De là, on voit la mer : une variation subtile sur l’égoïsme en trompe-l’oeil

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Par Marc Emile BARONHEID – bscnews.fr/ Voici le treizième roman de Philippe Besson. Ni tout à fait le même que les précédents, ni tout à fait un autre. Une histoire d’amour. Simple en apparence, parce pour réussir à approcher la plus vieille équation du monde, il faut être passé maître dans l’art du trompe-l’œil. Aussi une variation subtile sur l’égoïsme, la seule vertu peut-être qui ne soit soluble ni dans la passion, ni dans l’écriture.

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Auteure à succès, Louise s’installe dans la maison toscane que lui prête une amie, le temps d’écrire un roman. François est resté à Paris, en mari soucieux de ne pas l’importuner. La distribution des rôles leur convient. Elle assure au couple une harmonie que la patine du temps préserve désormais des remises en question. « Elle se demande si les couples qui ont la météo pour sujet de conversation sont ceux qui n’ont plus rien à se dire ou sont, au contraire, les plus solides ». Graziella, gouvernante, permet à Louise de ne se consacrer qu’à l’essentiel. La relation du travail quotidien de la romancière pourrait ne donner que des récits gigognes, guettés par la fadeur. Ce serait offenser le talent du seul Besson qui en vaille la peine (d’où la nécessité de retenir son prénom). Philippe B a donné tous les gages de finesse psychologique et de maîtrise du récit. S’il ponctue par un « Rien à voir » l’éventualité d’une relation entre la vie de Louise et celle de sa nouvelle héroïne, c’est simplement par volonté farouche de préserver sa propre pudeur. Au gré de son œuvre, il apparaît plus clairement comme un pasolinien à la fois apprivoisé et maître de son tempérament, un passionné à sang froid.La venue du fils de Graziella ne devrait servir qu’à étoffer sobrement le récit. Mais chez Philippe B, rien n’est fortuit. A l’instar de ce que professait Prévert, le hasard n’est pas là par hasard. Luca a vingt et un ans. Il est brut, silencieux ; sa géographie intime évoque un portulan. De quoi intriguer la femme de passage et aiguiser la curiosité de la romancière, ou l’inverse. Bah, ce serait une lubie italienne sans conséquence ; « l’occasion, l’herbe tendre et je pense quelque diable aussi me poussant ». Mais Besson ne se satisferait jamais d’une romance tiède. Pour sa part, Louise navigue à vue. Comment sait-elle que ce Luca « croit qu’on dit l’essentiel avec la peau » ? Les téléphonages anodins à son mari donnent-ils le change ? Qui s’interroge sur la possibilité de gouverner « l’obéissance au corps, au désir, à l’animalité « ? Une déflagration à Paris. Le retour précipité de Louise et, tracé au cordeau, le chemin de la sagesse, sinon de la résignation. Tout doux ! On peut être raisonnable, on n’en demeure pas moins femme …Le roman est dédié à Fanny Ardant. C’est ce qui s’appelle tenter le diable.

« De là, on voit la mer », Philippe Besson, Julliard, 19 euros

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