PLantu - Festival Hérault Trait Libre - Dessin de presse -

Plantu : « Les dessinateurs de presse sont en première ligne sur de nombreux sujets « 

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Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / En ces temps sombres pour l’avenir de la presse, nous avons rencontré Plantu pour qu’il nous en dise plus sur le rôle et la place du dessin de presse. Fondateur avec Kofi Annan de Cartooning for Peace qui fédère de très nombreux dessinateurs de presse dans le monde, Plantu parle avec enthousiasme de son métier et de son engagement pour le dessin de presse à l’occasion de Festival Hérault Trait libre qui se tiendra à Montpellier le 5 & 6 avril 2014 à PierresVives.

propos recueillis par

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Né en 1951, Plantu s’est lancé dans des études de médecine puis a changé de voie pour suivre les cours de dessin de l’Ecole Saint-luc à Bruxelles. C’est en 1972 qu’il intègre le journal Le Monde où il fera un premier dessin sur la guerre du Vietnam. 13 ans plus tard sous l’impulsion d’André Fontaine, directeur à cette époque de la rédaction du journal Le Monde, Plantu publiera tous les jours un dessin en Une où sera affirmé la conviction de remettre en avant les dessins ayant attrait à la politique par le grand quotidien français.

Plantu, comment définiriez-vous votre travail de dessinateur de presse ?
C’est un travail de dessinateur, d’artiste et de militant de la liberté de penser. Nous arrivons également à synthétiser une situation politique ou sociale par un dessin. Avec le dessin de presse, on peut dire également des choses qui ne sont pas rebutantes. C’est un travail de caricature subjectif mais qui a le mérite d’alerter. Par contre, les dessinateurs de presse sont en première ligne comme des fantassins sur de nombreux sujets mais cela a l’avantage de faire de nous des baromètres du degré de liberté d’expression et des crispations.

Vos dessins quotidiens nécessitent une certaine culture et connaissance du contexte politique national et international. Peut-on pour autant dire que le dessin de presse est élitiste?
C’est au contraire le regard d’une proposition éditoriale qui invite spontanément au débat. Cela dit, il faut connaitre le niveau culturel du lecteur et s’adapter. Comme nous tous nous ne nous adressons pas de la même façon à un petit frère ou une grand mère pour raconter la même histoire.
Et par exemple il y a quelques jours, j’ai fait allusion dans un de mes dessins consacrés à l’Ukraine, à une séquence mythique du film « Le cuirassé Potemkine » début du XX eme siècle). Je n’ai pas atteint la relation que je souhaitais et c’était une erreur. Contrairement aux propositions culturelles que je faisais dans les années 70, il faut bien que j’admette que je révise en baisse le niveau de complicité culturelle. Mes amis dessinateurs américains me disent depuis des années que leurs seules références culturelles dans leurs dessins tournent autour de la télévision, le sport et le show biz.

Comment est choisi le dessin de chaque nouvelle édition du Monde?
Je traite des sujets qui m’intéressent selon l’actualité et je dessine dessus. Dans Le Monde, je n’ai pas forcément envie que le lecteur adhère à mon dessin mais qu’il rebondisse dessus et qu’il engage un débat. Dans tous les cas, je dialogue avec mes lecteurs.

Vous disiez récemment que votre collaboration au Monde pouvait se comparer à un mariage dans lequel les époux ne sont pas toujours d’accord. Ainsi, quelle est votre part de liberté dans cette collaboration ? Et comment Plantu se définit-il en dehors du Monde en tant que dessinateur ?
Partout où je suis amené à m’exprimer, j’ai vraiment le sentiment d’être la même personne. Vérifier une information médiatisée pour savoir comment prendre position, n’est pas très différent du travail que nous faisons à Cartooning for Peace: par exemple, récemment, il a fallu vérifier des infos concernant des dessinateurs inquiétés en Libye. C’est pratiquement une enquête journalistique. Dans un autre domaine, rechercher la part de prise de risque de nos confrères dessinateurs russes par rapport à Poutine, est pour nous une quête prioritaire.

Vous êtes-vous déjà freiné ou auto-censuré sur certains dessins ?
Généralement, je ne traite pas de la vie privée des femmes et des hommes politiques sauf quand l’affaire prend une dimension nationale. La vie privée est un tabou que je respecte. J’ai toujours revendiqué en tant que dessinateur de presse de faire des dessins jusqu’à une certaine limite et c’est pourquoi nous avons crée Cartooning for Peace avec Kofi Annan pour rassembler des dessinateurs de toutes les confessions afin de prendre conscience des limites tout en évitant ainsi d’humilier inutilement les croyants. Nous souhaitons aussi contourner les interdits car c’est notre travail dans cette association et dire des choses qui échappent au politiquement correct.

Que peut-il arriver de pire selon vous à un dessinateur de presse ?
C’est de décevoir les lecteurs. Par contre, décevoir les femmes et les hommes politiques, ça fait partie du boulot de base du dessinateur de presse.

Vous avez déclaré qu’en France « la quasi-totalité des dessinateurs de presse sont des hommes et, de plus, de gauche. Cela doit changer. » Comment pensez-vous que cela peut évoluer ?
Oh ! Il faudrait changer la sociologie des médias en France. Contrairement à nos amis européens, nous présentons une spécificité incroyable: les médias français ne sont pas en phase avec l’ensemble de la population. Les Français sont plutôt et en majorité légèrement à droite alors que les médias sont au trois quart composés de journaliste votant à gauche. À ce propos, on m’a toujours dit que la majorité des journalistes du Figaro votaient plutôt à gauche ( à vérifier !…).
Du coup, ce n’est pas demain la veille que nous compterons de dessinateurs affichant des opinions de droite. À Montpellier, lors du Festival Hérault Trait Libre, je vous invite à poser la même question à nos amis dessinatrices étrangères. Vous serez étonné de leurs réponses.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre engagement sur Cartooning for Peace et quel est son rôle aujourd’hui ?
Nous faisons beaucoup de rencontres avec Cartooning For Peace sur tous les continents et dans de nombreux pays afin de croiser les options éditoriales qui permettent bien souvent des dialogues là où il y a des blocages politiques. Nous avons les moyens de faire baisser l’intolérance présente en Europe avec les dessinateurs quelque soit leurs confessions ou leurs idées politiques. Par la suite, nous proposons ces dialogues sous forme de débats graphiques dans les expositions, dans les rencontres ou dans les lycées. Au moment où nous voyons la montée des intolérances en Europe, Cartooning for peace par ses expositions et les rencontres que nous proposons, parvient à décoincer bien des débats et en permettant de libérer des paroles interdites, nous arrivons avec nos petits moyens, à dire des choses que nous n’entendons pas ailleurs.
Nous avons crée ainsi une nouvelle université de la liberté d’opinion. Nous ne possédons pas des réponses à tous les débats politiques, nous essayons juste de décoincer les frustrations. Les dessinateurs sont simplement des passeurs.

Comment voyez-vous l’avenir du dessin de presse dans les rédactions dans le contexte général de cette crise de la presse ?
Je vous invite à regarder le travail que nous faisons avec les écoles de dessins animés. A l’occasion du Festival Trait Libre, Cartooning for Peace, le Club de la presse de Montpellier et le Conseil Général de l’Hérault ont eu à coeur pour l’exposition à Pierresvives de traduire certains dessins en animation grâce à une école de l’Hérault. Car il faut être à l’écoute des nouveaux outils, hors papier et réfléchir au dessin de presse pour les vingt prochaines années. Car cela peut être aussi une chance de penser autrement.

Le Festival Hérault Trait Libre dont vous êtes le Président mettra à l’honneur des dessinatrices de presse. En quoi ce thème vous tient-il à coeur ?
Venez à nos rencontres en avril à Pierresvives , interrogez les dessinatrices et les dessinateurs, vous serez étonné du nombre de choses que vous allez apprendre sur la cause des Femmes, le thème du Festival pour cette nouvelle édition.
Moi-même, j’ai appris énormément grâce au travail de l’équipe Cartooning for Peace : elles ont plein de choses à raconter.

Vous voyagez beaucoup et vous rencontrez de nombreux dessinateurs de presse. Si vous deviez définir un point commun entre tous ces dessinateurs, quel serait-il ?
D’avoir en commun un seule langue. Et cette langue est votre première langue le jour de votre naissance: cette langue qui est la vraie première langue, bien avant le français, l’anglais ou l’espagnol: cette langue, c’est l’image. Dès notre naissance, notre cerveau est programmé pour comprendre cette première langue.

Enfin, vous est-il arrivé de  » regretter » un dessin? De réaliser la portée de l’un d’entre eux et de vous dire que vous étiez allé trop loin?
Je regrette profondément de ne pas suffisamment traiter en dessin les frustrations des citoyens d’extrême gauche et d’extrême droite. Ces personnes sont à bout de nerf . Pour nous, médias (et cartoonists) cela ne me suffit pas de critiquer leurs dirigeants respectifs. Le problème est beaucoup plus profond.

Festival Hérault Trait Libre
Festival International du dessin de presse
Cartooning for Peace
5 et 6 avril 2014
Pierresvives / Domaine d’Ô
Montpellier
www.lheraulttraitlibre.com

www.cartooningforpeace.org

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