Françoise Sagan : une force romanesque intacte

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Par Marc Emile Baronheid- bscnews.fr / A chaque rentrée d’automne, les éditeurs misent sur de nouveaux auteurs dont la seule qualité est leur (très) jeune âge. Chacun espère secrètement imiter René Julliard, qui avait décroché la timbale en 1954 avec le court roman d’une inconnue de 18 ans. Elle s’appelait Françoise Sagan

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La machine s’emballe très vite. Ce livre au titre emprunté à Eluard « pèse » bientôt 11,4 kilos de coupures de presse, est traduit en 14 langues, reçoit l’estimable prix des Critiques au grand dam de François Mauriac, courroucé que le jury ait préféré le « roman d’une petite fille trop douée » à une œuvre « qui rende témoignage à la vie spirituelle française ». C’est le récit de Cécile, 17 ans, qui passe l’été dans une villa de la Côte d’Azur avec Raymond, son père et Elsa, la dernière en date de ses jeunes maîtresses. Cécile et Raymond sont très complices. Après 2 années de pensionnat, elle a retrouvé avec bonheur ce veuf quadragénaire charmeur et papillonneur. L’arrivée d’Anne, une ancienne amie de la mère de Cécile, vient compromettre la liberté et la légèreté qui ponctuaient les rapports du père et de sa fille . « Nous étions de la même race, lui et moi ; je me disais tantôt que c’était la belle race pure des nomades, tantôt la race pauvre et desséchée des jouisseurs ». Anne incarne le sérieux, la stabilité aux antipodes de leur insouciance. Fascinante par certains aspects, elle menace toutefois de saccager leur existence. Comment une jeune fille plus sensible que désinvolte pourra-t-elle défendre leur tendre harmonie ? Peut-être en manipulant ce garçon de 26 ans, fou amoureux d’elle, quitte à provoquer un drame.
Fille d’industriel, Sagan montre une bourgeoisie dont elle connaît manifestement les codes. Servi par une écriture simple, qui méconnaît la sueur, étonnante de naturel, le roman n’a guère perdu de sa force, tant demeurent remarquables la lucidité et l’analyse des passions qui s’y expriment . Mauriac mettra beaucoup de mauvaise volonté à saluer ce « charmant petit monstre » qui enfonce dans la société bien-pensante le coin de la jeune sensualité féminine. Sagan confiera avoir ressenti comme un coup de grisou cette gloire dont alors elle n’appréhende pas encore la rançon exorbitante.
Otto Preminger réalise le film du roman. Jean Seberg incarne Cécile, aux côtés de David Niven, Deborah Kerr, Mylène Demongeot. Aussi Juliette Greco, que Sagan emploiera plus tard pour jouer son théâtre. Alain Souchon compose « Bonjour tristesse », chanson consacrée à l’univers saganien. En 2011, on comptabilise 2 millions d’exemplaires vendus d’un roman toujours préservé du purgatoire. E la nave va sempre …

« Bonjour tristesse », Françoise Sagan, Pocket, 4,80 euros



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