Stéphane Hessel, Hugo Chavez , un point commun : le mot Révolution

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Par Sophie Sendra – bscnews.fr / Avec la mort de Stéphane Hessel et de Hugo Chavez, à quelques jours d’intervalles, nous devons nous interroger. Bien entendu, vous pouvez vous demander quel est le rapport entre ces deux personnages.

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Ce qui les fait se rejoindre c’est un terme, un seul, qui peut être interprété de différentes manières. Ce terme est le mot Révolution. Cette dernière, maintes fois répétée, utilisée ici et là, souhaitée par certains, prend différents sens selon le point de vue adopté : politique, sociétale, astronomique, historique etc.

Le point de départ

La particularité de la « révolution » est d’être un « retour au point de départ » selon son étymologie latine. C’est « revolvere » c’est-à-dire « rouler en arrière ». Quand on lit cette définition, on est en droit d’imaginer que cette dernière a évolué. En effet, de prime abord, la révolution telle qu’on la conçoit, est significative d’une « élimination » de ce qui est, puis d’une « reconstruction » pour le meilleur. La révolution française en est le symbole : la destruction d’un système puis la reconstruction politique, intellectuelle, souhaitée, souhaitable, à l’image de ce que le peuple projetait pour lui-même. D’un point de vue astronomique, la révolution est une rotation complète d’un corps autour de son axe ; un astre retournant à un point déterminé de son orbite. Selon cette définition plus précise d’une véritable « révolution », il est possible de se poser la question de savoir pourquoi nous avons pris ce terme afin de déterminer un mouvement politique, une volonté sociétale, un changement, car enfin, toute révolution a pour but de transformer une société pour la faire changer d’axe et non pour qu’elle revienne à son point de départ. N’aurions-nous pas pris le mauvais terme pour définir un changement de société, ou au contraire, est-il approprié au-delà de ce que nous imaginons ?

Le jeu de billes

L’Histoire joue les provocatrices. Stéphane Hessel et Hugo Chavez, tous deux morts l’année de « l’anniversaire » de la mort de Staline. Pour l’ancien président du Vénézuela, il s’agissait du même jour, le 05 mars. Trois noms, trois révolutions, trois définitions. Trois volontés d’instaurer un ordre nouveau. Ainsi, naturellement, le mot « nouveau » contredit le terme « révolution ». Puisqu’un retour au point de départ n’est pas considéré comme une « nouveauté ». Mais alors, en quoi ces trois noms sont-ils différents ? Sans doute dans la manière. Quand on parle de « révolution » il faut regarder le « révolutionnaire ». D’un point de vue politique, les révolutions se font toujours de manière brutale et violente. Elles instaurent pour un temps ou pour longtemps, lorsqu’elles aboutissent, un système autocratique, totalitaire qui comporte immanquablement une période de terreur (1793 et 1794 pour ce qui est de la révolution française), une période trouble pendant laquelle on tue, on enferme, on invite la population à la dénonciation, on met en place un culte de la personnalité, un patriarcat proche d’une symbolique religieuse, l’avènement d’un « dieu » vivant. Staline, Mao, Kadhafi, Kim Jong-Un etc. Une certaine distinction peut être faite selon que les dirigeants sont totalitaires ou dictateurs, même si la frontière est mince entre ces deux termes. Une révolution qui ordonne la destruction d’un modèle oppressant dans lequel les peuples se sentent dépouillés de liberté, voilà le point de départ d’un bouleversement politique. Le retour au point de départ est la mise en place, sous des masques différents, d’un régime se reflétant dans ce qu’il a chassé. Tel un jeu de billes, la révolution ressemble plus à un « carreau » : une bille prend la meilleure place, celle de son adversaire, afin de se substituer à elle sous des couleurs différentes. Elle prend sa place, elle ne change pas d’axe, elle se place sur son orbite.

L’Exclamation

Dans son Essai sur la révolution (1963), Hannah Arendt se pose les mêmes questions sur une redéfinition possible de ce que doit être ce « mouvement » des peuples. Faut-il parler de « commencement » lorsqu’on parle de cette « rupture inaugurale », de ce « fondement de liberté » que représente une « révolution » ? Il ne faudrait pas oublier une notion dans ce « désir » des peuples, celle d’une « défaite » des idées premières. Souhaiter une révolution c’est aussi prendre un risque avéré de voir un retour en arrière. Souhaiter un « commencement » c’est aussi prendre en compte la notion de « fin ». Historiquement, la fin est toujours le retour à une « révolution » ; les peuples se soulevant à nouveau contre ceux qu’ils avaient mis en place et à qui ils finissent par couper la tête. Mais alors, quel terme, quel concept pouvons-nous mettre en place pour conjurer cette fatalité révolutionnaire ? Une évolution plutôt qu’une révolution. Stéphane Hessel, révolutionnaire des Idées et des paradigmes, a sans doute donné un marchepied vers une évolution possible car l’indignation n’est pas une action en soi, elle est un « commencement » à l’action. C’est ce que reprochait Alfred de Musset aux révolutionnaires dans Lorenzaccio en 1834. Les paroles plutôt que les actes, voilà ce qui paralyse les peuples. Dans son essai Indignez-vous !, Stéphane Hessel parlait d’indignation et dans son dernier ouvrage A nous de jouer ! (aux Éditions Autrement), il explique comment agir pour un monde social meilleur et plus égalitaire. En fait, si on regarde de plus près, ce qui manque à une « évolution » du monde, des peuples, c’est l’exclamation. Ce point (d’exclamation) semblait important à Stéphane Hessel puisqu’il est présent dans plusieurs de ses ouvrages ; Il semblait tout aussi important à Émile Zola puisqu’il ponctuait son J’Accuse…! en 1898. Il faudrait alors parler d’ Exclam-Action, néologisme qui vaudrait au peuple d’échapper peut-être à un cercle vicieux et l’amènerait enfin à ne plus devoir faire sans cesse des révolutions qu’il regretterait.

S’il fallait conclure

Il y a un proverbe chinois qui dit « Fais attention à ce que tu désires, cela pourrait t’arriver ». En matière de révolution il faut sans doute se répéter ce dicton car les exemples que l’Histoire nous donne ne préfigurent jamais un « commencement » comme le nommait Hannah Arendt, mais « le début de la fin ». Il est indéniable qu’il y a une envie des peuples de se réveiller pour que l’exclamation se fasse enfin, et se fasse debout. Transformer les révolutions en prise de conscience pour qu’elles ne se retrouvent pas à nouveau à genoux, voilà une évolution.
« L’évolution est en marche ! » dirait Stéphane Hessel, ne le faisons pas « mentir ».

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