Ken Keirns

Ken Keirns et ses effets bokeh

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Propos recueillis par Julie Cadilhacbscnews.fr/ Ken Keirns a grandi à Flint dans le Michigan et vit aujourd’hui en Floride. Il peint des toiles mêlant humour, histoires personnelles et étrangeté. Les tableaux de ce peintre américain, qui a  exposé de nombreuses fois dans de grandes galeries à Los Angeles, Chicago, New York, San Francisco ou encore Londres, cherchent à éveiller la curiosité en mettant en scène toutes sortes de sujets féminins dans des cadres surréalistes: vous y croiserez des jeunes femmes aux compagnons simiesques personnifiés, des animaux aux caractéristiques anthropomorphiques marquées ou encore des visages mystérieux et déterminés ceints d’arrière-plans floutés.

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Ken Keirns aime aussi les jouets, plaisanter et garde un petit coin d’enfance très frais au creux de ses réponses…
1,2,3, vous êtes prêt(s)?

Si vous deviez citer deux mentors artistiques, lesquels serait-ce et pourquoi?
John Singer Sargent d’abord, parce que j’ai toujours admiré sa capacité à trouver l’équilibre parfait entre des éléments fortement détaillés ( comme les teintes de peau) et une touche picturale très libre dans ses oeuvres. C’était aussi un formidable dessinateur. Dave McKean ensuite, parce que la couverture stylisée qu’il a créée pour la série de comics intitulée Sandman et ses romans graphiques ont complètement changé mon idée de ce que l’illustration pouvait être. Son utilisation de médias mixtes (il mélange du dessin, de la peinture, de la photographie, du collage, de l’infographie et de la sculpture)  a élevé l’imagerie des comics à un autre niveau. Je n’avais jamais rien vu avant comme Batman Les Fous d’Arkham , par exemple, un roman graphique dans lequel il incorpore un mélange complexe de peintures et d’objets trouvés qui font que l’histoire semble surgir carrément des pages. C’était vraiment « inspirant ».

Dessiniez-vous enfant déjà, inspiré par le calme des lacs du Michigan?
Je dessinais tout le temps quand j’étais gamin, surtout des voitures de course, des monstres et des requins. J’utilisais aussi le rouleau de papier adhésif de ma mère et je fabriquais des maisons hantées et des dinosaures en carton ( avec lesquels après je m’amusais à faire un feu de joie très souvent). Dans mes toiles, je m’inspire beaucoup de mes expériences personnelles, la nostalgie, la culture populaire et les jouets vintage.

Pas de lac dans vos toiles mais plusieurs thèmes récurrents en toile de fond: la forêt, la nuit festive, la nuit tout court… pourquoi?
Je n’ai pas d’affinités particulières avec l’eau parce que je n’ai pas grandi autour des lacs. Flint est une ville d’usines automobiles qui prospéraient autrefois mais qui sont toutes parties ailleurs maintenant. J’aime les arrière-plans flous et sombres parce qu’ils ajoutent un élément de mystère et aident à attirer l’attention de celui qui regarde la toile sur les caractères principaux.

On y trouve aussi beaucoup de maisons qui brûlent…
Les bâtiments qui brûlent représentent une coupe franche avec le passé, un nettoyage cathartique des mémoires.

Tous vos tableaux ne sont faits qu’à la peinture à l’huile?
Oui, je travaille à peu près exclusivement qu’avec la peinture à l’huile ces derniers temps.

Des femmes qui se ressemblent beaucoup…comme une obsession? Un fantasme? L’héroïne de vos toiles?Ken Keirns
Bien que beaucoup de gens m’aient demandé si c’est la même personne, je peux vous répondre que ça ne l’est pas. Il y a , certes, un esthétique qui m’appelle plus qu’une autre mais chaque femme dessinée est un personnage différent.

Très peu d’hommes dans vos photos ; ils ne vous inspirent pas?… ou pour la représentation de la virilité, vous vous êtes dit que les singes, c’était pas mal aussi…
Ce n’est pas que je n’aime pas peindre les hommes, je préfère simplement que les femmes restent au centre de l’histoire de ma toile. Quelquefois j’utilise des singes pour représenter les hommes, que ce soit pour dessiner mes amis ou moi-même. Je trouve que les singes ont un attrait universel et savent  donner à la peinture lumière et drôlerie.

Vous jouez ainsi sur la personnification des animaux qui deviennent des sujets à part entière dans vos toiles…est-ce par goût de l’étrange que vous parsemez vos tableaux de bêtes à poils en costume de ville?
Je peins les animaux que j’apprécie, ce qui inclue la présence récurrente de singes, des carlins, une chèvre démoniaque et un chat Devon Rex. A l’exception du chat qui appartient à un ami, tous les autres sont le fruit de mon imagination. Je les trouve amusants à peindre et très narratifs. Ce l’on voit semble être vrai  même si l’animal est représenté comme un compagnon et qu’il prend des qualités anthropomorphiques, non?

De nombreux singes, oui… dont Benjamin. La planète des singes a longtemps été votre livre de chevet?
Mon intérêt pour les singes a vraiment commencé quand je suis devenu adulte et que j’ai découvert que mon meilleur ami était terrifié par eux. Donc, bien sûr, j’ai tiré profit de cette information et fait tout ce que je pouvais pour les rendre absolument dingues. Quand nous étions colocataires à l’université, je dessinais des singes et les cachais un peu partout dans la chambre et, même après avoir déménagé, j’achetais des petits singes en jouets et les lui envoyais. C’est une plaisanterie entre nous qui dure depuis des années. Je n’ai jamais lu le livre mais j’adorais le film La planète des singes quand j’étais gosse.

D’ailleurs pas de bêtes à plumes à l’horizon…ou même d’insectes?
J’ai peint plusieurs oiseaux par le passé et un couple de mantes religieuses. J’aime peindre les punaises mais peindre les insectes est un sujet assez compliqué: ils ont tendance à rendre les gens mal à l’aise ou effrayés et ce ne sont pas les émotions que j’essaie d’évoquer dans mes toiles.

Vous mettez en scène des jeunes femmes accompagnées d’un animal de compagnie aux airs de marionnette: Vos femmes sont-elles un peu dominatrices?
Il y a quelques années, j’ai peint un tableau avec une femme avec des chats dans les mains pour un show à la Rotofugi Gallery. C’était à la fois stupide et fun et ça a eu un vrai succès. Donc, c’est devenu une tradition qui veut que, quand je fais un show là-bas, je peins toujours une femme avec un animal différent dans les mains. Il y a eu des chats, des lapins, des cochons, des carlins et des bouledogues français.

ken keirnsParmi vos toiles, on trouve une interprétation des deux personnages principaux d’Eternel Sunshine of the spotless mind… un film qui vous a passionné pour sa dimension humainement fantastique?
La peinture d’Eternal Sunshine a été créée pour une exposition collective sur le thème des films cultes. J’ai utilisé des scènes et des personnages de films dans mes peintures pendant plus de dix ans. J’ai commencé à peindre des personnages de films à la fin des années 90 sur des boîtes pour emporter le déjeuner, la plupart du temps c’était Pulp Fiction ou Le magicien d’Oz. En 2003, j’ai peint quelques toiles avec des éléments de Shining. Depuis j’ai dessiné aussi Heathers, Rushmore et Fonzie,  personnages populaires d’une série télévisée « Happy Days ».

Vous détachez le premier plan du second plan comme pour donner davantage encore une impression de surréalisme, je me trompe? Le premier plan explore la rigueur d’un trait réaliste tandis que les fonds jouent sur les effets de flous et l’abstrait…
J’aime utiliser pour l’arrière-plan un effet bokeh ( = flou d’arrière plan d’une photographie permettant de détacher le sujet de son environnement).  Similaire aux techniques utilisées en photographie, j’ajuste la profondeur de champ dans mes toiles pour attirer des éléments variés dans le focus.  J’aime aussi ajouter des figures floutées, laissant à l’interprétation de celui qui observe le choix de décider ce que ces figures représentent et quel rôle elles jouent dans l’histoire.

Vous pratiquez aussi d’autres techniques que la peinture. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
J’adore vraiment travailler avec des objets trouvés, combinant la peinture et la sculpture. Je n’ai pas eu la chance de travailler sur ce dernier support depuis un moment mais j’espère dépenser plus de temps à en faire dans le futur. J’affectionne les jouets et aimerais en produire inspirés des personnages de mes tableaux. J’ai déjà créé plusieurs prototypes mais n’ai pas eu le temps de les obtenir dans leur production achevée. J’ai participé de plus à plusieurs salons de jouets où l’on m’a demandé de peindre sur du vinyle blanc et des figures en bois.

Depuis quand faîtes-vous de la peinture? Avez-vous ressenti une évolution dans votre travail et dans les thèmes choisis durant ces années de pratique?
J’ai commencé d’abord en peignant au pistolet au milieu des années 1990. Je peignais sur des meubles de particuliers en utilisant cette technique. J’ai aussi utilisé des portes en bois comme toiles. Ensuite j’ai travaillé avec l’aquarelle et les acryliques mais me suis ensuite confortablement habitué à la peinture à l’huile. C’est la technique que je préfère pour diverses raisons mais surtout parce que les temps de séchage plus longs permettent le vernissage.  A mon sens, la plus grande évolution dans mon travail que l’on peut constater, c’est que de pièces purement axées sur l’humour et sur l’étrange, il s’est dirigé vers des travaux qui racontent davantage des histoires personnelles. En tant qu’être humain, peindre de cette façon a créé ses propres défis mais a aussi amené l’opportunité de travailler sur l’introspection.

Avez-vous déjà exposé en France? Y êtes-vous déjà venu?
Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup voyager. C’est quelque chose que j’espère faire dans le futur. J’adorerais visiter la France! Je suis certain que je serais inspiré par ses gens, son architecture, ses paysages et sa culture .

Le site de Ken Keirns ICI

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