Claire Julliard :  » les vraies rencontres sont rares »

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Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr Ils préfèrent l’amitié à l’amour. Rêvent d’une rencontre, vivent dans un studio, se retrouvent entre amis, se confient, boivent beaucoup, se prennent le chou : ils nous ressemblent. Comment se débarrasser d’un emmerdeur au camping, du jules de sa coloc, d’une mijaurée, d’un amoureux transi, d’un spécialiste du chagrin d’amour ? A travers des tranches de vie d’une bande de copains, Claire Julliard, critique littéraire au « Nouvel Observateur », croque les obsessions, les ratages, les coups de blues, les petits arrangements d’une génération d’adolescents attardés. Tout y est juste, vrai, chaleureux, bourré d’humour, corrosif bien sûr.

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Vos personnages sont étudiants célibataires – parfois attardés ; ils vivent dans des studios, en coloc ou en solo. Avez-vous voulu parler de la solitude des jeunes d’aujourd’hui ? Comment l’expliquez-vous ?
Le livre parle de la solitude si l’on veut mais aussi de la vie en groupe. C’est le propre de la jeunesse d’être à la fois solitaire, en son for intérieur et grégaire dans son mode de vie. Mon héroïne, Charlotte, commence à vivre très tôt en couple mais très vite, elle n’en peut plus. Ce n’est pas tant un refus des contraintes ou de l’engagement que du désenchantement. Quant à la vie en coloc, en studio, elle est celle de la majorité des jeunes urbains aujourd’hui. Des vieux aussi d’ailleurs. Pour des raisons matérielles et affectives. Les vraies rencontres sont rares.
On retrouve certains de vos personnages, comme Charlotte, d’une nouvelle à l’autre? Peut-on dire qu’il s’agit plutôt d’un roman ?
Oui. J’ai rayé le mot « nouvelles » de la couverture. Il s’agit d’une série de tranche de vies qui mettent en scène des épisodes de la vie de Charlotte et de ses amis. C’est un roman éclaté.

« L’oie sur un lac gelé », pourquoi ce titre énigmatique ?
On le comprend à la fin. Mon oncle Jo possédait une oie qu’il a trop protégée et qui a fini par geler sur un lac. C’est la métaphore du livre dans lequel les personnages, à force de s’interroger, se retrouvent bloqués, au milieu du gué. Comme écrivait Aragon « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard. »

Déçue par l’amour, Charlotte dit lui préférer l’amitié amoureuse. Est-ce une valeur plus stable? Croyez-vous en l’amitié homme/ femme ?
Oui mais elle est tout aussi compliquée que l’amour. On peut avoir des relations sexuelles protégées mais il n’existe pas de relation sentimentale sans danger.

Vous croquez avec humour les obsessions de vos jeunes gens. Qu’est-ce qui vous amuse chez eux ? Aimez-vous rire de vous ?
Merci de parler de ça parce qu’on va finir par croire que j’ai écrit un livre sinistre et sentencieux. C’est avant tout une suite de saynètes humoristiques. J’adore me moquer de moi. Je raconte aussi la vie de mes amis, du moins ceux que je ne vois plus, mais pas dans l’idée  de les caricaturer. Plutôt pour les adopter, pour épouser leur point de vue ou leur souffrance, comme Blaise dont je décris la passion pathologique.

Chacune des nouvelles donne une vision différente de l’amour. De l’amour amitié à l’amour passionnel… Est-ce voulu ? Peut-on imaginer une nouvelle façon de vivre le couple ? Quels sont les secrets de l’amour heureux et durable ?
C’est un livre qui traite de l’amour, ou plutôt des mouvements du cœur, mais je n’ai aucun conseil à dispenser. Plutôt une foule de questions à vous poser, à vous qui avez écrit « le secret des couples qui durent » !

Quelle est la part d’autobiographie de vos nouvelles ?
Elle est très importante et sans importance. J’ai voulu que tout soit vrai mais que cela raconte la vie de tout le monde.

Quels sont vos romans préférés ? Lesquels vous ont inspiré ?
J’aime tout Balzac, tout Dickens, tout Tchekhov, tout Beckett, tout Henri Michaux. Et aussi Fitzgerald, Faulkner, Salinger, John Fante, Carson McCullers, John Kennedy O’Toole, l’auteur de « La conjuration des imbéciles ». Mon auteur contemporain préféré est Magnus Mills dont on ne parle pas assez. Il faut lire « 3 pour voir le roi ». Je n’aime pas choisir. Qui m’a inspirée ? Aucune idée.

Vous êtes critique littéraire à « L’Obs », quels sont vos coups de cœur de la rentrée ?
J’aime beaucoup « Un sujet français » d’Ali Magoudi (Albin Michel), une enquête familiale menée comme un polar. J’ai été impressionnée par « Je ne suis pas celle que je suis », de Chadhortt Djavann (Flammarion), un livre ample et profond qui aurait mérité un Prix. Le voyage immobile de Sylvain Tesson « Dans les forêts de Sibérie » (Gallimard) m’a passionnée. J’aime toujours David Foenkinos (« Les Souvenirs » Gallimard), surtout depuis que les critiques s’acharnent contre lui.

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