Norig : la fille tzigane
Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Norig est une artiste étonnante qui cite Rommy Schneider et qui reprend une chanson de Gainsbourg avec une telle candeur qu’elle semble l’avoir fait sien. Bercée par la musique tzigane, Norig arrive sur la pointe des pieds avec un nouvel album «Ionela» qui se démarque par sa singularité, sa tendresse et la complicité qu’elle entretient avec Sébastien Giniaux. Un morceau de poésie délicat à déguster.
Norig, d’où vous est venue cette envie d’écrire vos textes ?
Plutôt qu’envie, je dirais » nécessité » tout comme le chant l’a été. J’ai trouvé dans la musique tzigane et les chansons roumaines mes émotions, mes cris… Mais pas toujours mes mots.
Il m’a semblé évident d’écrire dans ma langue maternelle, en français, pour aller là où je n’aurais pu avec une autre. J’avais besoin de m’éprouver dans l’écriture, de me livrer autrement, pas uniquement vocalement.
J’aime les paroles de Romy Schneider à propos du film qu’elle a tourné avec Zulawski: » Il est arrivé au moment où je cherchais à me remettre en question, une comédienne comblée ça n’existe pas. Pas pour moi en tout cas. Plus j’ai du succès, plus on me couvre d’éloges, plus j’ai peur de m’installer dans le confort, de ne pas être capable de faire mieux ».
Je ne pense pas que l’on puisse créer dans un état de confort, c’est rassurant, mais c’est clouant…
J’aurais pu faire un deuxième album » tzigane « , une suite de » Gadji « , mais ça n’aurait pas été juste avec mes désirs de chanteuse.
Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce nouvel album, Ionela ?
Le titre « Ionela » a été écrit au moment où s’est présenté le désir de faire un nouvel album, dans une période de recherche et de questionnement artistique… Le challenge était de passer d’un répertoire à un autre plus orienté « chanson française » de par les textes.
« Ionela » a été le déclencheur d’une écriture essentiellement en français. C’est une rencontre, mais aussi un pont entre la Roumanie, l’étranger et la France. C’est ce qu’il me fallait pour comprendre que je pouvais revenir chez moi sans oublier ou nier ce que j’avais fait avant… On retrouve ce fil dans les paroles et musiques, tout au long du disque. Sébastien Giniaux, compositeur et arrangeur de mes deux albums a longuement réfléchi à une formation qui servirait les textes aussi bien en studio qu’à la scène.
Une fois le groupe formé, un seul mot d’ordre: » Liberté « .
» Ionela » est riche de cette liberté, de toutes ces années plongées dans la musique des Balkans, mais pas seulement… Riche de tout ce qui m’a inspiré dans l’écriture, riche de tout ce qui a traversé les oreilles de Sébastien, les miennes… Riche des musiciens qui ont joué sur cet album.
Quelle est l’histoire de Norig et du chant Tzigane ?
C’est une histoire d’amour! Une flèche en plein coeur ! Une évidence qui a donné du sens à mon désir de chanter, à mon sentiment d’urgence. La musique tzigane me fait pleurer, les voix de Gabi Lunca, Paula Lincan, Dan Draghici me donnent des frissons… Après, une telle histoire n’existe pas si on est seul, elle s’est faite avec des personnes qui m’ont élevé dans la musique, avec des moments inoubliables sur de nombreuses scènes. Cette musique-là on la joue avec ce qu’on a dans le ventre, n’importe quand, n’importe où. Elle est dans ma vie depuis plus de dix ans…
Quels sont les points communs entre Norig et Ionela ?
Une consonne et deux voyelles…
Ce nouvel album, après Gadji sorti en 2006, se situe au carrefour de cultures musicales très différentes. Était-ce une volonté de votre part sur ce nouvel album ?
Ce qui fait la grande richesse de la musique tzigane par exemple, c’est qu’elle a emprunté aux répertoires locaux de tous les pays traversés. Un musicien quel qu’il soit n’a pas qu’une histoire à raconter, il est rempli de tout ce qu’il a parcouru, entendu, rencontré. Il s’agit de curiosité. Ces différentes cultures ont des choses à se dire… Et puis qui n’écoute qu’un style de musique? Tout est inspirant… Le jazz, la chanson française, le rock, les musiques traditionnelles appartiennent au monde. Pour moi « Ionela » est un album de musique du monde, en français. De quoi ne pas rentrer dans une case!
Qu’est-ce qui vous plaît dans cette « mosaïque musicale » ?
Je la dois au travail de Sébastien Giniaux, il savait mes préférences musicales, le passage qui me touchait dans une chanson, quels accords, quelles harmonies… C’est ce que je retrouve dans mon disque. Cette diversité musicale me donne l’opportunité de m’amuser avec ma voix et d’en expérimenter les différentes facettes, de passer d’une ballade à un rock progressif en passant par un tango épique, je ne peux pas m’ennuyer!
Qu’évoque pour vous le morceau « Les barques » ?
Il évoque l’enfance, celle de mon père qui a grandi à Montpellier dans le quartier des Barques. Au bout du boulevard des consuls de mer, il y avait un terrain vague où vivaient des familles gitanes. Mon père m’a souvent raconté les histoires de son quartier, les bagarres, les jeux, la cohabitation avec les gitans, tout le monde se croisait… Parfois les dialogues étaient dignes d’un Audiard !
J’y parle aussi de la rue du Canal, pas très loin, où a grandi ma mère, d’un maçon qui gravait des fleurs dans le goudron, mon grand-père. C’est une chanson à la douce nostalgie qui a toute ma tendresse.
Pouvez-vous nous parler de l’écriture de « L’aquoiboniste » tant ce morceau est singulier ?
» L’Aquoiboniste » est une chanson de Serge Gainsbourg écrite pour Jane Birkin. Nous l’avons longtemps interprété selon l’arrangement original, avec cet air de ballade nostalgique. Je suis très attachée au propos de ses paroles, je tenais à ce qu’elle fasse partie des onze titres de l’album, pour cela il fallait imaginer un nouvel habillage pour la mélodie.
Sébastien a changé la couleur de la chanson tout en la respectant, l’arrangement et l’introduction qu’il a imaginés ne laissent présager de quel morceau il s’agit… Sur scène c’est une surprise pour le public lorsqu’il la reconnait.
Elle semble sortie d’un cabaret bastringue avec le son de la clarinette basse… Jusqu’au moment où l’on entend la version de Gainsbourg en clin d’oeil.
Comment s’articule votre collaboration avec Sébastien Giniaux ?
Nous avons toujours procédé de la même façon, je lui apportais mes textes et j’avais en retour une chanson. C’était un peu comme des pochettes surprises, je ne savais pas toujours ce que j’allais découvrir. » Les Barques » était exactement ce que j’avais désiré et puis il y a eu les grandes surprises, comme » Fleurs de Paradis « , je n’aurais jamais imaginé qu’il en ferait une valse explosive… Et quelle émotion quand j’ai découvert » Les Héroïnes » quelques jours avant d’entrer en studio.
Il y avait beaucoup d’excitation et d’appréhension aussi, car il s’agissait cette fois-ci de mes mots, d’histoires plus intimes. Mais, deux paroles devaient s’exprimer.
J’ai laissé mes textes prendre une autre dimension, se libérer du mood dans lequel je les avais écrits. Au bout du compte, j’ai reçu onze mélodies, onze cadeaux.
Travaillez-vous actuellement sur un nouveau projet musical et/ou d’écriture ?
Je fais vivre » Ionela » qui est naît il y a seulement 5 mois, j’ai envie de la présenter au plus grand nombre, où que je chante. Depuis un an, je travaille avec différents musiciens, c’est intéressant de ne pas toujours être accompagnée par les mêmes instrumentistes, les énergies et le jeu sont différents, j’apprends avec eux et surtout, impossible de m’installer dans le confort!
Je continue à écrire, pour moi, mais j’aimerais aussi le faire pour d’autre, des chanteuses m’inspirent. Quant aux projets, j’aime en parler quand ils ont vu le jour…
Où pourra-t-on vous voir en concert dans les prochaines semaines, Norig ?
Toutes mes dates parisiennes sont annoncées sur ma page Facebook « Norig » et mon site » norig.fr « , j’aurai aussi le plaisir de chanter le 10 avril au Théâtre Saint Louis à Pau, le 15 mai pour Les Tanzmatten à Sélestat, le 31 mai à Orsay à Kfet’ chez Yvette.
IONELA
Norig
© Studio LDC 2013
( L’Autre Distribution )
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