Magali Brénon et ses sensuelles variations

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Photo Jacques Fournel/ Magali Brénon raconte dans son dernier livre les tribulations d’une femme prête à en découdre avec son ardent désir. Elle décrit avec acuité et sans faiblesse de rythme ce qui fait écart entre deux personnes et s’aiguise à l’exigence impérieuse de la jouissance.

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Ces fragments poétiques sont composés d’une multitude de courts chapitres qui expriment chacun une carte du tendre différente. Tour à tour, la narratrice s’ouvre, se soulève : elle s’infléchit, elle remonte, elle s’émeut, elle bascule, elle cartographie, elle roule, traverse, contient, déborde, bouscule, module et s’ébat chaque fois dans un rapport à l’autre et à la nature avec laquelle son corps réclame l’étreinte. « Mon corps épouse à présent le lieu du contact, une dépression au ras du sol et de plusieurs hectares, vestige d’une rencontre explosive. Mes eaux superficielles ont tari le magma et le cratère partiellement s’est comblé. Je suis une eau dormante, vouée à disparaître ? » A chaque chapitre, ces fragments élégiaques racontent un paysage, ses toponymes miraculeux incarnés en roches et en flux, en massifs et rivières où se déploient une merveilleuse végétation robuste et le cœur indigène. Chaque fois, l’éveil du désir s’y écrit donc, comme dans un jardin d’Eden, et chaque phrase est une éruption à elle seule, fusionnant élégamment avec l’autre qui suit.. Le relief du texte passe d’un lent réchauffement des sensations aux accélérations brusques des émotions. Aux détours inattendus : puy de Sancy, Uruguay, lacs bordés de gentianes où l’on vient se baigner, le lecteur beat devant tant de beauté finit par fusionner totalement avec cette vestale nue plus que dénudée, offrant son corps aux éléments, à « son troupeau d’amants ». A la moitié du texte, surgit un nom, Marcello, et deux autres Montevidéo et la Dolce Vita qui ne vont cesser de s’alterner, dans une suite ininterrompue de petites phrases, et c’est alors un monde qui se donne tout entier, magique et magistral, sujet aux variations les plus brutales, les plus offertes. Toutes les phrases prosaïques, extrêmement travaillées et ciselées, épousent les contours ainsi dessinés, brûlant d’une ardeur qui transforme les corps en espaces telluriques. Alors, dans cette ode au désir charnel exploré par de savantes métaphores (où cumulent, les éruptions, les incandescences, les fournaises, les lacs de feu, les coulées de lave, et auxquels répondent en alternance, le ruissellement des torrents, la pluie, des fontaines « de Trévi », les cascades, l’écriture particulièrement littéraire, se fait sensuelle mêlant désir et érotisme et se présente comme une réponse aux textes mélancoliques, bruts et idéalistes de Jean-Louis Murat.
« Par la cassure le magma gicle, et sur les pentes s’épanchent les laves. Au nord, le fracas des versants brûlés. L’air soufflé par le cratère d’explosion traverse mes surfaces désertiques, et les coulées redéfinissent le paysage intérieur/extérieur. Creusant des trous et des reliefs elles laissent apparaître des lacs, et autant de mortes fontaines. Sur la paierre et le feu, l’eau, bleutée a la même teinte que ma peau. »

 Magali Brénon est une voix nouvelle dans le paysage littéraire français et ce texte allégorique où tout bouge en permanence, évoluant au rythme du désir flamboyant de la narratrice, est immense. Sa voix, son allure, sa grâce brillent de mille feux, : sa personne toute entière est cernée par les murmures de la nature et des individus qui se rappellent tout le temps à elle, ou qu’elle va chercher, en écho au fil du rythme des saisons et des atmosphères, de ses vie intérieure et extérieure, quand elle revient du temps des songes. Bel ouvrage qui livre un corps à cœur émouvant et unique aux volutes très ancestrales, harnaché, vivant, élaboré, sans imitation. Avec une écriture à vif.

Jamais par une telle nuit
Magali Brénon
Roman
172 pages
Editions Le Mot et le Reste
Prix :16,95 €

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