The Grandmaster : Le dernier chef d’œuvre de Wong Kar-Wai

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Par Candice Nicolas – bscnews.fr / Le 7 février, Tony Leung et Ziyi Zhang se joignent à Wong Kar Wai pour la première internationale du « Grandmaster » au Berlinale Palast. Tony Leung est l’un des meilleurs acteurs hongkongais de sa génération. Il a très souvent été dirigé par Wong Kar Wai, déjà en 1994 dans « Les Cendres du Temps » et le génial « Chungking Express », puis dans le fameux « Happy Together », le grandiose « In the Mood for Love » qui lui a valu le prix du meilleur acteur à Cannes, et dans « 2046 ». Il a aussi joué sous la direction de John Woo et d’Ang Lee, fraîchement récompensé aux Oscars pour son « Odysée de Pi ». À ce jour, son rôle de Ip Man est celui qui lui aura demandé le plus gros effort physique. Ziyi Zhang, découverte dans « Tigre et dragon » (2000) d’Ang Lee toujours, puis mondialement médiatisée par les « Mémoires d’une Geisha » (2004), elle a aussi travaillé avec Wong Kar Wai dans « 2046 ». D’une beauté délicate et d’une force exceptionnelle, elle allie la grâce et la souplesse de la danseuse à la puissance du combattant, et s’imposait comme choix évident pour incarner le style fluide et circulaire du maître Bagua.

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Le dernier chef d’œuvre de Wong Kar Wai aura demandé presque dix ans de travail pour enfin voir le jour. Et quel résultat ! Un film de Kung Fu pas comme les autres, extraordinaire de beauté et de sensualité aussi bien dans les performances que dans la réalisation. En 1936, la Chine vit de graves heures, déchirée entre les soulèvements politiques et la menace de la scission, alors que les Japonais ont envahi la Mandchourie. Le « Grandmaster », Gong Baosen (Wang Qingxiang) est le leader incontesté du monde des arts martiaux du Nord. Il est le premier à avoir combiné en une seule école les arts martiaux de style « Xing Yi » – qui met en scène des katas inspirés de la gestuelle animale – et de style « Bagua » –basé lui sur les hexagrammes du I Ching (ou Yi-King), texte ésotérique ancien. Maître Gong n’a jamais perdu un seul combat de sa vie, mais peu concerné par sa gloire personnelle, il s’est surtout consacré à l’expansion d’une nouvelle génération de maîtres Kung Fu afin que perdurent les grandes traditions du monde des arts martiaux. Le film de Wong Kar Wai débute avec son arrivée à Foshan, au Gold Pavilion, une maison close luxueuse où se retrouvent experts Kung Fu et femmes à la beauté dangereuse. Le « grandmaster » vient annoncer sa retraite et le besoin de trouver son successeur. Qui pourra relever alors le défi ? Son fils adoptif Ma San (Zhang Jin), grand représentant de l’école Xing Yi ou sa fille Gong Er (Ziyi Zhang), héritière de son style Bagua et seule à connaître la mortelle technique des « 64 mains » ? À moins que ce ne soit le maître Wing Chun, Ip Man (Tony Leung), souvent vu au Gold Pavilion qui ne viendra à bout des deux frère et sœur ? Défis et trahisons, combats et vengeances, « The Grandmaster » est un conte sur la guerre et la beauté de la Chine et de ses traditions ancestrales. Sur un fond de neige et de corps à corps somptueux, Wong Kar Wai nous offre un petit bijou de sublime cinématographie et de performances artistiques magistrales. Les scènes de combat sont chorégraphiées à la perfection par Yuen Wo Ping à qui l’on doit notamment les prouesses de « Matrix », « Kill Bill » et « Tigre et dragon », alors que la direction de la photographie est assurée par le français Philippe Le Sourd (« Sept vies » de Gabriele Muccino, « Une grande année » de Ridley Scott…) Grâce aux recherchés décors et costumes, « The Grandmaster » s’inscrit parfaitement dans la lignée de « In the Mood for Love » et de « 2046 » : le film est stylé, sensuel et élégant.

« The Grandmaster » ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre dans la carrière stellaire du réalisateur chinois, mais également dans le genre des arts martiaux. Le credo du festival 2013, « Film loves Beauty » trouve une vraie raison d’être dans cette première projection.

Après la guerre civile, Ip Man quittera la Chine pour Hong Kong, sans espoir de retour. Il se verra forcer à enseigner les arts martiaux pour survivre, et fera de cet art impénétrable un sport populaire et accessible – son disciple le plus connu étant Bruce Lee. « Kung Fu : deux mots. Un horizontal, et un vertical. Faites une erreur – horizontal. Soyez le dernier à rester debout – et vous gagnez »

Gong Er, incapable de succéder à son père parce que née fille, était censée exaucer le souhait de son père, se marier et devenir docteur. Mais son amour et son talent pour les arts martiaux la menèrent autre part. En effet, seule héritière de la technique des « 64 mains », elle fait partie des héros des arts martiaux, vertueuse, forte, fière, comme un homme.

Pendant la première conférence de presse de cette 63e Berlinale, Wong Kar Wai partage son aventure et son « Grandmaster ». C’est en Argentine, en 1996, alors qu’il filmait son « Happy Together », que le réalisateur croise une revue avec la photo de Bruce Lee. Il se rend compte alors que la star chinoise est encore et toujours une véritable icône du cinéma chinois et des arts martiaux dans le monde entier. « J’ai grandi avec les films de Bruce Lee » révèle Wong, « Je les adorais ». Il a donc tout d’abord eu l’idée de faire un film sur son héros, mais en s’attachant de plus près à l’évolution de son art, il s’est pris de passion pour le mentor de Lee, Ip Man. Riche, cultivé, éduqué, Ip Man a été ruiné par la guerre et a dû s’exiler à Hong Kong, où il est devenu le grand maître de l’art martial Wing Chun. C’était monnaie courante dans les années cinquante pour les maîtres chinois de venir ouvrir une école à Hong Kong. Dans une même rue pouvaient se succéder plusieurs clubs et les rivalités allaient donc bon train, les défis violents fusaient. L’idée du « Grandmaster » est non seulement de conter l’histoire d’un maître et d’une rue mais plus encore, celle de la République de Chine (1911-49) qui succéda à la dynastie Qing, celle de l’âge d’or du Kung Fu, avec leur combats, leurs tragédies et leurs mystères ésotériques. Des trois années de tournage est aussi né un documentaire « The Road to the Grandmaster » qui montre l’évolution du travail de l’équipe en Chine et à Taiwan, guidée par un autre grand maître, Wushu cette fois-ci, Wu Bin, mentor de l’autre superstar des arts martiaux, Jet Li. Grâce aux interviews qu’il a faites de nombreux maîtres, Wong Kar Wai a pu goûter à l’art, la philosophie mais aussi aux secrets d’un monde en danger de disparition. Il était donc décidé à faire partager cet héritage, à mettre en valeur les différentes écoles, Wing Chun, Bagua, Xingyi and Baji, pour que le film soit non seulement épique, mais également authentique. L’authenticité repose aussi sur la perfection de la performance des acteurs. Il fallait en effet avant tout que ceux-ci soient crédibles dans leur rôle de grands maîtres. Le réalisateur avait donc besoin d’acteurs qui pouvaient s’investir dans un entraînement de plusieurs années. Il voulait que leur esprit, leur éthique et leur dignité s’élèvent au rang de ceux d’un Grandmaster et que leurs mouvements et gestuelles épousent ceux de l’école qu’ils représentaient. Tony Leung a reçu son entrainement des plus grands, Wang Shiquan, Duncan Leung, disciple du véritable Ip Man, et son fils Darren Leung.

> The Grandmaster de Wong Kar-Wai avec Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen
Sortie dans les salles françaises le 17 avril


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