Hélène Grimaud : Planer en suivant les courbes
Par Laureline Amanieux – bscnews.fr / Hélène Grimaud la décrit comme une évidence, cette rencontre avec Sol Gabetta. Un coup de foudre musical, amical. Le duo charismatique, au piano et violoncelle, de ces deux artistes internationales nous le fait toucher du doigt. A son écoute, il projette sur nos écrans mentaux l’image de fils qui se tissent dans l’invisible. Fils colorés, fils des veines dont les pouls s’accordent, fils d’étoffe élégante, riche, palpable et impalpable, aux multiples reflets moirés et changeants.
Ce qui nous frappe à nouveau chez Hélène Grimaud, c’est sa façon de jouer en ancrant les sons dans la matière et pourtant de faire vibrer un au-delà des cimes, c’est son côté vivant pilier. Ce qu’on découvre chez Sol Gabetta, dont la France a sans doute méconnu le talent jusqu’ici, c’est une énergie généreuse, une sensualité qui nous rappelle combien la peau a de nuances pour frissonner.
Le programme musical repose là-aussi sur une évidence, sans passer par une conception intellectuelle. Il fait dialoguer un duo romantique avec Schumann et Brahms et un duo au tournant du XXe siècle avec Debussy et Shostakovich. Il entrelace les biographies musicales des deux musiciennes ; il rassemble ce qui est épars à travers les quatre langues de ces compositeurs européens.
On retient la rêverie délicate et pudique chez Schumann jusque dans ses tonalités explosives, le glissement de la mélancolie à la fureur dans la sonate de Brahms (le premier mouvement, un sommet), le climat de clair-obscur teinté d’ironie dans celle de Debussy, ou encore la danse slave trépidante, espiègle, venu du fond des neiges dans le second mouvement de la sonate de Shostakovich. Duo nous murmure que la beauté est d’abord une émotion, et qu’elle les subsume toutes.
La rencontre quand elle sonne juste, elle file comme le feu consumant un fil de dynamite, jusqu’à atteindre l’auditeur de plein fouet. Elle se propage comme un parfum volatile. Elle laisse entre les mains un tissu si subtil qu’il semble se dissoudre au moindre geste. Elle est comme la vie, fragile et sincère. Elle est comme la musique classique, présente et « soluble dans l’air », nous dit Verlaine.Comment ne pas aussi citer Malraux lorsqu’il dit : « la culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre » ? La musique, surtout.
En écoutant cet album, il m’a …