Alain Fromager et Gwendoline Hamon, entourés d’une distribution de qualité, réunissant 11 comédiens au parcours remarqué, ont choisi de monter cette oeuvre majeure qui donne autant à rire qu’à grincer des dents. Une pièce chorale à (re)découvrir . Rencontre avec Gwendoline Hamon, co- metteur en scène et également petite-fille de l’auteur lui-même, qui ,par son propos passionné ponctué d’anecdotes éclairantes sur le dramaturge, vous enthousiasmera…à n’en pas douter!
Ce Voyageur sans bagage est le fruit d’une co-mise en scène, n’est-ce pas?
Absolument. J’ai rencontré Alain Fromager, il y a 20 ans à peu près, sur une pièce d’Anouilh, justement, dans laquelle nous jouions les deux jeunes premiers. Nous sommes devenus de grands amis – c’est d’ailleurs le parrain de mon fils. Nous avons des parcours différents, bien qu’il soit acteur également, mais lui travaille principalement pour le Théâtre Public. L’an dernier, il interprétait un Néron extraordinaire dans Britannicus à Nanterre et il jouait aussi dans Une maison de poupée mise en scène par Jean-Louis Martinelli en compagnie de Marina Foïs; bref, c’est quelqu’un qui a un parcours dans le Subventionné et qui a endossé beaucoup de grands rôles du répertoire; il a donc une culture théâtrale différente de la mienne qui vient du privé. On avait donc envie de confronter ces deux cultures et notre amitié a joué. On a beaucoup travaillé en amont sur la pièce, on s’est replongé dans l’oeuvre d’Anouilh que je connaissais évidemment mieux que lui. C’est très étrange parce que je pensais tout de même qu’on allait se disputer un peu car c’est compliqué une co-mise en scène mais ce n’est jamais arrivé : lorsque nous n’étions pas d’accord, au bout d’un moment, l’un ou l’autre lâchait et disait « oui, tu as raison en fait » et l’affaire ainsi se concluait.
Qu’est-ce qui vous a séduit tout particulièrement dans ce Voyageur sans bagage et vous a donné envie de monter la pièce?
D’abord Anouilh étant mon grand-père, j’ai baigné dans son univers plus qu’un(e) autre; je connais bien son oeuvre puisque j’ai été élevé avec son théâtre. Je ne sais pas si je suis objective – en tous cas j’ai le sentiment de l’être car il y a des pièces que je vénère , d’autres moins et d’autres encore que je trouve aujourd’hui désuètes – mais je trouve que la majeure partie de son oeuvre est assez fabuleuse; d’abord parce qu’elle est actuelle et parce que, comme tout le monde le sait, il s’est attaché à parler de l’homme, de ses faiblesses, ses lâchetés, ses peurs. Ce sont souvent nos mauvais côtés qui l’intéressaient mais pour en faire ressortir les bons aussi. Il faisait une critique acide de l’être humain mais il y avait toujours un personnage plus pur qui essayait de se sauver . Cela faisait longtemps que je voulais faire de la mise en scène -je suis comédienne depuis l’âge de 18 ans – mais je me demandais si j’avais la légitimité pour le faire parce qu’il y a tellement de grands metteurs en scène !. Petit à petit, c’est Fred qui m’a poussée en me disant que je donnais souvent des conseils, que j’avais un avis sur tout et qu’il fallait vraiment que je me lance. J’ai donc proposé à Alain de travailler ensemble et cette pièce s’est imposée pour plusieurs raisons.
Pourriez-vous nous raconter l’histoire de cette pièce ?
Déjà c’est le premier succès d’Anouilh. Quand on connaît son histoire, c’est un dramaturge qui est parti de rien; il a fini grand auteur mais il était fils d’un tailleur et d’une pianiste-violoniste qui jouait parfois au Casino d’Arcachon; Anouilh était un petit bordelais qui n’avait rien mais était totalement passionné par le théâtre comme on pouvait l’être à l’époque – je ne veux pas dire qu’aujourd’hui les jeunes gens sont moins passionnés, ils le sont différemment je pense- mais dans le cas d’Anouilh, c’était presque une question de vie ou de mort et c’était compliqué dans les années 30 d’envisager de devenir auteur dramatique pour gagner sa vie, en plus il ne venait pas d’un milieu intellectuel. Il a souvent raconté qu’il avait eu un choc lorsqu’il avait vu le Siegfried de Giraudoux mais qu’à part les illustrés de Bataille et Bernstein, il connaissait mal le théâtre à 18 ans. je crois que ça venait de bien avant, lorsque sa maman l’emmenait dans les théâtres où elle jouait dans les orchestres et qu’il passait des heures, petit garçon, dans les coulisses…oui,ça a du avoir une influence sur lui. On a retrouvé des écrits dans lesquels il avait conçu déjà très jeune des ébauches de pièces; il a donc commencé très tôt par goût du verbe. Avant de devenir secrétaire de Louis Jouvet( avec qui il s’est très mal entendu d’ailleurs) à la Comédie des Champs-Elysées, Il avait travaillé dans une agence de publicité où il avait rencontré Jacques Prévert et Jean Aurenche. Quand il tentait de faire lire ses pièces à Jouvet, ce dernier n’y montrait pas grand intérêt, il n’était pas intéressé et c’est vrai qu’alors Anouilh était tout jeune (22-23 ans) et se sentait mal aimé et raillé. Il était quand même chargé de s’occuper plus ou moins de la direction artistique quand Jouvet partait en tournée ( et à l’époque on partait six mois en Egypte, en Tunisie, au bout du monde…) ; il essayait donc de placer ses petites pièces en les envoyant à des gens qu’il admirait et Le voyageur sans bagage est ainsi sa huitième pièce, la quatrième jouée seulement mais son premier succès. C’est grâce à Pierre Fresnay, une star à l’époque , à qui il a envoyé ses projets dont personne ne voulait,qu’Anouilh fut joué. Il le présenta au couple Pitoëff qui étaient à la fois directeurs, acteurs et metteurs en scène du Théâtre des Mathurins et qui sont tombés amoureux du « Voyageur sans bagage ». Ce sont les Pitoëff qui l’ont créé et ce fut un carton. Alors que pour ses trois premières pièces ( dont L’hermine et la grotte) , l’accueil avait été plus difficile. Il y en avait écrit une autre qui se nommait » Il y avait un prisonnier » qui n’a jamais été remonté et qui était un brouillon du Voyageur sans bagage. C’est donc une pièce, dans la famille, dont on parlait beaucoup parce qu’on voulait comprendre pourquoi c’était le premier succès. Ma grand-mère, qui était metteur en scène, l’a monté dans les années 70 , elle pensait que c’était la pièce où Anouilh avait mis le plus de lui, particulièrement dans le personnage de Gaston..
Monter une Pièce noire, est-ce dans l’air du temps selon vous?J’avais envie de monter une pièce noire. Parce que les pièces roses,les brillantes, j’en ai jouées certaines, je les connais bien et je voulais m’attaquer à quelque chose de plus difficile, me confronter à la noirceur du thème de la famille. Vous savez, aujourd’hui , si on ne propose pas « ma crotte de nez sous le lit », c’est difficile de monter une pièce. C’est dramatique parce que je pense que, culturellement, on a tous une responsabilité : les producteurs, les directeurs de théâtre, les metteurs en scène et les acteurs dans les choix culturels. Il faut de tout pour faire un monde et c’est formidable de rire – j’adore le boulevard et j’aime rire- et là, je ne parle pas du subventionné- mais on est train de partir dans une spirale compliquée; les théâtres ont besoin d’argent, c’est dur de monter des pièces, c’est vrai et il faut que ça marche…mais du coup, la question est: qu’est-ce qu’on apporte aux gens? Il faut absolument qu’il y ait encore des textes qui nourrissent et qui ne fassent pas que détendre. Le théâtre c’est avant tout un texte, des interprètes, une évasion. On s’est donc dit qu’on voulait donner aux spectateurs la chance d’entendre une langue riche, une pensée dramatique, un long bonbon acidulé qui tient longtemps dans la bouche plutôt qu’une fraise tagada vite avalée. On ne va pas monter une pièce à trois personnages qui est très très très drôle tout de suite avec des acteurs comiques. On va monter un Texte.
De quoi parle cette pièce en substance? Quelles réflexions suscitent-elles chez son lecteur?
C’est une pièce qui parle d’abord de la famille, un thème universel ; la famille, les non-dits, les rancoeurs, la peur, la jalousie, l’orgueil. Avec des personnages autour de Gaston,la mère, le frère, la belle-soeur qui a été la maîtresse. Le thème principal, c’est effectivement l’amnésie et la question « Est-ce qu’on a le droit de refuser son passé et donc de se refuser soi-même?, « Comment un être humain réagirait si on lui permettait de ne pas être celui qu’il a été? » Mais au-delà de ce thème, il y a avant tout la question des confrontations qui intéressaient Anouilh pour les montées dramatiques.
Quel genre de mise en scène avez-vous choisi? Quelque chose d’épuré qui privilégiait surtout la direction d’acteurs?
Cette pièce ne permet pas, je pense, une mise en scène qui se voit. Ce serait prétentieux de vouloir dépasser l’oeuvre qui est magistrale. La mise en scène ne doit pas forcément se voir. C’est le cas ici par exemple, c’est le texte qui doit être mis en exergue et la direction d’acteurs. Il n’y a pas lieu de faire arriver un cheval sur scène, faire des jeux de lumière, mettre en place des danses ou je ne sais quoi d’autre. Ou même, comme certains metteurs en scène le font, de reprendre des textes classiques et les moderniser. Je pense, par exemple, au Shakespeare qu’a monté Nicolas Briançon avec Lorànt Deutsch en version disco; ce qui était d’ailleurs une très bonne idée. Mais là, non seulement, cela ne me semblait pas possible mais nous n’en avions pas non plus envie. Il fallait qu’on arrive à faire une mise en scène fluide, liante, qu’elle mette les acteurs en place avec beaucoup de naturel et l’on s’est attaché à les diriger au geste prêt; on a découpé le texte mille fois dans notre tête pour être sûrs de ne pas se tromper, de ne pas faire de contresens ,de ses poser la question de comment les personnage pensaient, pourquoi et puis de qui était véritablement Gaston.
Si vous nous parliez justement de ce personnage principal…
Il est découpé en trois parties; c’est un personnage qui évolue. Il arrive dans un premier temps sans mémoire, il a 36-37 ans mais il a dix-huit ans d’âge mental. C’est un homme qui vient de passer 18 ans dans un asile, parce qu’il est amnésique- cette histoire est tirée d’un vrai fait divers- et la seule mémoire qu’il ait, c’est qu’il a bêché des salades, mangé à la cantine, nettoyé des sols et qu’il se promenait dans le jardin. C’est la vie d’un malade et il arrive avec une forme de naïveté alors que c’est un homme mûr physiquement. Il n’a pas la mémoire ni de son enfance, ni de son adolescence, plus aucun souvenir. Il dit d’ailleurs « qu’il est un homme fraîchement éclos au monde, qu’il est un enfant ». Et puis après il va entrer dans une espèce d’enquête policière pour essayer de comprendre s’il a été ce Jacques dont on lui parle, savoir quel homme il était. En troisième partie, c’est la découverte de qui il est vraiment. Et là, il va y avoir une part de Jacques qui va revenir en lui. Ce sont vraiment trois phases de jeu sur lesquelles on n’a pas cessé de travailler.
Le rôle de la mère est jouée par Geneviève Casile…
Geneviève Casile est extraordinaire; elle a 32 ans de Comédie Française derrière elle; elle a une maitrise des nuances, de la rythmique, quelle chance nous avons! elle est merveilleuse dans la mère ; d’ailleurs plusieurs actrices ont refusé le rôle en disant que la mère était un personnage dur et méchant et qu’elles ne voulaient pas jouer ça.Alors que Geneviève nous a dit tout de suite « c’est merveilleux, il y a plein de choses à jouer ». Sur le papier, il semble en effet au premier abord que ce personnage est dur et méchant mais il n’est pas que ça. C’est une femme aimante, qui a de l’orgueil certes et des problèmes affectifs à régler avec son fils et elle même . Vous savez, c’est un peu comme Pirandello avec « Chacun sa vérité », tous ses personnages ont un point de vue différent et n’ont pas vécu de la même façon la même histoire, donc ils la ressentent différemment et ne sont pas plus attaquables les uns que les autres. Je pense d’ailleurs à cette pièce de mon grand-père, Antigone, qui pose cette question: Est-ce Créon ou Antigone qui a raison? Cela dépend d’où l’on se place et de ce que l’on a vécu, mais je pense que les deux ont raison.
Une pensée générale sur la troupe avec laquelle vous avez travaillé?
J’aimerais remercier tous les acteurs de nous avoir suivis. Florence Darel et Thomas Chabrol, par exemple, sont absolument géniaux dans les rôles du frère et de la belle sœur et Pierre Hiesler et Céline Vitcoq, irrésistibles de poésie et de drôlerie, dans le valet et la bonne. Et puis Phillipe Deshesdin, notre aîné, 84 ans, qui était également le bras droit de Jean Michel Rouzières ,directeur du Théâtre du Palais Royal pendant 25 ans, a une présence étonnante, sans oublier les trois enfants. Nous sommes une troupe de 9 à 84 ans, c’est la famille idéale!!
C’est une pièce noire mais dans laquelle on rit aussi?
Chez Anouilh, ce qui est génial, c’est que même dans une pièce noire, on rit quand même….on rit avec le personnage de la duchesse interprété par Catherine Jacob qui est une actrice drôlissime et tellement généreuse; elle apporte une légèreté , de même que deux autres personnages de la pièce, le valet de chambre et la bonne ,et je pense qu’Anouilh les utilisait comme intermèdes entre des scènes difficiles pour que les spectateurs puissent souffler. Il y a, en effet, des scènes où il y a des choses difficiles à entendre et qui peuvent tous nous ramener à ce qu’on a vécu : une dispute avec un parent, un frère, une remise en question, on a donc besoin de respirer aussi. La grande force de son oeuvre c’est que c’est toujours « drôlement drôle » si je puis dire! ça n’est jamais que noir. C’est un théâtre cynique où l’on se reconnaît; un théâtre intelligent où le verbe est beau sans être précieux. Cette pièce est très moderne même si elle a été écrite en 36. L’écriture d’Anouilh vieillit très bien; il y a presque une forme d’intemporalité et lorsque certaines de ses pièces sont taxées de démodées, c’est surtout à cause du sujet qui nous intéresse moins aujourd’hui. Sur les 70 qu’il a écrites, il y en a 15 selon moi qui sont des chefs d’oeuvre et celle-là en fait partie.
Après cette première expérience de mise en scène au côté d’un texte d’Anouilh, seriez-vous tentée de remonter une pièce de lui?
Je prendrai un autre auteur. Là évidemment qu’il y a la filiation qui a joué, que c’est une pièce dont ma grand-mère avait parlé à mon mari il y a longtemps et ça a joué parce que Frédéric était le personnage: il a ce côté comme ça un peu lunaire et détaché. Mais bon, en même temps, je suis consciente qu’on « m’attend au tournant » parce que je suis sa petite fille; même si je ne sauve pas des vies et que j’ai conscience que je ne fais que du théâtre et qu’il ne faut pas l’oublier. Je ne suis pas là pour parler d’Anouilh du matin au soir et monter toute son oeuvre. Non, c’est mon grand-père, j’ai choisi cette pièce-là pour ma première expérience parce que j’y étais attachée. Je pense que pour une deuxième mise en scène , je me lancerai dans une pièce où il y a moins de personnages pour essayer un autre exercice et peut-être plus contemporaine. Pas du boulevard moderne en tous cas parce que ça m’intéresse moins. D’ailleurs ça ne m’intéresse pas tellement à jouer non plus même si certaines pièces me font hurler de rire en tant que spectatrice, mais je m’ennuierais assez vite à les jouer tous les soirs. J’aime plus Feydeau, Labiche,Guitry ou Roussin dans le genre que les boulevards contemporains car il y a un gros travail à faire sur la langue et le rythme. C’est vrai que c’est compliqué de savoir faire rire! mais ce que je trouve excitant malgré tout, c’est le challenge, la difficulté, l’inconnu d’un texte un peu exigeant…même si je ne suis pas du tout une intello, je ne suis en train de vous dire » Non, non, moi je vais monter Brecht (Rires…) ». Non, c’est comme un rôle: on tombe amoureux d’un texte, d’une histoire et elle vous parle et vous avez envie d’en parler aux autres.
Vous jouez à Lattes très prochainement….
Oui, il y aura d’ailleurs mon grand-oncle qui va venir, qui est le frère de ma grand-mère, l’épouse d’Anouilh, et il a très très bien connu mon grand-père. Ils ont passé 25 ans de vacances et de week-end et il a dix milliards d’anecdotes sur lui. Je suis très curieuse et excitée de sa réaction, j’ai presque plus peur du jugement de mon grand oncle qui a 82 ans, que d’un critique acerbe qui dirait que c’est nul. Il connait tellement bien son théâtre..parce que mon grand-père, le soir, après avoir écrit, s’asseyait en famille, son premier public et lisait ce qu’il avait écrit dans la journée. Si ceux qui étaient présents réagissaient négativement en argumentant le pourquoi, il était capable de dire » oui, oui, vous avez raison, je dois réécrire » . Il avait par exemple beaucoup confiance en mon arrière grand-mère,sa belle-mère, que j’appelais Mamie Camille; enfin, c’est ce qu’on m’a raconté.
C’était donc quelqu’un de suffisamment modeste pour être capable d’entendre les critiques…ce qui n’est pas forcément une capacité d’auteur..
C’était quelqu’un d’une immense liberté. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens comme lui. C’était un anar de droite; ce n’était pas un homme de droite, ce n’est pas pareil, c’est quelqu’un qui n’a jamais voté. Il a refusé quatre fois l’Académie Française, La légion d’honneur. Il ne voulait pas recevoir d’honneur, de prix.C’est quand même fou de ne pas avoir eu cet ego -là; il a seulement accepté des prix de théâtre dont Le prix du brigadier car il disait « je suis un artisan; je suis exactement comme un menuisier qui ,lui, fabrique des chaises, moi, je ne fabrique que des pièces de théâtre. Je ne suis pas plus que ça, je n’ai pas d’autre prétention. » Evidemment, il avait du mal avec certains critiques, dont il considérait qu’ils avaient une responsabilité face au public qui prenait la température sur leur visage un soir de générale. Il ne la lisait plus, je crois qu’il avait compris que cela lui faisait trop de mal. Il a eu une grande chance; c’est que le public l’a toujours suivi donc, même quand la critique était mauvaise , les salles étaient pleines; ça a été sa liberté. Même s’il ne plaisait pas à certains, ça marchait. Il ne voulait être redevable de personne, il a refusé d’ être joué dans le théâtre public parce qu’il se disait que sinon, il serait lié à tel ou tel gouvernement, qu’il faudrait qu’il aille faire tel pince-fesse. Je lui avais demandé à 17 ans » pourquoi tu ne veux pas être académicien? » et il m’avait répondu qu’il ne voulait s’habiller en clown tous les jeudis, même s’il avait beaucoup de respect pour ses congénères et qu’il avait plein de copains académiciens. Oui, c’était quelqu’un de très libre et cela lui a joué des tours, certainement, plus qu’à d’autres. Notamment à propos de la peine de mort de Brasillach que le Général de Gaulle a fait fusiller et contre laquelle de nombreux membres de l’intelligentsia parisienne dont Claudel, Valéry, Mauriac, Cocteau, Colette, Barsacq, et Camus s’étaient révoltés en signant une pétition, insistant sur l’idée que l’on ne devait condamner à mort quelqu’un pour ses écrits….. La liberté de parole comme le pensait Voltaire était pour eux primordiale même celle des cons.
Votre grand-père avait une vision pessimiste de l’homme, selon vous?
Oui, bien sur,et son oeuvre ne parle que de celle-ci! mais l’imperfection humaine est une richesse pour un auteur. Pourtant, C’était un homme très tendre.
Etait-il heureux que vous soyez comédienne?
Il ne l’a jamais vraiment su. Juste pensé que je m’amusais lorsque, petite fille, il était tombé sur une photo au détour d’un cinéma ou j’étais entre Depardieu et Huppert dans un film de Pialat. On le lui cachait en quelque sorte parce que mon grand-père ne voulait pas que l’on fasse du théâtre dans la famille. C’est d’ailleurs pour cela que ma grand-mère était cantonnée à des rôles de remplacement lorsqu’une actrice était malade. Il disait que c’était un métier difficile, que c’est un métier où l’on est obligé de se vendre en permanence et il ne voulait pas de cela pour les gens qu’ils aimaient je suppose. Même s’il adorait les comédiens par ailleurs et qu’ils le lui rendaient bien.
Bilan d’une première mise en scène: qu’est-ce qui vous a semblé le plus grisant? le plus compliqué dans le métier de metteur en scène?
Ce qui m’a grisé, c’est la direction d’acteurs. Le travail avec eux, la recherche. Pouvoir leur donner des réponses claires, les aider à trouver le sens, la situation précise. Le travail sur l’époque également, car nous avons, Alain et moi, lu des ouvrages sur la guerre de 14/18, puis sur la crise de 29, l’atmosphère dans laquelle vivaient les gens après les tranchées.C’était très fort à ressentir. . Et puis ce qui est sympa, c’est d’argumenter avec les différentes corps de métiers (décorateur, éclairagiste, costumier, régisseur) et un jour, le bébé est prêt à sortir car tout le monde a joué un rôle dans la conception de celui-ci…Les difficultés sont plutôt d’ordre technique; il faut s’occuper de tout: les plannings, la production, les rendez-vous etc…Mais j’ai le sentiment que ça a marché entre les acteurs et nous, qu’ils nous font confiance et cela fait que l’expérience est vraiment une aventure qui m’a enrichie.
LE VOYAGEUR SANS BAGAGE – Tournée 2012 – 2013
Mardi 19 mars -Théâtre le Forum – FREJUS
Vendredi 22 mars – Théâtre de Propriano -PROPRIANO
Samedi 23 mars- Centre cultural communal – PORTO VECCHIO
Mardi 26 mars – Théâtre Charles Dullin – LE GRAND QUEVILLY
Les 27 et 28 mars – Théâtre André Malraux – RUEIL-MALMAISON
Mardi 9 avril – Théâtre Jacques Coeur -LATTES (34)
Jeudi 11 avril – Théâtre de l’Olivier – 13800 ISTRES
Vendredi 12 avril – Théâtres en Dracénie – DRAGUIGNAN
Lundi 22 Avril 2013 – La Salle, 41 B1340 – OTTIGNIES- BELGIQUE
Mardi 23 avril – Théâtre municipal -BOULOGNE SUR MER
Jeudi 25 Avril 2013 -THEATRE ODEON – MARSEILLE
Samedi 27 avril – Palais de l’Europe -MENTON
Samedi 25 mai – Théâtre municipal- GRENOBLE
Lundi 27 Mai 2013 -THEATRE DE LA VILLE DE BERNE -CH3000 – BERNE- SUISSE
Mardi 28 Mai 2013 -THEATRE DE VEVEY – CH1800 VEVEY -SUISSE
Jeudi 30 mai- Théâtre des Hauts de Seine – PUTEAUX
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