Hubert Artus : le donquifoot ou une autre idée sur le football

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Propos recueillis par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Hubert Artus parle de football avec un enthousiasme non dissimulé et une érudition qui laisserait pantois les plus éminents spécialistes de ballon rond. Poussé par cette passion dévorant, il vient de faire paraître un dictionnaire à la fois érudit, ludique et pertinent du football qui saura séduire les mordus autant que les profanes jusqu’aux anti-foot qui regardent très souvent le sport le plus populaire du monde d’un oeil circonspect voire inquiet. Hubert Artus nous montre avec talent que le football est profondément culturel car il est un langage universel.

propos recueillis par

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D’où vous est venue l’idée d’écrire un dictionnaire du football ?
Avec le Donquifoot, je souhaitais proposer un ouvrage ludique, érudit, historique, politique et informatif sur le football. Ainsi, plutôt que de raconter une histoire de football de 1848 à nos jours, je voulais raconter exactement la même histoire par des anecdotes et laisser la possibilité de le lire dans l’ordre que l’on souhaite. Certains, par exemple, commencent par «AaJx» puis «Cruyff» et «Barça», d’autres «Anelka», «équipe de France» et ainsi de suite.

Comment avez-vous bâti ce livre ? Par des archives, des articles de presse, des témoignages ? Quelle a été finalement la matière première du Donquifoot ?
Je suis parti tout d’abord de mes archives parce que depuis mes 38 premières années passées sur cette terre, je suis un passionné de foot. J’ai donc beaucoup d’images en tête et de souvenirs. J’ai commencé par Cruyff, Ajax et Cantona qui ont été les trois premières mots du dictionnaire à être écrits à partir de souvenirs très précis. Ensuite je me suis beaucoup appuyé sur des archives de France Football, de l’Equipe puis sur des enquêtes et des interviews.

Quels ont été les critères de choix pour sélectionner les mots à inclure dans le dictionnaire ?
Le choix  a été tout d’abord subjectif au regard de mes préférences. Par exemple, j’accorde bien plus de place à Garrincha qu’à Pelé pour des raisons que j’explique dans le livre. Ensuite, il fallait tout de même que je sois objectif afin de faire des fiches sur des joueurs comme Lev Yachine*(1). Finalement, c’est un mélange incontournable entre les éléments incontournables de l’histoire du football et des choix subjectifs parce qu’ils me sont propres tels que les fiches sur Georges Best ou Garnira. Il y a également des mots attendus tels Platini, Zidane, Hongrie ou encore Di Stefano et d’autres moins attendus tel que «avion» où il est question du crash de l’avion en 1958 qui a décimé l’équipe de Manchester United mais également comme un moyen de locomotion très exceptionnel il y a quelques années pour les clubs. Le mot Maillot est également inattendu car il n’est pas courant de faire une enquête approfondie sur les maillots des footballeurs.

Sur certaines entrées du dictionnaire, on a l’impression de lire des mini-essais dont la pertinence est très souvent à l’honneur ?
Ce genre est celui de la non-fiction à l’anglosaxonne. Ce sont à la fois des ouvrages littéraires, historiques,  un mariage de la subjectivité et de l’objectivité et à la fois de plusieurs formes fictionnelles. C’est une forme spécifiquement américaine qui n’existe pas en France. C’est le pari des Editions Don Quichotte d’‘importer ce genre de l’auto-fiction en France.

On retrouve pas dans le Donquifoot un langage convenu que l’on peut lire trop souvent sur le football ? Hubert Artus ne serait-il pas le franc-tireur des chroniqueurs français du foot ?
À mon humble mesure, je suis peut-être l’un des francs-tireurs de ces chroniqueurs. Si tel était le cas, cela me plairait bien.

Y-a t-il eu des remous dans le monde du football suite à la parution du dictionnaire ?
À la parution du Donquifoot, il y a eu un silence de la part des journalistes sportifs hormis une interview dans l’Équipe et un papier sur l’Equipe Magazine.

Est-ce vous n’avez pas envie d’écrire un livre entièrement dédié à Georges Best tant la description faite de cette personnalité dans le Donquifoot est passionnante et qu’il a quelque chose d’un personnage de roman ?
Je ne crois pas car je n’ai finalement pas plus à en dire que ce j’en ai déjà dit dans le dictionnaire. De plus, de nombreux livres et dossiers ont été consacrés à Georges Best notament dans le magazine So Foot. Même si Georges Best est une idole pour moi, ce jugement est très subjectif. Georges a été un très bon joueur pendant 4 ou 5 ans mais il n’a pas été au niveau des grandes stars du football comme Johann Cruyff ou Garrincha même s’il a été une étoile pendant quelques années. En fait, Georges Best a été la première vraie rock star du foot sans être un grand joueur.

Est-ce que pendant l’écriture du Donquifoot, il y a eu plusieurs versions, plusieurs changements de cap ?
Dès le début, le sujet tout autant que l’angle étaient assez clairs. Le cap n’a jamais changé hormis le fait qu’il est beaucoup plus long que prévu. En fait, plus j’avançais dans la rédaction du livre, plus j’étais passionné, ce qui m’a amené à plus de pragmatisme dans sa construction.

Ce livre insuffle au football un romantisme certain qui n’est pas déplaisant. Est-ce que cela a été une volonté au départ ou bien est-ce venu pendant l’écriture ?
J’espère vraiment que c’est cela qui transparaît à la lecture, le romantisme du football. Au début de l’écriture d’un livre de 500 pages, on ne sait jamais ce que cela donnera. Le but pour un livre est de verbaliser des choses pour les autres des choses que l’on ne connaît pas encore. Quand on a l’idée d’un livre, on fait un centième du chemin car il va falloir par la suite récolter, vérifier et équilibrer les informations, et les transposer dans un style intelligible. J’ai saisi la l’équilibrage de mon propre livre un mois à peine avant de remettre le manuscrit à mon éditeur. J’ai su que les entrées étaient en cohérence les unes avec les autres.

Bien à l’opposé du romantisme, quel regard portez vous aujourd’hui sur le football contemporain et notamment sur les travers du foot business ?
Je suis encore plus haineux du foot business mais encore plus amoureux du foot. Après le rendu de mon manuscrit à l’éditeur, j’étais saturé de football et j’ai regardé moins de matchs. Mais aujourd’hui, je regarde encore plus de matchs qu’avant car je prends plaisir à les décrypter. J’aime donc encore plus le football qu’avant tant j’apprécie le fait d’avoir pu verbaliser ce que je savais du football et le relier avec notre société. Et si je devais réécrire un livre un jour, il y a de grandes probabilités qu’il soit sur le football.

 

Ne ressentez-vous pas encore une certain opprobre sociale sur le football comme appartenant à certaines catégories de classes sociales ?
Depuis la Coupe du Monde 1998, les choses ont bien changé. Il est devenu presque chic de faire semblant de s’intéresser au football. Cela tient aussi du phénomène de mode. Je crois qu’aujourd’hui plus aucune honte à parler de football. Quand j’étais au lycée et que j’arrivais avec mon France Football, on me prenait pour un beauf. Et le football va devenir de plus en plus tendance car l’essor du football féminin va y contribuer largement depuis qu’il commence à être diffusé à la télévision.

À ce sujet, vous en parlez dans le dictionnaire ?
Moi, j’aime beaucoup le football féminin que je suis à la télévision ou dans les stades dès que je le peux. Même si les filles vont moins vite que les garçons, la vitesse du ballon quant à elle est la même.

Que vous inspire l’émergence du foot business en France incarnée par le Paris Saint Germain et sa nouvelle direction qatari qui investit beaucoup d’argent dans le club ?
Subjectivement, je supporte l’olympique de Marseille et je suis donc très énervé par cette manne. Objectivement maintenant, le France est un pays où il n’y a pas plusieurs clubs de haut niveau dans la capitale comme c’est le cas en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Argentine, au Brésil… Deuxième chose, cela crée forcément un déséquilibre entre des clubs plus modestes et le PSG, mais cela sert aussi le football français et l’on peut prendre l’exemple de l’édition où les auteurs de Best Seller font aussi vivre les auteurs moins connus de la même maison. Après le mariage entre l’argent et le sport n’est pas un gage de réussite, on l’a vu pendant la période des Galactiques au Real de Madrid lorsque de grandes stars jouaient ensemble sous le même maillot.

Quels joueurs aujourd’hui égalent en charisme, en talent et en personnalité, les Garrincha, les Best et consorts ?
Aujourd’hui, il y a Lionel Messi ( FC. Barcelone), Maradona et Zidane sont politiquement au niveau de Garrincha. L’esprit du football des années 60 n’est plus le même qu’aujourd’hui mais le football des années 2000 est aussi beau à regarder. L’identification a changé entre un Mancheste United de 1968 et un Manchester d’aujourd’hui ou celui du Real de Madrid.

Vous dites de l’écrivain John King «Personne n’a mieux écrit sur le football que John KnIg». Quel est le livre de John King sur vous conseillerez au fans de foot aussi bien qu’aux anti-foot ?
« Aux couleurs de l’Angleterre » est un livre qui retrace l’histoire d’un match amical entre l’Allemagne et l’Angleterre. Il est question du voyage des hooligans vers l’Allemagne. À mon sens, John King est celui qui a le mieux montré toute la portée de la culture foot qui fait appel au même élan qu’aller au stade ou au lycée ou encore aller un boire dans un bar. King montrer qu’aller au stade n’est pas un réflexe de beauf et de simple supporterisme. On ne supporte pas seulement une équipe mais un club qui est monument de la ville au même titre que la Mairie. C’est le premier qui a relié cela à la musique, à l’urbanité, à l’histoire d’une ville et qui a montré que les hommes sont le produit d’une génération précédente. Dans cette transmission de cette mémoire, il y a aussi bien la résistance, la shoah, le nazisme, le racisme, l’esclavage…

En quoi le football est-il culturel ?
Le football est un langage car le sport est un langage. Celui qui est passionné de gastronomie, ferait un dictionnaire rock, politique de la gastronomie et parlerait aussi bien de l’histoire des ingrédients que des explorateurs partis à la recherche des épices et de nouvelles saveurs. Je suis passionné de foot donc le football est mon langage.
Il fait partie à un point très intime de mon identité. Quand je participe à des débats littéraires et que je suis amené à prendre des exemples, j’en viens très rapidement à parler de foot. Car le foot est mon langage et mon identité.

Hubert Artus, Donquifoot – Editions Donquichotte – 495 pages, 19,90€  Paru en Mai 2001

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