Gloria : une tragicomédie poignante de Sébastiàn Lélio

Partagez l'article !

Par Candice Nicolas – bscnews.fr / Gloria (Paulina García) a 58 ans, deux grands enfants et un travail. Le weekend elle sort, elle s’habille, se maquille et va danser en espérant rencontrer un homme. Gloria est une femme indépendante et déterminée à ne pas se laisser intimider par la solitude ou les prémices de la vieillesse. Après maintes déceptions, elle fait la connaissance du très engageant Rodolfo (Sergio Hernández) avec qui une relation stable et sérieuse semble tout à fait possible. Pourtant, Rodolfo a lui aussi quelques difficultés à s’investir dans une nouvelle relation, et les difficultés inattendues vont forcer Gloria à confronter ses propres peurs.

propos recueillis par

Partagez l'article !

Ce troisième film de Sebastián Lelio propose une tragicomédie qui dépeint des vérités douloureuses et des espoirs trop fragiles. Gloria est une femme de tête qui malgré ses conflits intérieurs prend son destin en mains alors que, en filigrane, on peut lire l’histoire même du Chili, un pays en développement politique qui émerge doucement des eaux troubles.

L’interview de Sebastián Lelio

Comment vous est venue l’idée de raconter l’histoire de Gloria ?
Sebastián Lelio : Je voulais savoir s’il était possible de faire un film sur une femme de la génération de ma mère. J’avais l’intuition qu’un film pouvait être parfois bien plus proche de vous que vous ne le pensez. J’avais envie de savoir ce qui se passait sur la planète des sexagénaires. Il y a quelque chose d’émouvant chez les femmes qui approchent la soixantaine à Santiago. Il s’agit de femmes qui se battent pour trouver leur place dans un monde qui les traite avec dureté, des femmes qui chantonnent dans leur voiture, qui ont été plus ou moins laissées à elles-mêmes, pour qui l’on a pas trop de temps et qui, malgré les années qui passent, refusent d’abandonner et tiennent le coup. Elles aiment, elles dansent, elles vivent. Gloria se bat bec et ongles, elle est fascinante.

La bande originale joue un rôle important dans votre film. Comment avez-vous sélectionné votre musique ?
« Gloria » est un film qui parle de sentiments. Et la musique constitue un élément central du conte, comme un chœur grec, toujours surgissant dans le récit. Par la même occasion, les personnages s’expriment par la musique, vivant les émotions des chansons qu’ils écoutent, chantent ou même dansent, inconsciemment, commentant ainsi leur propre vie, comme si la musique était un miroir de leurs dilemmes. La bande originale appartient aux femmes de la génération de Gloria. Il y a des chansons de renommées internationales, des tubes discos, des chansons d’amour, et puis des titres d’Amérique du Sud et du Chili en particulier, de la salsa, du rock et de la bossa nova. La dernière est très spéciale pour moi [« Gloria » de Umberto Tozzi] parce qu’elle m’a aidé à trouver la tonalité finale du film, un quotidien poétique, un certain charme naturel, une légèreté douloureuse, un petit peu d’humour et un peu de tristesse, mais par-dessus tout, de l’humanité et de l’émotion.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les acteurs ?
« Gloria » repose sur mon actrice principale. Paulina García a toujours été au cœur du projet. Le film a été écrit pour elle. Sergio Hernández est un acteur que j’admire beaucoup et que je connais mieux maintenant. Mes deux acteurs principaux sont magnétiques ! Ils m’ont rendu la vie tellement facile. Si l’on considère que le scenario est une carte – scénario sur lequel nous avons travaillé pendant deux ans – et le tournage un territoire, nous avons laissé de la place à l’improvisation pour que les acteurs puissent gérer tous seuls leur degré d’intimité à chaque scène. Cela permet aux éléments inconscients de surgir et de donner une force particulière et personnelle au script.

L’interview de Paulina García, Ours d’Argent de la meilleure actrice

Comment vous êtes-vous préparée pour jouer votre personnage ?
Paulina García : Sebastián m’a bien épaulée, il m’a donné des livres, des films. Pendant les premières répétitions, nous analysions chaque scène, leur représentation visuelle, et comment Gloria allait faire face à chacune des situations et personnages du film. Durant les deux mois avant le tournage, j’étais tellement immergée dans le monde de Gloria que quand nous avons fini, j’ai eu l’impression de me réveiller d’un long sommeil !

Quelle était la plus grosse difficulté dans l’interprétation de Gloria ?
Gloria se rend compte que le rythme et le cours des évènements qui prennent place autour d’elle ne dépendent pas forcément d’elle. Ses mouvements à l’intérieur sont subtils, mais définitifs et concrets. Combiner ces trois concepts était assez difficile.

Pouvez-vous commenter sur la réalisation et le style de Sebastián Lelio ?
Sebastián travaille de manière très décontractée; il est drôle, et l’atmosphère du tournage était très plaisante et intime. Il vous donne beaucoup de libertés, et après, il vous reprend tout ! Il est aussi très exigeant : il observe énormément, et il cherche, il cherche jusqu’à ce qu’il trouve ce qu’il veut.

« Gloria »
(R : Sebastián Lelio – Chili)
Section : Compétition = Ours d’argent de la meilleure actrice pour Paulina García
Sortie française : prochainement

( Crédit photo Berlinale )

Lire aussi :

Juliette Binoche : l’authenticité juste de Camille Claudel

Night train to Lisbon : Un film qui touche aux mondes de l’Histoire

The Grandmaster : Le dernier chef d’œuvre de Wong Kar-Wai

Dark Blood : Un drame psychologique qui tient en haleine

Promised Land : Un film efficace qui incite à la réflexion

Il vous reste

2 articles à lire

M'abonner à