Leonard Rosen : La Théorie du Chaos, le polar de l’automne
Par Eric Yung – bscnews.fr / Voici un livre exceptionnel ! D’emblée, une telle affirmation peut paraître péremptoire et, du coup, être sujette au doute. Ce serait là un réflexe légitime. Mais il y a une façon de convaincre les plus sceptiques d’entre vous : lire « La Théorie du Chaos » le premier roman de Léonard Rosen, paru aux éditions du Cherche Midi. Vous saurez alors que c’est un livre original et de qualité.
Cet ouvrage de près de 500 pages est traduit de l’américain par Hubert Tézenas. Il est présenté par Cédric Villani (mazette !), universitaire, mathématicien de réputation internationale qui a obtenu, en 2010, la médaille Fields et qui, dans sa préface, nous affirme que d’avoir « osé imaginer Henri Poincaré en héros d’une incroyable histoire de détective » était « franchir un pas » que de peu d’auteurs pouvaient faire. Léonard Rosen a osé le faire ! Dès lors, on comprend Cédric Villani qui tient à nous rappeler (ou nous apprendre) qui était Henri Poincaré : « grand physicien, ingénieur averti, philosophe hors pair, le plus grand mathématicien de son époque, mais aussi homme de lettres accompli il est, sans aucun doute, nous dit-il, le symbole de l’intelligence de la puissance et de la fulgurance de la pensée humaine». Évidemment, dans un thriller, prendre pour héros principal l’une des figures emblématiques de la science considérée, aujourd’hui encore, dans tous les dictionnaires comme « l’un des derniers grands savants universels » cela demande soit d’avoir beaucoup de culot, soit de posséder une dose d’inconscience excessive, soit d’être suffisamment érudit et c’est le cas de Léonard Rosen puisqu’il est ainsi reconnu par le préfacier, un mathématicien ayant obtenu –tout de même- un prix équivalent à celui du Nobel et qui écrit « son admiration » pour avoir, avec autant de force et de talent, « inventé une mise en scène dans laquelle Henri Poincaré, l’homme qui a, pour la première fois, théorisé le chaos le faire basculer lui-même dans le chaos ». Mais ce n’est pas tout ! Dans sa préface toujours, Cedric Villani (et nous sommes là au cœur du roman) nous fait remarquer que Henri Poincaré (le héros du livre de Rosen, cette fois) est « non seulement un observateur des choses et des hommes, mais qu’il est aussi acteur d’un drame confus, au centre d’un inextricable mélange de tensions et de vengeances, nourri par la politique internationale et l’économie mondiale, un maelstrom où il risque de perdre sa chair et son sang, où il doit combattre les pulsions des autres et les siennes propres, où il fait face à la mort et à la souffrance ». Et à Villani de conclure : « Certainement pas une lecture pour les enfants ! ».
Durant les trois dernières décennies, le polar,–on le sait – est sorti des sentiers battus du genre et il a exploré les contrées du roman noir historique, scientifique, maçonnique, fantastique et même de l’investigation littéraire avec, par exemple, les enquêtes de Pierre de Gondol de J.B Pouy ou celui plus scabreux des « psycho-mentalistes » Reconnaissons-le : il y a eu des réussites ! En revanche et personne –semble-t-il – n’y avait songé avant Léonard Rosen : le polar manquait d’un génie du théorème et de l’équation qui mènerait à bien des investigations criminelles complexes. Léonard Rosen, avec son Henri Poincaré revu et corrigé d’après l’original, l’a donc inventé. Et pour sa première enquête, voici notre détective-matheux confronté à la mort d’un certain James Fenster, un mathématicien (tiens, tiens…) assassiné derrière son pupitre alors qu’il allait prendre la parole au cours d’une conférence sur le commerce mondialisé. Amateurs de thrillers soyez rassurés ! Rosen embrouille l’intrigue et son détective, Henri Poincaré, pour découvrir le coupable devra aussi s’intéresser de près à un attentat à la bombe commis à Milan et à la cruauté de tueurs qui ont exécuté une jolie femme de Barcelone. Ce sont là plusieurs mystères pour une même affaire. Ils seront levés grâce à Henri Poincaré qui se plongera dans le travail de la première victime, ce feu-mathématicien qui était persuadé que même la vérité criminelle s’inscrit dans une suite d’algorithmes et qu’elle surgit de la modélisation des théorèmes. C’est ce que pense aussi le flic Henri Poincaré qui n’ignore rien, non plus, des dangers du monde des hors-la-loi puisqu’il sait devoir « affronter un ennemi bien plus dangereux qu’une équation, puisqu’il n’obéit à aucune règle » et que pour le vaincre il devra « mettre toute son intelligence en jeu sans pour autant sacrifier son humanité ».
Deux plus deux font quatre : c’est une certitude. Dire ici qu’un mathématicien plus un flic, plus un crime font trois raisons de lire « La théorie du chaos » en est une autre. « La théorie du chaos » paru aux éditions de Cherche Midi est le polar de la rentrée.
> Leonard Rosen – La théorie du Chaos – Editions le Cherche Midi – 496 pages – 20€
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