Le polar bon et brutal de Pierre Hannot

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Par Eric Yung – bscnews.fr / Beaucoup de journalistes, chroniqueurs littéraires dont je suis, ont, par paresse intellectuelle (l’aviez-vous remarqué chers amis de BSC NEWS Magazine ?) des manies et des tics de plumitifs. C’est-à-dire qu’ils usent tous (enfin, presque), au gré des saisons, des mêmes formules éditoriales. Une facilité ! Ainsi il y a eu les « quelques bons livres pour l’été », il y aura bientôt « les beaux livres pour les fêtes » et avec les premières senteurs d’automne il y a « notre choix parmi les nouveautés de la rentrée ».

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Doit-on répéter que cette fameuse rentrée littéraire est pareille aux autres années ? Non, cela est inutile, mais rappelons pourtant qu’elle est –et chacun le sait – un fatras de mots et de papiers réunis, selon la presse nationale, dans 555 ouvrages de diverses natures et dont la qualité, pour une grande majorité d’entre eux, est loin d’être proportionnelle à la notoriété de ses auteurs et des orgies publicitaires qui soutiennent leurs titres. Raison pour laquelle votre magazine préféré s’est limité à vous présenter trois polars. Trois seulement ? Oui, mais trois polars choisis librement (dont un d’ailleurs n’appartient pas aux nouveautés) et qui ont été lus d’une traite tant ils ont été appréciés voire aimés par celui chargé, ici, de vous les présenter. Commençons par le livre qui n’est pas, comme ils disent, « dans l’actu », puisque « Tout du Tatou » de Pierre Hanot, publié dans la collection « Vendredi 13 » est paru aux éditions La Branche, au cours de l’hiver 2012. « Tout du Tatou » c’est du brutal selon l’expression fameuse d’un des tontons flingueurs avalant sa première gorgée d’alcool distillé par le Mexicain ! Qu’on se le dise : « les maniaques, les détraqués, les caractériels et les enjôleurs, les aristos, les assistés, ceux qui se la pètent, les inhibés, les Adonis qui se croient tout permis ou les physiques sans latitudes, Fadimatou se les était tous tapés ». C’est l’auteur qui nous le dit et c’est sa première phrase. Il faut donc comprendre –et vite fait- que les héros de ce roman policier connaissent bien la vie et surtout les pires aspects du genre humain. Autrement dit lecteurs, lectrices, les pages qui suivent promettent de vous bousculer. Vous ne serez pas déçus ! En tous cas l’ambiance de l’intrigue est installée. Et si la Fadimatou, une péripatéticienne fidèle à son Matthéo, ne tient pas un rôle bien important dans l’histoire, elle est cependant, par son vocabulaire et sa mentalité de tapin, l’archétype des personnages qui habitent « Tout du Tatou » le dernier roman de Pierre Hanot. Ce polar un tantinet déjanté vous fera côtoyer les julots, les bikers, les nazillons, les voyous, les ripoux, les putains, les Corses (en tout honneur, bien entendu) les camés, les dealers, et… les ambitieux. Or, ce sont toujours ces derniers qui sèment la pagaille dans l’ordre établi d’un groupe humain, c’est bien connu ! Et c’est le cas dans « Tout du Tatou » : il y a des présomptueux et des arrivistes. Alors, évidemment, quand un intrigant est démasqué au sein de la confrérie des crapules en tout genre tout le monde sort l’artillerie et c’est aussitôt la grande farandole du Glock et de la Kalachnikov en présence de messieurs Smith et Wesson. Si vous ajoutez, pour pimenter le récit que le héros principal du roman, un certain Zoran, est un type venu de la pub qui, durant quelques années « s’était creusé les méninges pour promotionner la semaine de la mortadelle, le brushing glamour du coiffeur, l’occasion du mois à ne pas louper, l’incontournable ampoule à vis basse consommation, (…), mais convaincu que « son bac + 3, sa spécialisation en infographie et art de la communication » n’avait été qu’un « investissement qui ne lui avait valu que la reconnaissance au rabais des hypermarchés dont il vantait la camelote », il a décidé (drôle d’idée !) de voyager en Corse et de changer de mode d’existence. Et c’est ainsi que le temps de traverser la méditerranée, de poser les pieds sur l’île de beauté et d’y faire quelques connaissances locales, d’y vivre une histoire d’amour fragile et d’être confronté à certains imprévus, le Zoran s’est pris à rêver. Pourquoi ne ferait-il pas fortune ? A priori l’idée (assez banale et commune chez les démunis) pouvait paraître excellente et ce d’autant que notre héros venait d’apprendre qu’un trésor dormait pas bien loin de lui. Mais lorsque l’on est un débutant dans la voyoucratie et qu’en matière de cambriole on a pour seule référence les exploits d’Ali Baba et de ses 40 voleurs alors que l’on est au siècle de Scarface et des tueurs cruels des cartels colombiens, le décalage –c’est obligatoire- engendre des mauvaises surprises.
Le trésor convoité par Zoran c’est treize kilos de poudre. Une dope de synthèse sortie de nulle part et baptisée par l’association des chimistes anonymes « Vendredi 13 ». Le « V 13 », les flics des stup’ appréhendaient son arrivée sur le marché français tant ils savaient que cette « méthamphétamine haut de gamme, un poison (…) si puissant que les toxicos tombaient aussitôt dans une dépendance extrême et paranoïaque. » (…) Les condés, lorsqu’ils en parlaient entre eux, se disaient « quand cette cochonnerie arrivera chez nous, il faudra doubler les effectifs ». Ils ignoraient que cette came avait, déjà, débarqué dans l’hexagone. Cà Zoran, le savait. C’était son avantage. Son malheur ? Il n’était pas le seul à être au parfum. Or, et c’est bien connu dans le mitan, lorsque le nombre d’ambitieux est proportionnel aux bénéfices qui peuvent être réalisés sur le dos des blaireaux, il n’est pas bon de lever le doigt et de dire devant les méchants : m’sieur, m’sieur moi aussi je veux ma part. Et puis quand ces 13 kilos de poudre représentent le trésor de nazillons locaux qui espèrent, sans doute, après l’avoir vendu, financer leur révolution nationale socialiste, on imagine bien que tout cela engendre des intérêts individuels contradictoires, que ça fout la pagaille dans le landernau des demi-sel et des caïds.
« Tout du Tatou » est un bon polar dont l’intrigue, assez classique, est portée par une écriture vigoureuse et dont l’identité du style est fortement marquée par la culture de l’auteur dont on ne serait pas étonné qu’elle ait été littérairement influencée par Audiard, Dard et Céline.

> Pierre Hannot  » Tout du Tatou  » – Editions La Branche – 2012 – 175 pages – 15 euros

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