Julia Lezhneva : le deuxième opus de la jeune prodige russe
Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / La jeune prodige et cantatrice russe, Julia Leznheva, sort son deuxième album chez le label Decca après avoir fait paraître en 2010 son premier récital Rossini chez Naïve. Aujourd’hui, alors qu’elle fait vibrer le monde de la musique classique, nous avons invité Julia Lezhneva à se confier sur son parcours incroyable depuis sa naissance dans un hôpital sur l’île russe de Sakhaline il y a vingt ans tout juste.
Pouvez-vous expliquer la genèse de ce nouvel album sur le label Decca?
L’élaboration de l’album a été conçue sur une période assez longue, puisque nous avons commencé à en discuter avec Decca en 2010. Cependant, tout cela s’est passé très naturellement. Tout d’abord, nous avons pensé à un programme Mozart, puisque que nous avions déjà avec Decca voulu enregistrer Mozart « Exsultate, jubilate», le morceau que j’avais joué à Salzbourg en 2010 et que j’interprétais depuis mon adolescence.
Nous avons donc pensé à un programme autour de Mozart. De mon côté, je m’intéressais de plus en plus à «Solo Motet» en tant que genre. Quand j’ai compris que c’était toute une époque de l’Italie du 18e siècle, j’ai souhaité en savoir davantage. J’ai aussi compris que ce style était plus populaire autour du Porpora au milieu du siècle, quand beaucoup de Motets ont été écrits pour les nones de Église Ospedaletto à Venise, les chanteurs qui, grâce à des lettres, ont survécu à ce jour, étaient peut-être plus les plus extraordinaires de l’opéra. Les gens les connaissaient, ils les admiraient tellement que les programmes ont été publiés à l’avance. Enfin, il est apparu aux compositeurs que tout cela a été écrit quand Mozart (16 ans) et Handel ( 23 ans) étaient très jeunes tout comme les chanteurs qui l’étaient également.
Puis l’idée se fit que nous pourrions présenter un aperçu de ce genre, incarné par des exemples célèbres, mais également chronologiques avec le développement du genre dans le sens du style (Haendel et Vivaldi – moment culminant du baroque …)
J’ai ainsi rêvé d’enregistrer un album solo avec IGA depuis que nous sommes rencontrés la première fois en 2010 lors de Ottone in Villa. Je suis totalement admirative de leur façon de travailler, d’improviser, de respirer ensemble comme une seule et même personne à chaque répétition et de chaque concert.
Enfin, du point de l’enregistrement, je pense que c’est très intéressant, parce que les Motets sont assez longs, et ils sont extrêmement concentrés sur la musique. Chacun d’entre eux constitue une voix chargée de drame, d’émotions, dans cette passion dominante qu’est l’amour de Dieu.
Vous êtes très jeune. Vous avez, pour votre âge, une carrière et une notoriété importante. Comment voyez-vous votre jeune carrière ?
Tout ce que j’ai fait dans ma vie professionnelle à ce jour était vraiment naturel, suite à mes études à Moscou, Cardiff, Londres ainsi qu’à des sessions de travail avec Marc Minkowski, Giovanni Antonini et d’autres musiciens. Je suis très reconnaissante à mes parents et mes premiers supporters comme Marc Minkowski qui m’a encouragé professionnellement.
Qu’est-ce qui vous attire dans la musique européenne?
J’aime la musique européenne, pour ses idées fraîches, consacrée aux publics et aux grands musiciens. Je suis également très heureuse que la musique baroque et la musique néoclassique sont de plus en plus populaires et aimées. L’Europe en est pour moi le centre absolu.
Que pouvez-vous nous dire à propos de Marc Minkowski et sa place dans votre carrière?
Marc Minkowski a été et est toujours mon plus grand supporter. Non seulement dans le sens professionnel, mais sur tous les aspects, il a été un parrain musical pour moi depuis que nous nous sommes rencontrés à Moscou en 2007, quand j’avais 17 ans. Dès que nous avons commencé à travailler sur la messe de Bach en si mineur en juin 2008 à Santiago-de-Compostela, je ne pouvais vraiment pas rêver d’une telle collaboration. Marc m’a toujours donné beaucoup de liberté, il ne m’a jamais poussé ou demandé de changer ma voix. Il a toujours apprécié, je pense, ma singularité. J’ai beaucoup d’admiration pour sa conception de la voix. Il est lui-même une grande personnalité – et il aime travailler avec des musiciens qui ont des personnalités, avec leur différence et leur identité vocale. Il ne cherche pas à modifier cette personnalité. Il vous aide avec ses réflexions sur les aspects dramaturgiques, stylistiques, mais il n’interfère pas sur les points uniques de la voix. Marc Minkowski est tout à fait exceptionnel dans ce domaine.
Certains médias vous considèrent comme une artiste exceptionnelle malgré votre jeune âge. Qu’est ce que cela vous inspire ?
Cela m’inspire et me fait peur en même temps. J’essaie de ne pas me concentrer sur les médias et la presse, car ils peuvent certainement vous aider, mais parfois cela peut provoquer la perte de l’authenticité, car il existe autant d’opinions qu’il y a de gens. Cela peut être déstabilisant.
Que conseilleriez-vous une jeune fille, qui souhaite faire une carrière de soprano?
Je lui conseillerai de toujours bien réfléchir sur le répertoire, l’école et avec qui étudier avant d’entrer dans un studio d’opéra. Je n’ai pas beaucoup d’expérience pour vraiment me faire le conseil, mais d’après ce que j’ai vécu avec des enseignants avec lesquels j’ai étudié – principalement avec Dennis O’Neill à Cardiff, et Yvonne Kenny (Guildhall School de Londres) – ils ont été très dévoués, aimables et attentifs. Ce sont d’excellents professeurs. Je conseillerais donc à tous ceux qui veulent travailler leur voix de s’entourer de professeurs compétents comme j’ai pu l’être. Il est également important de voyager beaucoup et de voir des spectacles différents, des cultures différentes, et d’assister à des masterclass autant que possible. Pour moi, ce fut très important entre 17 ans et 19 ans.
Si vous deviez décrire votre album en deux mots, quels seraient-ils?
L’amour de Dieu.
Où pourrons-nous vous voir sur scène dans les prochaines semaines?
Je serai à Bruxelles le 15 avril et le 11 à Valence, ces deux concerts, principalement pour présenter l’album. Je donnerai un récital à Saint-Pétersbourg le 28 avril. Puis je reviendrai deux fois à Paris en juin et septembre pour mon premier Rosina et Alessadro (Rossane).
Julia Lezhneva. Alleluia. Motets de Haendel, Porpora, Mozart. Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini, direction. 1 cd Decca. Enregistré à Barcelone en 2012.
> Le site officiel de Julia Lezhneva
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