Zagal

Juan Carlos Zagal : le mariage superbe de la vidéo, du théâtre et de la bande-dessinée

Partagez l'article !

Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Né en 1961, Juan Carlos Zagal suit les cours d’art dramatique à l’académie de théâtre de l’université catholique du Chili. En 1987, il fonde la compagnie La Troppa avec Laura Pizarro et Jaime Lorca: « La Troupe » de ceux qui avancent d’un pas solide à l’heure de la dictature. Ensemble ils écrivent, mettent en scène, produisent et jouent dans le monde entier El Santo Patrono, Rap del Quijote, Viaje al Centro de la Tierra, Pinocchio ou encore Jesús Betz.

propos recueillis par

Partagez l'article !

En 2006, Juan Carlos Zagal fonde la compagnie Teatrocinema. En 2013, après s’être interrogé sur les relations entre théâtre et cinéma, puis entre théâtre et animation en 2 et 3D, il crée Histoire d’amour, une adaptation du roman de Régis Jauffret, dans laquelle il met la bande-dessinée au centre du propos, plaçant, comme dans ses précédentes créations, ses comédiens entre deux écrans de tulle, pour entretenir la confusion entre scène et image. Nous voulions demander au metteur en scène chilien comment il a choisi de monter cette histoire d’amour singulière, qui lie un homme à une jeune femme nommée Sophie qu’il a croisée dans le métro, qu’il va suivre et violer, puis poursuivre jusqu’à ce qu’elle se laisse épouser…Nous avons vu le spectacle après…et nous vous conseillons de ne pas laisser passer ce travail où le jeu des acteurs, les techniques visuelles employées et l’émotion ne cessent de rivaliser de virtuosité!

Comment s’est créée la compagnie Teatrocinema? Qui en est à l’origine?
La compagnie Teatrocinema s’est créée en 2005 quand les membres de la compagnie La Troppa se sont séparés. Laura Pizarro et moi-même avons invité de nombreux techniciens et comédiens à nous rejoindre pour commencer cette nouvelle aventure d’expérimentation théâtrale.

Mélanger les techniques du théâtre et du cinéma, c’était une façon de ne pas trancher entre le sixième et le septième art? La volonté de s’affranchir de certaines contraintes du théâtre… possibles au cinéma?
Notre théâtre est construit à partir de l’imagination et du jeu dans le but de pouvoir obtenir la plus grande liberté possible au moment de raconter une histoire. Notre mise en scène se fonde sur ce principe : le voyage du comédien dans le temps et l’espace de façon instantanée (via des cuts, des ellipses, des flashbacks…).

Si vous nous expliquiez les raisons de votre coup de cœur pour le roman de Régis Jauffret…
Le choix de ce roman s’explique principalement par les caractéristiques du protagoniste. Pour nous, il s’agit d’un anti-héros qui se dirige vers la perdition et l’obscurité à cause de sa folie mentale. Cette obsession naît à partir de son désir de domination qui est à la fois le reflet d’une incapacité d’aimer, laquelle résulte de la solitude, propre aux villes contemporaines. Nous avons trouvé là une opportunité pour réinterpréter le concept de monologue, mais cette fois liée à l’action et aux changements de temps et d’espace.

Avec vos mots, comment résumeriez-vous cette « Histoire d’amour »?
La folle obsession d’un homme qui est incapable de trouver le véritable amour.

Et si vous deviez citer une phrase ou plusieurs du roman pour illustrer votre propos, laquelle (ou lesquelles) serait-ce?
« Je lui ai fait remarquer que nous étions vraiment seuls au monde. Je faisais des commentaires, elle me laissait parler dans le vide. Elle était devenue mon obsession, j’aurais donné le peu d’argent que j’avais épargné au cours de ma carrière pour le simple plaisir de tenir quelques instants sa tête dans mes mains. »

Dans Histoire d’amour, vous vous tournez vers la bd. Si vous deviez évoquer des bandes dessinées qui vous ont marquées, lesquelles seraient-ce? Vous ont-elles influencé pour créer cette pièce?
Milo Manara, Moebius, Sin City de Frank Miller, Corto Maltes de Hugo Pratt.

Vous avez choisi un langage théâtral « en noir et blanc »…pour ne pas dénaturer l’ambiance du roman? pour des raisons visuelles?
Nous voulions jouer avec le contraste entre le noir et blanc, lequel symbolise pour nous aussi la différence qui existe entre les deux personnages, qui les sépare mais en même temps les rapproche jusqu’à les faire se heurter.

Si la bd est présente, il faut un dessinateur… qui avez-vous choisi et pourquoi?
Le dessinateur est Vittorio Meschi, artiste visuel influencé par les codes urbains contemporains.

Avez-vous adapté ce roman sous la forme d’un scénario? Avez-vous demandé conseil à des scénaristes (par exemple) pour monter ce canevas « theatrobd »?
Montserrat Quezada (réalisatrice audiovisuelle) et moi avons adapté le roman comme un scénario de cinéma, en divisant clairement les indications pour l’équipe de théâtre et celle de cinéma. Il y a beaucoup d’indications techniques pour le décor et les mouvements de caméras et des comédiens. Ils sont très précis et ils indiquent aussi les liaisons entre une scène et une autre. Finalement, Vittorio Meschi a développé un storyboard complet de la pièce que l’on a mis face aux textes, ce qui donne finalement un « story-scénario ».

Faire monter la bd sur les planches a nécessité une réflexion préalable de votre part sur le neuvième art, on suppose…. Quels sont les spécificités esthétiques de cet art que vous avez voulu reproduire sur la scène?
C’est une bd vivante, en noir et blanc, en trois dimensions, qui place le spectateur derrière une caméra et l’invite à expérimenter le vertige et l’hypnose du voyeur.

Y avait-il des écueils possibles dans cette conception originale, mélange de théâtre et de bd? ou avez-vous trouvé, justement, que ces deux arts s’entendaient à merveille?
Il y a eu beaucoup d’écueils pour trouver la synthèse gestuelle qui caractérise la bd. Et aussi, d’autre part, pour trouver l’équilibre entre les différents cadres dessinés et les comédiens sur le plateau. Nous avons trouvé qu’il y avait des éléments en commun permettant aux comédiens de jouer de façon réelle mais en faisant allusion directement à la bd.

C’est le troisième volet d’une trilogie…pourriez-vous expliquer à nos spectateurs en quoi Histoire d’amour clôture cette trilogie?
Histoire d’amour conclut l’expérimentation du voyage au cours du temps et de l’espace de manière instantanée. Après sept ans d’expérimentation, on peut dire que nous sommes très loin d’arriver à cristalliser l’image intérieure de notre aventure. C’est extrêmement difficile de construire ce langage (le réaliser, le jouer, l’imaginer, le financer) et à la fois c’est un énorme défi pour nos explorations artistiques.
Pourrait-on envisager de vous découvrir la saison prochaine au Théâtre d’Angoulême? Lors du festival… ou durant l’année? L’idée vous a-t-elle traversé l’esprit? Histoire de vous confronter au public bdphile…?
Ce serait magnifique de montrer la pièce durant le festival. On a déjà reçu d’excellents retours du public bdphile chilien et nous serions très enthousiasmés de connaître l’opinion des bdphiles français et du monde.

Histoire d’amour
Adaptation du roman de Régis Jauffret ( Editions Gallimard)
Traduction : Carlos González Guzmán
Adaptation : Zagal, Montserrat Quezada
Mise en scène : Zagal
Conception artistique : Laura Pizarro, Vittorio Meschi
Assistante à la mise en scène : Montserrat Quezada, Laura Pizarro
Montage vidéo : Montserrat Quezada
Conception graphique : Vittorio Meschi, Luis Alcaide, Cristián Mayorga
Musique originale : Zagal
Conception multimédia : Mirko Petrovich
Création bande son : Matías del Pozo
Story-board : Vittorio Meschi, Abel Elizondo
Animation et postproduction : Ilana Raglianti
Assistant animation : Sabastián Pinto
Assistant graphique : Max Rosenthal
Conception lumière et direction technique : Luis Alcaide
Avec Julián Marras & Bernardita Montero

Dates de tournée:
Spectacle créé en juin 2013 à Santiago du Chili, programmé au Festival d’Edimbourg en août 2013.

– Les 25 et 26 mars 2014 à la Scène Nationale de Sète ( 34)

– Au Théâtre du Rond-Point à Paris en mai 2014

– Et en tournée nationale et internationale ensuite…

Le site du Teatrocinema

A lire aussi:

Jean-Claude Penchenat exhume une comédie de cape et d’épée de Théophile Gautier

Tout mon amour : « une histoire extraordinaire qui arrive à des gens ordinaires « 

Fafiole Palassio :  » Parce que le pain, ça se partage ! « 

David Ayala : « Tout chez Guy Debord peut insuffler de grandes forces de vie et de combat »

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à