Loic Lantoine vous dit dans un sourire…
Interview de Loic Lantoine/ Propos recueillis par Julie Cadilhac-bscnews.fr/ Crédit-photo: Clara Delessert/ Héritier d’une écriture à la Léo Ferré, poète ayant fait ses armes dans les bistrots, Loic Lantoine fut d’abord parolier pour d’autres avant que la scène ne s’impose à lui comme une évidence.
Ce conteur ne chante pas; tantôt il clame tantôt il susurre, avec un timbre rocailleux délicieusement singulier, des textes aussi percutants qu’esthétiques. Entouré de quatre musiciens, il accorde sur scène une grande place à la liberté, à l’improvisation et au partage. Loic Lantoine est un poète, assurément, même s’il est trop modeste pour l’affirmer, et l’occasion vous est donnée, encore pour quelques dates, de laisser les vers de cet aède contemporain vous caresser l’oreille…
Vous êtes cinq sur scène: pourriez-vous nous présenter le groupe Loic Lantoine?
Il y a d’abord mon compagnon historique, François Pierron, à la contrebasse; on a démarré l’aventure tous les deux. On a ensuite été rejoint par Fil ( Eric Philippon), guitariste et ancien membre de la Tordue. Il y a aussi un instrumentiste ( violon, clarinette, basse, guitare, banjo…), musicien irlandais, qui se nomme Joseph Doherty et enfin Thomas Fiancette est à la batterie et aux percussions.
Quand on observe la succession des trois titres de vos albums » Badaboum », « Tout est calme » et ensuite « A l’attaque », on sourit et on se demande si c’est une manière d’exprimer que vous prenez toujours le contrepied de l’album précédent?
Non, ce n’était pas du tout réfléchi cette succession qui fait sens:ces titres se sont imposés d’eux-mêmes et effectivement cette succession est marrante mais je n’attache pas beaucoup d’importance aux titres des albums parce que c’est dangereux. Je me souviens d’une phrase d’Umberto Eco qui, en référence à son bouquin Au nom de la rose, disait qu’il ne fallait pas exposer dans le titre ce qui allait se passer dans le livre – comme c’est le cas pour ce roman d’ailleurs. Umberto Eco voulait que son titre n’éclaire pas son oeuvre. Alors après , moi,j’avais cette idée en tête et malheureusement j’ai fait tout le contraire parce que ce sont des titres évocateurs mais ce n’était pas voulu…
Comment naît un album? d’une humeur persistante? d’un thème obsessionnel? des surprises de votre plume?
Un peu de tout ça. L’idée d’un album naît au moment où l’on considère que nos chansons ont vécu et que l’on a envie de passer à autre chose. On s’arrête et on réfléchit avec les copains à ce qu’on a envie de faire. Les thèmes évoluent forcément puisque, évidemment, je ne suis plus le même gars qu’il y a dix ans et un album reflète un peu quand même ce que je suis, qui j’ai envie d’être et qui j’ai été et puis ça concerne aussi ce qui se passe autour de moi à ce moment précis où je recommence à écrire.
Les portées musicales précèdent les mots?
C’est pas systématique. Pendant longtemps, avant, j’écrivais sans musique mais de plus en plus j’ai besoin de la musique. Après ça ne veut pas dire qu’une musique qui m’a aidé à écrire un texte est définitive, parfois on part après sur autre chose. J’ai travaillé de toutes les façons en fait: parfois la musique et les mots sont créés en même temps à partir d’une improvisation musicale, parfois la musique pré-existe, parfois c’est le texte…il n’y a pas de règle.
Texte et musique sont-ils indissociables?
Un peu plus maintenant. Toutefois, même maintenant, c’est vrai qu’on se garde la possibilité de faire habiter les textes avec des musiques différentes…et d’ailleurs si quelqu’un veut reprendre un de mes textes et le jouer sur une musique différente, je lui en laisse la possibilité puisque texte et musique sont la plupart du temps dissociés.
Sur scène, les musiciens improvisent?
Les musiciens sur scène sont des improvisateurs…même s’il est vrai qu’on a de plus en plus de morceaux qui sont très « écrits » ; mais à chaque concert, on se laisse un morceau sur lequel on prend bien soin que personne n’ait réfléchi avant et chacun balance une piste et apporte son inspiration. Certains morceaux sont aussi plus libres, de par leur construction, et, chaque soir, les copains apportent leur son du soir.
Vous avez pu dire que vous écriviez des textes pour qu’ils soient entendus et pas lus….pourquoi? par modestie?
Je suis mal placé pour parler de modestie parce que ce serait déjà foutu si je l’affirmais(rires). La lecture s’inscrit forcément dans une durée, le fait d’être entendu non. Être lu signifie être décortiqué et cela m’impressionnait beaucoup. Au début j’avais dans l’idée d’écrire pour les autres mais je n’étais pas capable de lier une feuille de papier à un interprète parce que justement il y avait cette idée que ce que j’écrivais n’était pas inscrit dans la durée…c’est pour ça que ça m’a un peu catapulté sur scène. Une chanson, c’est du langage oral et l’idée de me retrouver dans un bouquin, c’est quelque chose qui me panique un peu et qui me fait pas envie non plus…
Dans la chanson « j’ai chanté aux étoiles » par exemple, vous utilisez l’alexandrin et vous rajoutez là-dessus des expressions familières (ex: » j’en rajouterais trois louches ») qui fait un pied de nez à la structure classique…est-là le mode d’emploi de votre écriture?
Ce n’est absolument pas réfléchi. L’alexandrin, ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est un vers très musical et en même temps, j’aime entendre les gens parler; je n’aime rien tant que d’entendre du patois, des expressions tordues…et donc l’explication à cette association, c’est juste une histoire de goût.
Vous ne vous donnez donc pas de contraintes d’écriture?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la contrainte d’écriture est à l’origine de l’inspiration. Il n’y a rien de plus difficile que de se retrouver devant une feuille blanche avec une vague émotion. Au bout d’un moment , décider d’une forme, d’une façon de faire, d’une rime qui va intervenir à tel ou tel endroit, ça permet d’avancer. La contrainte permet de regarder les choses autrement et de faire entrer son inspiration dans des cadres . Même s’il est vrai que ce à quoi il faut faire attention, c’est de ne pas perdre l’émotion qui motive tout cela.
Avez-vous des poètes qui vous ont guidé?
Il y en a beaucoup et ils sont très différents. Je suis un grand admirateur de Jules Supervielle, d’Henri Michaut et de Norge…Je lis moins de poésie maintenant mais j’en ai beaucoup lu et je suis toujours épaté des vers cristallins de Supervielle ou, à l’inverse, de la prose plus rêche de Norge dont l’humanité me bouleverse.
En ce moment vous avez un album en préparation..
Oui, d’ailleurs les morceaux du prochain album seront en partie joués à Montpellier puisque on est sur la fin de la tournée. Tardi ,qui se plaçait alors dans la catégorie des « anciens », disait à ce propos : » vous êtes marrants ,vous les jeunes, nous avec Brel et d’autres ,quand on faisait un album ,on allait tourner, on testait les chansons et ,quand on passait en studio après, on cartonnait parce qu’on les connaissait bien ». Et c’est vrai que c’est toujours délicat quand on va s’enfermer en studio et qu’on joue des chansons sans savoir comment on va les animer sur scène devant un public. Pour ces chansons, on en sait un peu plus et quand on va les jouer en studio, on imaginera mieux les réactions du public qui va les écouter.,
Dates des concerts:
-03/05/2012 Montpellier (34) Théâtre Jean Vilar
-10/05/2012 Rouen (76)
-11/05/2012 Calais (62) Le Channel