Virginia Woolf : Suis-je snob ?

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Par Stéphanie Hochet – bscnews.fr / Quelques textes peu connus, inédits, de Virginia Woolf voient le jour dans la collection Rivages Poche. L’attention est portée en ce printemps 2012 sur la romancière anglaise bientôt publiée dans la Pléiade. C’est devant un public, les membres du Memoir club que Woolf répondit à la question : Suis-je snob ?

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Durant l’hiver 1936-1937, Virginia Woolf tint une conférence dont l’intitulé devait lui permettre de répondre à la question de son snobisme. L’écrivain se plia au jeu avec un humour pince sans rire dont ses romans portent souvent la trace. On sait que le mot est né à l’université de Cambridge et désignait les étudiants qui n’étaient pas de l’aristocratie : sine nobilitate dont la forme contractée donne le terme snob. Il désigne ceux qui n’en sont pas mais voudraient en faire partie… Pour l’auteur d’Orlando, le snobisme est une maladie. Virginia Woolf reconnaît en être atteinte, sans se plaindre, au contraire, elle chérit même son mal. Elle affirme qu’entre une figure de l’aristocratie et un génie des lettres, son choix est fait : Demandez-moi qui je préfèrerais rencontrer entre Einstein et le prince de Galles – je me rue sur le Prince sans hésitation. Pour qui connaît l’œuvre de la grande dame de la littérature anglaise, il n’y a pas là un sujet d’étonnement. N’a-t-elle pas fantasmé sur les ascendants de Vita Sackville-West pour écrire Orlando ? Préférer l’aristocrate et ses manières singulières c’est jeter son dévolu sur une personne plus libre, plus naturelle, plus excentrique que nous.
Fantasme, le mot est lâché. La femme de lettres se berce d’une illusion, ou plutôt joue à l’illusionnée, à la manière d’un Proust faussement captif des apparences car c’est avec une dérision si finement dosée qu’elle nous fait croire que les aristocrates ont le pouvoir quasi magique de créer une atmosphère […] de poudre d’or et de champagne qu’on ne peut douter qu’elle se moque d’elle-même. D’ailleurs, ces nobles qu’elle rencontre ne sont-ils pas un peu ridicules ? Le snobisme est une affaire de projection, chacun a le sien. Pour telle dame de la noblesse, le comble de la classe sera d’être reçue dans la chambre mal rangée de Virginia Woolf dont les mains seraient recouvertes d’encre quant à l’auteur de Mrs Dalloway le snobisme consistera à placer au dessus de sa pile de lettre une enveloppe estampillée d’une couronne.
Il ne faudrait pas pour autant imaginer que Woolf manque de lucidité. Dans le roman comme dans les autres domaines, rien n’est pire que la négation des classes sociales. Elles existent et Woolf constate dans un autre texte du recueil intitulé La nièce d’un comte combien il est difficile pour un écrivain d’exprimer de façon convaincante les préoccupations d’une classe sociale qui n’est pas la sienne.
Si on pardonne au traducteur des maladresses assez fâcheuses (« avérer vrai » ou « mais pourtant » qui sont douloureux à lire dans une traduction de Woolf), on appréciera l’alacrité de ces textes moins connus, certainement moins éblouissants que son essai sur le féminisme Trois Guinées. Ce ne serait pas une raison pour se priver d’une lecture bien agréable.

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