On lit que vous avez grandi dans un environnement musical aussi riche que varié. Qu’est-ce qui vous a amené au piano ?
J’ai toujours été attiré par les instruments de musique et particulièrement le piano. Je me souviens que j’espérais toujours aller chez tel ou tel ami de mes parents car il y avait chez eux un instrument sur lequel je pouvais m’amuser.
Chez nous il y avait une guitare classique sur laquelle mon frère Pierre travaillait. C’est en arrivant en 6eme dans le collège où tous mes frères étaient passés que j’ai découvert un vieux piano à queue dans l’un des salons d’honneur.
Un élève de terminale y jouait souvent et je lui ai demandé de me donner des cours. Très vite, mes parent ont compris qu’il fallait un piano à la maison.
En 2007, un tournant dans votre vie, vous décidez de sortir un premier album solo. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
J’avais passé déjà une dizaine d’années à Paris en tant que musicien professionnel à accompagner des artistes dans des genres très différents. Puis mon activité s’est plus tournée vers le studio et la production.
L’éditeur Michel Fedoroff qui aidait les projets que je réalisais (Marijosé Alie, Sanseverino, Philippe Lavil, Elizabeth Anais etc…) m’a proposé de financer un projet où mon piano serait l’acteur principal. Ce fut un choc car bizarrement je n’y pensais pas alors qu’inconsciemment je devais en rêver. J’avais aussi été très impressionné par le premier album de l’accordéoniste Marc Berthoumieux et j’avoue que ses concerts me donnaient des ailes.
Je réalisais à quelle point la musique instrumentale m’apportait un plaisir unique. Ces deux événements m’ont lancé dans ce projet et ont changé ma vie.
Vous disiez à nos confrères de Rue89 avoir appris tout seul à jouer tant la difficulté à vous concentrer sur une méthode était grande. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’apprenais mieux tout seul qu’en groupe. Ce qui m’a toujours poussé à tout apprendre par l’observation d’abord puis par le travail de recherche et d’expérimentation à mon rythme.
Et ce pour la musique comme pour la vie en général.
Quand avez-vous pris conscience qu’une carrière solo était possible ?
Je crois que je ne me suis pas posé la question. J’ai toujours fait de la musique. Du plus loin que je me souvienne, je voyais des grands concerts à la télévision dans « les enfants du rock » ou autre, et je me sentais chez moi dans cet univers. Ça parlait une langue que je comprenais! Un concert des Jeunesses musicales de France auquel j’ai assisté très jeune, et qui retraçait l’histoire de la musique pop du gospel à Zappa m’avait définitivement fait comprendre en voyant l’équipe sur scène, que ma vie était là. Je ne savais comment faire, mais c’était pourtant le chemin que je prenais.
Tout a convergé vers cette vie naturellement.
Quelle est la genèse de l’album « As it Comes » ?
As it comes est une commande d’un label japonais avec un cahier des charges. Le trio piano bass batterie en étant le concept principal. Je leur ai présenté des compositions faites très rapidement puis ils ont choisi certaines d’entre elles, fait l’ordre de l’album et ils ont réalisé la pochette. J’ai beaucoup apprécié l’idée de me laisser guider et de répondre à une commande précise. C’est finalement un processus très créatif que je réitèrerai avec plaisir.
Vous évoluez aujourd’hui en quintet. Qu’est que cela apporte à votre musique ?
Le plaisir de composer et de jouer avec des timbres différents, avec plus de couleurs. Les mélanges piano trompettes et claviers électriques ou synthétiseurs sont très intéressants pour moi qui ai fait trois album au piano.
On lit que vous souhaitez « composer une musique sans a priori, sans ligne directrice et sans concept précis ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’avais envie de me retrouver comme si j’avais 17 ans, et de laisser ma tête composer sans concept pour voir ce qu’il en sortait. Juste le plaisir direct sans l’intellectualiser. Et c’est après avoir fait tous les morceaux de manière débridée que je me suis rendu compte de la couleur. Il en est ressorti une sorte d’hommage à mes inspirations premières.
Quelle est la place de la pop anglaise des 60-80 dans votre carrière ?
C’est la musique que mes frères m’ont fait entendre et qui restera gravée dans mon esprit (et mon corps! ) J’ai l’impression d’avoir été marqué au fer rouge par la logique de ces années et de ces groupes. Une époque extraordinairement riche en créativité et en inventivité.
« Message from the Last Century », si vous deviez le définir en deux mots, quels seraient-ils ?
En fait, le titre de l’album à changé. J’ai choisi de lui donner le nom d’une des compositions car il représente bien l’idée global de l’album « Born in 68 ».
Il m’a semblé que mon année de naissance était le point commun entre toutes ces influences.
Être né en 68 m’a offert de traverser ces trente plus belles années de la pop et de la fusion et qui resteront dans l’histoire de l’art comme des marqueurs forts.
La question de votre nom de famille revient souvent et a souvent eu une incidence sur votre parcours de musicien. Aujourd’hui qu’en est-il ?
C’est un peu mieux car l’effet d’annonce est passé. Mais il reste encore parfois des verrous. Il faut faire avec. Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort! J’avance avec encore plus de détermination.
Si vous deviez définir votre jazz en deux mots ?
Expression et liberté.
Born in 68
Dominique Fillon
Cristal Records
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