Bellorini Jean

Jean Bellorini : un chef de troupe brillant qui célèbre la magie du théâtre et des mots

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Par Julie Cadilhac –bscnews.fr/ / crédit photos-représentation: Marie Clauzade. Portrait: DR/ Jean Bellorini est un chef de troupe brillant : il a l’art de rassembler autour de lui de jeunes comédiens pétillants et et énergiques qui charment l’auditoire par leur bonhommie et leur communicative envie de jouer. Jusqu’au 16 juin 2013, dans le magique Bassin du domaine d’Ô ( Montpellier) s’est installée une fête foraine, riante de loupiotes, dont le coeur bat au rythme d’un vieux carrousel et d’auto-tamponneuses espiègles. Pendant une heure, les spectateurs flânent, tirent à la carabine sur des ballons colorés, dévorent une crêpe au nutella et observent les étranges personnages qui déambulent au milieu d’eux. Là, une roue lumineuse actionnée par une vieille dame qui pédale sur un vélo, ici une batterie-cyclette, plus loin des hommes-bouée hilares…puis c’est l’heure des mots de Ferenc Molnár : la discrète Julie ( Clara Mayer) , la naïve Marie ( Amandine Calsat), la jalouse Mme Muscat ( Delphine Cottu), le portier Balthazar ( Damien Vigouroux), le vaurien Liliom ( Julien Bouanich), la bougonne Mère Hollunder (Jacques Hadjaje) et l’infréquentable Dandy ( Marc Plas) font leur entrée. Ils nous racontent l’histoire tragique du bonimenteur Liliom que l’orgueil et les mauvaises fréquentations perdront mais aussi l’histoire d’amour impossible entre deux êtres qui ont trop peur d’exposer leurs faiblesses en disant Je t’aime et préfèrent souffrir l’éternité plutôt que d’ôter leur carapace. Jean Bellorini a su investir le bassin d’Ô et donner à la pinède, aux vieilles pierres, à la passerelle – et même au ciel!- un rôle dans cette fable d’enfants des banlieues.

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A dos de caravane, les pieds dans le sable ou la tête dans les étoiles, le ton est juste, ni trop de larmes, ni trop de gaieté forcée, Julie et Liliom portent leur tragédie avec la force de leur jeunesse, en sont parfois étourdis, ripostent par des bravades touchantes et supportent avec courage ce que le destin leur a offert. On ressort charmé par cette équipe de joyeux drilles au ton juste. N’oublions pas d’évoquer les trublions farceurs ( Julien Cigana et Teddy Melis) qui vous font mourir de rire- les détectives du ciel sont embauchés pour ça – et de saluer la jolie voix de Lidwine de Royer Dupré entrecoupée des didascalies de l’attirant Maître de cérémonie Hugo Sablic ! Jean Bellorini et toute sa troupe vous attendent pour célébrer ensemble la magie du théâtre et des mots!

Pourquoi avoir voulu monter Liliom?
C’est par un double hasard. Ferenc Molnár est d’abord un auteur que je connaissais depuis un moment et que j’ai découvert d’abord au travers du film de Fritz Lang. Un dramaturge que j’ai fait travailler à l’Ecole Claude-Mathieu, il y a quelques années maintenant, avec des élèves et entre-temps ces élèves sont passés par des grandes écoles tandis que d’autres ont participé à mes précédents spectacles ( Clara Mayer, par exemple, était notamment Gavroche dans Tempête sous un crâne et elle fat partie des très fidèles avec qui j’ai l’habitude de travailler). Monter Liliom au Domaine d’Ô pour le Printemps des Comédiens, c’était l’occasion de reprendre ce texte avec des personnes un peu plus éloignées de moi puisque la compagnie a une grosse activité, plusieurs pièces encore en tournée ( Tempête sous un crâne, Paroles gelées), et qu’on va ensuite entreprendre une création « La bonne âme du Se-Tchouan »de Brecht sur laquelle on commencera à travailler dès l’automne ; donc on ne peut pas trop user tous nos acteurs! Il y en a donc certains qui sont aussi dans Liliom et d’autres non. L’autre hasard, c’est notre rencontre il y a deux ans avec Jean Varela : il y a eu un vrai attachement , un grand charme du lieu et une reconnaissance dans la manière d’envisager le théâtre et la façon dont de monter un projet . Je lui ai ainsi parlé de Liliom de façon complètement naturelle, intuitivement et de mon envie de le monter dans le bassin, dans un cadre de fête foraine, et Jean Varela avait eu , je crois, déjà envie de le faire avec Dag Jeanneret et du coup cela s’est fait d’un commun accord.

C’est un projet qui vivre et mourra au Printemps des Comédiens…ou il est envisagé de le faire tourner?
Il sera récréé dès la saison 2014/15 pour être joué notamment à l’Odéon puisque ce théâtre est partenaire de cette production au Printemps des Comédiens. Il sera recréé dans une version plus intérieure et il faudra qu’on essaie de garder la magie de l’extérieur et de transposer les étoiles dans un théâtre. Je suis assez content que ce Liliom existe dans cette version en plein air au Printemps des Comédiens et j’ai essayé d’utiliser au mieux le lieu, les arbres , le ciel , l’extérieur et… finalement le fait de ne pas le reprendre de suite en intérieur, d’avoir d’abord le Brecht à monter et la tournée avec Paroles gelées de Rabelais,nous laissera le temps d’estomper les souvenirs et ne pas ensuite être trop dans la frustration de ne pas avoir la même qualité de cadre ….et on sera content de le reprendre en intérieur.

Si vous deviez nous présenter Liliom en quelques mots, que diriez-vous?
C’est une fable dite par des gens qui ont du mal à parler et à communiquer, portée par une écriture très fine et très mystérieuse. J’avais envie de donner ce texte comme une légende et , du coup, que ce soit dans la communion entre l’imaginaire de l’acteur et celui du spectateur, qu’ensemble on rêve à cette légende….c’est à dire que les comédiens ne soient pas complètement dans l’incarnation et dans la situation ; il y aura tout ce qu’il faut pour rêver à la situation puisque la fête foraine sera réelle . On raconte la légende de Liliom et de la petite Julie, êtres dans le désarroi, un couple qui est dans la survie …jusqu’à basculer très facilement dans l’avant-dernier tableau qui, lui, est complètement onirique – un peu à la manière de Méliès- durant lequel Liliom se retrouve dans le paradis, où il est jugé après s’être suicidé et on lui dit qu’il va retourner dans le monde des vivants juste une journée, 16 ans plus tard.

Avec Tempête sous un crâne et Paroles Gelées, vous avez monté des oeuvres littéraires sur un plateau. Avec Liliom, vous revenez au genre dramatique, cela modifie-t-il votre façon de mettre en scène ou pas du tout?
Cela provoque des changements évidemment. Je suis très content de revenir au théâtre, même si on ne se pose pas tout à fait les mêmes questions. Cela nous oblige à faire une transposition de nos vraies questions: toutes nos réflexions sur comment on raconte les choses, comment l’acteur donne le plus simplement et essentiellement les choses au spectateur pour qu’il les reçoive le plus purement possible….ce sont des questions que l’on se pose davantage avec des oeuvres dites narratives. Quand on travaillait avec des textes affirmés narratifs, on se demandait « comment faire avec cette matière du théâtre? » et avec Liliom, on s’est demandé comment en faire plus une histoire… et du coup, on laisse encore plus la place au spectateur de se faire son film quelque part. La place du spectateur est pour moi extrêmement importante au théâtre. J’ai l’impression qu’on ne doit pas tout nous imposer ; le théâtre doit être le lieu de la liberté de penser, du rêve et de l’imaginaire. Plus on nous impose des choses, moins on a de place pour les imaginer. Au cinéma, on a besoin de voir et au théâtre , on a simplement besoin qu’on nous raconte pour pouvoir se faire nos propres images…

Comment qualifieriez-vous l’écriture de Ferenc Molnár par rapport à l’écriture fleuve et épique d’Hugo ou encore les flots tonitruants de Rabelais?
Liliom parle d’individus qui n’arrivent pas à communiquer. On trouve ainsi dans la traduction l’expression de cette difficulté d’échanger avec la présence de points de suspension notamment. La pensée est très fortement découpée et même avec des blancs. Les personnages,parce qu’ils ne savent pas comment dire, s’arrêtent puis reprennent…ce qui m’intéressait dans Hugo ou dans Rabelais, ce n’était pas forcément la dimension fleuve mais plutôt la dimension rythmique. Là, c’en est un autre , tout autant intéressante et forte. Il y a une nervosité très précise, quelque chose de déséquilibré et de très vif dans l’écriture de Molnár.

Votre compagnie Air de Lune poursuit une réflexion très personnelle sur le théâtre et vous affirmez que le théâtre doit être une fête, qu’il doit être poétique et avoir une mission éducatrice…lorsque vous montez une pièce, travaillez-vous ainsi dans l’idée de créer quelque chose d’à la fois intelligent et de divertissant mais qui ne soit pas purement un objet intellectuel?
Il faut qu’il y ait un équilibre entre les choses. Si ce n’est qu’intellectuel ou , pire encore peut-être sûrement, que divertissant, la pièce a peu de force finalement. L’intérêt au théâtre est de réunir et de fédérer des gens très différents, presque opposés..c’est le principe du métissage et la force du théâtre naît d’un présent où l’on est ensemble, différemment, pour recevoir les choses. Du coup, évidemment qu’il faut que ce soit autant festif que joyeux et émotionnel. Dans l’acte même d’aller au théâtre, ça existe. La fête foraine est la métaphore de cela : on est dans un lieu joyeux, on y va pour s’amuser et finalement on vit des drames, la solitude… et c’est souvent au milieu de la scène qu’on se sent le plus seul….même si les personnages vivent leurs drames à la lisière de la fête foraine et pas au coeur même de celle-ci.

Après Liliom, vous poursuivrez donc avec le texte de Bertolt Brecht, la Bonne âme du Se-Tchouan…
Ce sera créé au Théâtre National de Toulouse et même si l’on est dans une autre dimension, je pense qu’il y aura des résonances avec Liliom. Je voulais vraiment penser Liliom dans cette version à part sous les étoiles pour que ces deux pièces se confondent pas trop d’ailleurs…. parce qu’il y a des éléments proches: la question de la difficulté de vivre notamment, même si Brecht s’attache plus à la quête d’identité . La bonne âme du se-tchouan est pour moi une histoire de schizophrénie où l’homme tente de rester ce qu’il est mais où il est obligé de devenir schizophrène s’il veut appartenir à notre monde d’aujourd’hui… ce que Liliom ne fera pas en se suicidant. Les personnages de Brecht, quant à eux, deviennent fous. En approfondissant le travail sur Liliom, je me dis que plus on assumera le côté primaire des personnages, plus l’acteur derrière ses archétypes pourra révéler la complexité et la dimension tragique de ces êtres. C’est vraiment important que l’on puisse lire le regard de l’acteur derrière le masque des personnages. Ils ont tous un masque, sont tous fardés les personnages de Liliom et pour moi c’est un moyen de faire apparaître les yeux des acteurs plus forts derrière.

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La programmation de la Cie Air de Lune

> LILIOM:
Du 5 au 16 juin 2013 au Printemps des Comédiens ( Montpellier)

> PAROLES GELEES :
Le 12/06/2013 à Saint-Etienne
Opéra de Saint-Etienne

Du 07/03 au 25/04/2014 à Paris
Théâtre du Rond-Point
http://www.theatredurondpoint.fr/ – 01 44 95 98 21

Du 09 au 15/04/2014 à Nantes
Le Grand T
http://www.legrandt.fr/ – 02 51 88 25 25

Du 23 au 24/04/2014 à Annecy
Bonlieu – Scène nationale
http://www.bonlieu-annecy.com/ – 04 50 33 44 11

Le 12/05/2014 à Compiègne
Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne
http://www.espacejeanlegendre.com/ – 03 44 92 76 76

Le 27/05/2014 à Belfort
Le Granit – Scène nationale, Belfort
http://www.theatregranit.com – 03 84 58 67 67

> TEMPETE SOUS UN CRANE :
Du 28/04 au 24/05/2014 à Ivry-sur-Seine
Théâtre des Quartiers d’Ivry
http://www.theatre-quartiers-ivry.com/ – 01 46 72 37 43

> LA BONNE AME DU SE-TCHOUAN :
Du 09 au 19/10/2013 à Toulouse
Théâtre National de Toulouse
http://www.tnt-cite.com/ – 05 34 45 05 05

Du 07/11 au 15/12/2013 à Paris
Odéon-Théâtre de l’Europe – Ateliers Berthier
http://www.theatre-odeon.eu/fr – 01 44 85 40 00

Du 19 au 20/12/2013 à Valence
Comédie de Valence
http://www.comediedevalence.com/ – 04 75 78 41 70

Du 07 au 12/01/2014 à Châtenay-Malabry
Théâtre Firmin Gémier / La Piscine
http://www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr/ – 01 41 87 20 84

Du 16 au 17/01/2014 à Compiègne
Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne
http://www.espacejeanlegendre.com/ – 03 44 92 76 76

Du 23 au 24/01/2014 à Toulon
Théâtre Liberté
http://www.theatre-liberte.fr/ – 04 98 00 56 76

Du 29/01 au 01/02/2014 à Marseille
La Criée – Théâtre national de Marseille
http://www.espacejeanlegendre.com/ – 04 95 04 44 90

Du 06 au 07/02/2014 à Châteauroux
Equinoxe, Scène Nationale de Châteauroux
www.equinoxe-lagrandescene.com/ – 02 54 08 34 34

Du 13 au 15/02/2014 à Alès
Le Cratère
http://www.lecratere.fr/ – 04 66 52 52 64

Du 19/02 au 02/03/2014 à Lyon
Théatre de la Croix Rousse
http://www.croix-rousse.com – 04 72 07 49 49

Du 06 au 07/04/2014 à Tremblay en France
Théâtre Louis Aragon
http://www.theatrelouisaragon.fr – 01 49 63 70 58

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