Ionesco mis en scène par une compagnie normande avec un acteur british ! Absurde dites-vous? Pas du tout. Juste déjanté!

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Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ Une table bancale, des piles de vieux livres, un professeur pétri de frustrations et une bachelière bête à mourir…C’est dans ce décor singulier que prend place La leçon: cours d’arithmétique, cours de linguistique, cours de philologie… A coup de livres et de conseils, le professeur mène sa classe: « Il ne faut pas deviner, Mademoiselle! Il faut raisonner ! Raisonner! ».

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Rien n’y fait : l’élève s’ennuie, gigote, rêve, somnole… Au fil des heures qui ne passent pas, les politesses d’usage entre maître et élève disparaissent pour céder la place à une véritable guerre des nerfs. Face à l’insolence de son écolière, le professeur tente de s’armer de patience. Face à sa moquerie, il monte le ton et vocifère. Face à sa bêtise, il tue, tout simplement.
Pourquoi un tel acte? Par désespoir, par fureur, par frustration, pour nettoyer la terre de toute cette jeunesse ignorante qui ne veut pas apprendre. Cette pièce de Ionesco est un délire complet et pourtant, au cours de leur longue carrière, nombre d’enseignants ont du rêver d’occire ainsi quelques étudiants perturbateurs. A l’inverse de ces tristes maîtres ne pouvant assouvir leurs fantasmes, les comédiens de la compagnie Méga-Pobec assument parfaitement les leurs et laissent pleinement éclater leur folie : avec sa queue de cheval et ses collants arc-en-ciel, Marie Crouail (L’élève) compose sans demi-mesure un rôle d’adolescente capricieuse à la limite du supportable. Remontée comme une horloge électrique, elle saute sur la table, croque ses stylos, se déshabille et n’hésite pas à pousser sa prestation jusqu’à l’orgasme.
Inversement, David Stevens interprète la figure du prof en tentant de conserver son flegme 100 % britannique. Peine perdue: face une si mauvaise élève, il va perdre tout contrôle, se mettre à rugir d’énervement et finir par être entièrement possédé. En arrière-plan de ce tandem de désaxés, il est fort amusant d’entendre les commentaires cyniques de Marie (Karine Huguenin), la cuisinière: perverse et complice, elle nous annonce tout au long de la pièce la chute finale de cette hystérie collective et meurtrière.
La leçon? Une pièce, comment dire…. absurde. On adhère… ou pas.

COUP D’ŒIL sur la compagnie MÉGA-POBEC
La compagnie Méga-Pobec a déjà une trentaine d’années théâtrales à son actif. Basée à Evreux, en Haute Normandie, elle s’attache à mettre en scène des pièces du répertoire contemporain. Après « Oh les beaux jours » de Beckett, elle aborde « La leçon » de Ionesco avec une énergie et une verve des plus électriques! Le BSC News a rencontré l’une de ses comédiennes, Marie Crouail.

Votre mise en scène est débordante de frénésie: les comédiens crient dans tous les sens, gigotent, tuent à froid et l’on adore vous voir monter le rubix cube en deux temps trois mouvements!
Le côté absurde des oeuvres de Ionesco autorise effectivement les acteurs à une grande liberté: on peut pousser très loin dans la folie, ça fonctionne, mais il faut faire attention de ne pas mécaniser les choses pour ne tomber dans une suite rébarbative de gags. En nous basant sur ce texte où les mots perdent leur sens premier, on a aussi décidé d’en détourner les accents, les rires et même les objets : l’arme du meurtre s’est transformée en marteau à la place du couteau de Ionesco.

Il y a eu aussi « détournement d’acteur »: le professeur de La leçon est soudainement devenu britannique!
Tout à fait, David Stevens qui l’incarne vient effectivement d’Outre Manche. Au départ, on a songé que son accent british apporterait une touche loufoque qui démonterait à son tour le texte. On a ensuite constaté que David avait une approche scénique très souple propre aux acteurs anglais. A l’inverse des français qui demeurent fort sérieux face au theatre de l’absurde, il est complètement déjanté! Son humour et sa fraîcheur confèrent de toute évidence une nouvelle dimension au texte de Ionesco surtout lorsqu’il aborde la leçon sur la philologie et les langues hispaniques avec un accent British!

D’autres projets pour la compagnie Méga-Pobec?
Nous travaillons avec Frédérique Vossier. C’est un auteur contemporain qui a une facture d’écriture à la fois poétique et lacunaire. Nous allons mettre en scène deux de ses créations: « Femme sous la lampe » qui aborde l’image et sa dissolution autour de la figure de Marilyn Monroe. Et « La forêt où nous pleurons » : c’est un dialogue secret entre une comédienne et une danseuse autour de la thématique du viol et de l’inceste.

Au théâtre Essaïon
6, rue Pierre au Lard
75004 Paris

Du 9 janvier au 29 mars 2014, les jeudis, vendredis, samedis à 20 heures

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