votre travail ?
Ayant grandi dans le village où a lieu le Festival Django Reinhardt, et où les manouches viennent s’installer chaque année, j’ai moi-même commencé par jouer de la guitare. J’aime la guitare parce que c’est un instrument qui se transporte partout. C’est parfait pour partir en aventure et pouvoir jammer n’importe où si l’occasion se présente. J’aime ce sentiment de liberté et la possibilité de créer à tout moment. C’est la raison pourquoi les manouches jouent de la guitare, du violon, de la clarinette, ou de l’accordéon, contrairement au piano ou à la batterie, qui ne rentrent pas dans la caravane!
Comment avoir mélangé avec soin et harmonie le son pour chaque guitare ?
Il a fallu bien réfléchir pour que les trois guitares ne se marchent pas dessus. C’est le même instrument, mais chaque guitare a un son très différent et donc chaque guitariste a son propre rôle dans chaque morceau. On a arrangé tous les morceaux de façon à ce que les trois influences transparaissent bien, quel que soit le style du morceau.
Comment avez-vous appréhendé la construction de l’album entre compositions et standards ?
J’ai passé beaucoup de temps à choisir les morceaux. Avec Michael Valeanu, on a passé des heures devant YouTube à se creuser la tête.
Pour moi les paroles sont très importantes et quand je choisis des morceaux il faut qu’elles me correspondent. J’aime les messages positifs, les voyages, les rêves, et je pense qu’ »Its a Good Day » donne vraiment envie de se lever du bon pied.
Pour chaque morceau original, on a dû peaufiner l’arrangement pour que chaque guitare ait une partie distincte. Par exemple « Nuit Blanche », que j’avais composé pour voix uniquement.
Quant aux reprises, on a essayé de faire en sorte que notre version soit vraiment différente de l’originale, et surtout, qu’elle soit vraiment à nous!
On a travaillé dur pour créer un son de groupe nouveau, unique et personnel.
Est-ce que le voyage a largement contribué à la singularité de cet album et à votre univers musical en général ?
Bien sûr ! Dans cet album, j’ai vraiment essayé d’inclure toutes mes expériences vécues partout dans le monde, en commençant par mon côté manouche, ce qui m’a donné envie de faire de la musique au départ, puis en passant par mon côté latin, ma mère est de la République Dominicaine, pour en arriver à New York, où je suis venue m’installer pour m’imprégner du jazz américain.
Tous mes voyages m’ont influencé, notamment le voyage que j’ai fait en Inde, qui m’a inspiré pour écrire la chanson « One Way Ticket ». On avait vraiment acheté un aller simple vers l’Inde !
En ce sens, on sent que vous accordez une grande importance au métissage musical, est-ce le cas ?
Je pense que le métissage, dans tous les domaines, est important. Je me sens moi même « métissée » et je pense que c’est comme ça qu’on marie les richesses de chaque culture et qu’on en crée d’autres. J’adore découvrir les différences, et les similitudes entre les cultures, dans leur musique, mais aussi dans leurs manières de voir la vie. C’est fascinant!
Aujourd’hui, vous vivez à Brooklyn. Que vous apporte ce cadre pour votre écriture et votre carrière ?
La scène musicale à New York est extrêmement riche. Je suis venue, il y a dix ans, pour apprendre la musique, et m’imprégner surtout de la culture jazz, très présente ici. J’y ai découvert beaucoup plus. Les musiciens de jazz se mélangent aux musiciens de rock, pop, hip-hop, aux musiciens brésiliens ou cubains… Le métissage des arts est constamment en évolution.
C’est une ville qui vibre de créativité et les artistes y sont très motivés pour innover. On y découvre tous les jours de nouveaux artistes, de nouveaux groupes et de nouveaux styles!
Quel regard portez-vous sur la scène française du Jazz vocal, vous qui vivez outre-Atlantique ?
Je trouve que les chanteuses françaises ont un énorme talent surtout pour chanter du jazz. C’est tout de même rigolo qu’une des icônes du jazz vocal aux États Unis soit à moitié française: Cecile McLorin, que j’adore! J’aime beaucoup de chanteuses de jazz français comme Leila Martial ou Anne Sila!
Où pourra-t-on vous voir sur scène dans les semaines à venir ?
Le mois de juillet, je suis en vacances! Je vais visiter l’Islande, puis me faire un petit tour en sac a dos vers le sud de la France. En août, je recommence les concerts aux États-Unis, et je serai de retour en France avec quelques dates à Paris, Fontainebleau et Marseille en novembre !
Cyrille Aimée « It’s a good day »
(Mack Avenue Advance)
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