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Martin Jarrie : « J’ai retrouvé le plaisir de l’imagination et du jeu dans le dessin et la peinture. »

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Propos recueillis par Julie Cadilhacbscnews.fr / © Elie Jorand / Peintre et illustrateur, Martin Jarrie travaille pour la presse, la publicité et l’édition.

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Il vit à Paris et a récemment exposé ses toiles et dessins lors d’une exposition à la galerie Jeanne Robillard. Cet évènement artistique ainsi que la parution prochaine de l’ouvrage Rêveurs de cartes aux Editions Gallimard Jeunesse nous ont donné envie de le soumettre à la question journalistique. Rencontre en mots et en graphie d’un artiste dont le trait est influencé par le surréalisme, l’art brut et l’art contemporain.

Votre pinceau a évolué du dessin documentaire voire hyperréaliste à une expression plus libre, plus picturale… qu’est-ce qui a déclenché cette évolution?
Alors que je réalisais des illustrations hyperréalistes , j’ai très vite souhaité aller vers une création plus personnelle. Ce fut un long cheminement ( 9 ans) aidé par un travail psychanalytique , une sorte de retour aux sources, à l’enfance. J’ai retrouvé le plaisir de l’imagination et du jeu dans le dessin et la peinture.

Avec quels matières et outils travaillez-vous?

Je peins à l’acrylique sur papier ou plus rarement sur toile. J’aime aussi beaucoup travailler à partir de « restes », des papiers maculés de peintures, utilisés pour étaler l’acrylique, des papiers kraft goudronnés, toutes sortes de papiers récupérés que je peins, coupe, colle. J’aime aussi beaucoup travailler avec le bois de cagettes de fruits que je découpe, colle et agrafe.

Surréalisme, primitifs italiens, art brut et art contemporain influencent votre pinceau: vous pratiquez donc la peinture automatique? vous cultivez l’avant-gardisme?
J’aime certains peintres et sculpteurs contemporains: Martin Assig, Eduardo Arroyo, Baselitz, Kiefer, Pincemin, Tony Cragg, Richard Deacon. Mon travail s’en nourrit comme il se nourrit de l’art brut, de Giotto et des surréalistes mais n’a rien à voir avec l’avant-garde. L’émotion ressentie devant certaines toiles mûrit lentement et peut réapparaître dans mon travail, digérée et réappropriée.

Vous travaillez pour l’édition mais aussi pour la presse et la publicité: en quoi ces deux derniers domaines sont-ils formateurs pour votre trait ? Forcent-ils votre imagination débordante d’artiste à une forme de rigueur? nécessitent-ils l’utilisation de certaines techniques etc…?
J’aime bien la contrainte d’une commande. C’est assez excitant de chercher et trouver des images en partant d’un texte , qu’il s’agisse d’un article pour la presse ou d’un texte pour un livre… Evoquer par l’image sans être trop illustratif.

Alain Serres a imaginé un livre de cuisine inspiré de vos peintures: quand vous dessinez une pastèque par exemple, par quelles étapes de création passez-vous?
J’ai peint depuis 1997 ( et même un peu avant) beaucoup de fruits et de légumes par plaisir et je continue à le faire. J’ai fait le tour des primeurs indiens, pakistanais, asiatiques, africains, antillais, dans mon quartier entre le passage Brady, Belleville, la rue du Faubourg St Denis et plus loin dans le 13ème arrondissement de Paris. C’est un grand plaisir de revenir à l’atelier avec un fruit ou un légume le matin et le peindre dans la journée. Un chou rouge coupé ,par exemple, où se mêlent abstraction et figuration, c’est magnifique! Alain Serres est venu dans mon atelier , il y a une dizaine d’années, et s’est aperçu que j’avais en stock des dizaines de peintures de fruits et légumes. C’est ainsi qu’est née  » une cuisine grande comme un jardin ».

Dessiner des fruits et légumes, c’est une façon de cultiver son jardin?
Peindre des fruits et des légumes, c’est sans doute une manière de cultiver la mémoire de mon enfance à la campagne avec des parents paysans et jardiniers.Martin Jarrie

Vos toiles mettent souvent en scène des sujets réalistes dans un monde concret mais qui répond à des règles spatiales fort singulières: vous aimez surprendre?
Je ne cherche pas à surprendre mais j’aime bien être surpris. C’est ce qui m’attire chez les artistes que j’ai cités plus haut. La représentation que je fais de l’espace est délibérée mais ne cherche pas à surprendre à tout prix. Il s’agit plutôt de la traduction de sensations intimes liées à ma propre expérience et imprégnées aussi par les oeuvres d’autres artistes.

Vous avez illustré Hyacinthe et Rose de François Morel….quels souvenirs de cette rencontre artistique?
Il ne s’agit pas de l’illustration d’un texte de François Morel en fait. J’ai d’abord réalisé 48 peintures de fleurs puis, avec l’éditrice, Valérie Cussaguet, nous avons cherché un auteur que mes peintures inspireraient. C’est une auteure des éditions Thierry Magnier, Véronique Lenormand, qui nous a suggéré de contacter François Morel qui est venu dans mon atelier. Valérie Cussaguet et moi lui avons dit que nous avions envie d’un texte qui évoque des souvenirs liés aux fleurs. François, quelques temps après, a commencé à envoyer ses premiers écrits et a tout de suite trouvé un ton très personnel en harmonie avec mes peintures. Hyacinthe et Rose est un très beau texte émouvant et drôle que François Morel joue maintenant sur scène de temps en temps accompagné d’un musicien; Antoine Sahler. Le « mariage » entre les peintures et le texte est, je trouve, très réussi et me donne envie de renouveler l’expérience…

Prochainement va paraître Rêveurs de Cartes chez Gallimard Giboulées, pouvez-vous nous parler de la genèse et de l’essence de ce projet éditorial?
C’et un projet que je porte depuis longtemps. Je pense que ça a commencé quand j’ai peint une série de corps imaginaires accompagnés d’un texte de Michel Chaillon. Le livre est paru en 1996 avec pour titre  » Le colosse machinal ». J’avais voulu traduire, en réalisant certaines peintures, le parallèle entre le corps et la géographie des lieux où j’ai vécu enfant. C’est très explicite dans la dernière carte du livre  » la plaine d’Anamnèze » où j’ai fait broder des noms de lieux liés à l’enfance, aux origines familiales. Par ailleurs, il y a l’amour des cartes anciennes ou modernes, la représentation abstraite, très séduisante plastiquement , de lieux très concrets. J’ai aimé l’idée de faire se cotiser dans un même livre images abstraites ( cartes) et images figuratives ( personnages, scènes, paysages). Je me suis donné ce défi, cette contrainte quasi oulipienne d’inventer des lieux ,de leur trouver des noms et une histoire ( très succincte) .

Rêveurs de cartesEnfin, si vous deviez citer une oeuvre picturale majeure qui vous séduit particulièrement , laquelle serait-ce?et pourquoi?
J’ai été très marqué dans ma jeunesse par la reproduction dans un livre d’art d’une peinture de Goya intitulée  » portrait de Manuelsorio ». Il y a quelque chose de doux et d’inquiétant dans le portrait de cet enfant , tout habillé de rouge, tenant au bout d’une ficelle un merle, entouré de deux chats inquiétants et d’une cage à oiseaux. Cette peinture ne cesse pas de me surprendre et je ne saurais dire pourquoi.

Exposition des travaux de Martin Jarrie :

– Du 13 octobre au 3 novembre 2012 à la Galerie Jeanne Robillard , 26 rue de la Folie Regnault 75011 Paris , www.jeannerobillard.com

– Du 15 novembre 2012 au 12 janvier 2013: « Portraits » au Centre Culturel du Forum à Saint Gratien ( 95210)

Le site de Martin Jarrie


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