Thomas Fersen : un artiste authentique

Thomas Fersen : un artiste authentique

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Propos recueillis par Julie Cadilhac – bscnews.fr / Un jour de mauvais temps atypique, dehors un vent à décorner les boeufs, dedans un enregistreur qui ne me disait rien qui vaille, armée de mon rire fébrile de stentor et d’un stylo de fortune, j’ai croisé l’élégance. Ni tout à fait abeille, ni tout à fait moucheron mais picorant mes phrases de notes chantantes montpelliéraines, j’ai interviewé Thomas Fersen. Et, comme lorsqu’on se livre au jeu risqué de la confrontation de son imagination au réel, admirative au plus haut point du travail de l’artiste, j’avoue avoir eu peur d’être déçue. Que Thomas Fersen soit un chanteur abonné à l’école buissonnière de la chanson française plus par pédanterie que par goût. Qu’il soit cigale à la scène et fourmi à l’interview, lièvre à la guitare et tortue à la répartie, bref que cette interview ne soit pas la pièce des grands jours que j’espérais….

propos recueillis par

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Pourtant, risquant une seconde fois de bousculer la modestie de l’artiste, je dirais que j’ai eu l’honneur d’être la réceptrice conquise de propos de talent. Ajoutez à cela de la douceur, de la patience devant les 245 « d’accord » qui rythmèrent mon copiage de notes, saupoudrez de rires avenants et d’un humour imperturbable et vous aurez compris que Thomas Fersen mérite qu’on le qualifie de grand monsieur. Oui un grand monsieur du verbe dont la modestie rayonne sous un charme flegmatique. Je pourrais dire qu’on l’affuble de comparaisons toutes plus élogieuses les unes que les autres, Charles Trénet, Tom Waits, Randy Newman ou encore Jacques Prévert; je pourrais lui donner le nom d’oiseau rare, de perle musicale française, louer son imagination fertile et son verbe recherché et son ton à la fois grave et drôle. Je pourrais évoquer sa voix élimée et rauque, ses images multiples et variées qui sans cesse se renouvellent et évitent avec beaucoup de génie l’essoufflement de la répétition. Je pourrais raconter ses textes romanesques, son goût pour le ukulélé et la déclamation, surenchérir sur la fraîcheur de ses mélodies et leur légèreté délicieuse.
Mais je me contenterais de dire que Thomas Fersen EST. Que chacun de ses albums déborde d’originalité et de personnalité et qu’y plonger devrait être une prescription cérébrale.
Quiconque nie son talent mériterait bien qu’on lui impose la compagnie de Monsieur et finisse sous les églantines ou celle d’Hyacinthe à l’haleine de savon…. ou non! qu’il soit transformé en chauve-souris! et comme c’est de saison, avec un peu de chance, cet ignorant croisera un parapluie découpé dans la nuit qui leur contera fleurette et changera d’avis…
Une révérence romantique, froufrous de jupons imaginaires, à un artiste authentique. Petite fiche d’identité Nom libertin: Fersen
Prénom joueur: Thomas* (*Tomas Boy est un footballeur mexicain, remarqué par l’artiste lors du Mondial 1986.)
Dernier album : Trois petits tours. Une question d’onomastique d’abord: comment choisit-on son nom de scène?
Un peu par hasard, mon père m’a suggéré de m’appeler Fersen alors qu’on mangeait du saucisson. Je pense qu’il avait lu la biographie de Marie Antoinette par Stefan Zweig à cette époque, ce nom était dans sa tête à ce moment-là donc il m’a dit: « tu devrais t’appeler Fersen, c’est un personnage historique, même si Les gens ne s’en souviennent pas forcément mais le nom existe dans la mémoire collective…C’est un nom qui m’a plu, qui avait une consonance qui me plaisait, scandinave, un peu mystérieuse, étrangère. Des résonances de conte. Oui, ça m’a séduit et je trouvais que c’était un nom romanesque… et non pas romantique, c’est différent.

Animaux ? Pégase, Zaza?
Zaza a quitté ce monde… elle est allée rejoindre Nina dans les nuages. Elle existait encore il y a un an mais…

Animosité?
Des choses qui m’agacent? Je les oublie très vite les choses qui m’agacent, je n’en tiens pas registre alors je les oublie. Mais quand elles m’agacent, elles m’agacent beaucoup. Heureusement, elles ne durent pas.
Si… quelque chose que je trouve regrettable c’est parfois les gens qui s’approprient les surprises ….la surprise est quelque chose de fragile…et quand on répand des choses qui sont nouvelles ou inédites, comme ça, sur Internet, c’est un petit peu triste, je pense qu’on gâche aux autres la surprise de découvrir…à propos d’ une chanson ou autre…et je trouve ça dommage….ça me fait penser un peu à Proust qui louait sa mère qui ne lui disait jamais qu’elle lui amenait une lettre. Et ce qu’elle ne lui disait surtout pas, c’est qui avait écrit et donc sa surprise était totale. Ce sont des petits raffinements mais qui sont importants. Parfois, les gens s’approprient les surprises comme ça en les divulguant sur Internet et je trouve que c’est un peu moche. Pourtant, ce sont des gens de bonne volonté parce que ce sont des gens qui m’aiment mais…

Mentor(s) :
Auxquels je pense effectivement quand je fais une chanson par exemple… c’est ça ce qu’on peut appeler un mentor, non? Et en même temps c’est une image que j’ai d’eux qui n’est peut-être pas tout à fait réelle mais c’est pas grave, ce sont des mentors que je me suis créés moi-même, qui sont quand même vivants…. Il y a notamment Joseph Racaille. En fait, ce sont souvent des gens avec qui j’ai travaillé. Et puis, aussi, occasionnellement, quand je sais que quelqu’un a écouté une de mes chansons, je me repasse le texte me mettant dans ce que j’imagine être sa peau… vous voyez ce que je veux dire?

Monomanie(s) usuelle(s) :
Beaucoup, beaucoup. Il y a suffisamment d’espace dans la conscience pour qu’elles s’immiscent.

Hypocondrie, narcissisme ou schizophrénie, paresse ( Vous avez dit :  » le yukulélé peut être un truc de paresseux »)?
Euh… je peux être hypocondriaque, mais ce n’est pas quotidien.
Si j’ai un symptôme, j’imagine le pire. Par exemple, ma phlébite. Vous ne la connaissez pas cette histoire ? Un jour, j’étais à Lyon et ça faisait quelques temps que j’avais mal au mollet et voilà que je le regarde ( je raconte cette histoire parfois sur scène ) et je vois une petite boule qui est entourée d’un cercle bleu donc bon, je m’en vais, je sors de l’hôtel, je passe devant une pharmacie, j’y rentre et là je montre ce machin à une pharmacienne qui me dit qu’il est préférable de consulter. Elle me trouve une jeune femme qui débutait dans la profession et qui remplaçait le professeur; elle était susceptible de me recevoir à l’heure du déjeuner donc j’y vais et, comme souvent les jeunes médecins ,elle a fait un diagnostic terrible (rires). Elle me dit: « suspicion une phlébite ! Donc prise de sang, un doppler pour être sûr enfin bon…vous imaginez… bas de contention et je devais jouer le soir à Grenoble quand même! Je vous passe un certain nombre d’épisodes cocasses…. parce que c’est plein de cocasseries et de ridicule cette histoire…..Bref, je m’étais fait un bleu en dansant la saint-jeannaise à chaque concert depuis un mois.

Bon, voilà, j’ai quand même cru que j’allais mourir…

Citation de chevet :
Oh la la, il y en a quelques unes ! C’est parfois des paroles de chansons, de Charles Trénet par exemple…. « pas besoin de lait d’ânesse pour retrouver jeunesse ».

Thomas Fersen, êtes-vous un dandy moderne? A quoi devez-vous, selon vous, ce qualificatif récurrent? A un charme rugueux associé à un flegme sous peau, à cette élégance barbue sous un grand chapeau à plumes ? ou au fait que vous êtes le spécialiste des mots farfelus et que peu de chanteurs osent le verbe désuet dans leurs textes ?
Vous avez déjà répondu…
Je me doutais que vous alliez répondre cela. Vous acquiescez donc à cette définition complète?
Ecoutez, je ne sais pas très bien ce que c’est qu’un dandy, c’est peut-être ça qui fait de moi un dandy. Je n’ai pas le sentiment de… enfin si, il y a une certaine élégance bien sûr, j’essaye de ne pas être trop lourdaud mais enfin, je suis quand même quelqu’un qui a des origines de terre, à travers mes parents… même si ça n’empêche pas qu’on peut être élégant. Et puis vous posez une question qui a bousculé ma modestie, qu’est-ce que vous voulez que je réponde?

« Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir » – Baudelaire, Mon cœur mis à nu. Quel rapport avez-vous avec le miroir, Thomas ?
Je ne sais pas… j’ai été narcissique à la fin de l’adolescence et je pense que c’est un trait de l’adolescence mais ça m’a passé il y a longtemps.

Votre dernier album présente un personnage excentrique de contes de fée, un voyageur intemporel…..une presque licorne, des ballons multicolores….votre valise vous procure donc d’aussi délicieuses sensations d’évasion ? Êtes-vous amateur de voyages ou simple jouisseur du caractère bohème de votre métier ? Cette pochette onirique vient-elle tirer la langue aux thèmes triviaux de vos textes?
Je pense effectivement que j’aime le déplacement: j’aime le train qui démarre et dans ce moment-là j’ai un sentiment de liberté, enfin… illusoire sûrement. J’ai l’impression de faire l’école buissonnière voilà. Et il y a toujours de la fraîcheur dans ce moment-là, c’est pour cela que j’aime ça. Je ne suis pas vraiment un voyageur non plus puisque je fais des voyages intérieurs, c’est à dire que je vais de l’intérieur d’une maison à l’intérieur d’un taxi, d’une gare, d’un train, puis à nouveau d’une voiture, d’une salle de spectacle.
Voyez c’est un voyage intérieur , je n’arpente pas, je ne voyage pas pour l’oeil en tous cas.

Vous n’êtes donc pas boulimique de nouveaux horizons, de nouveaux paysages?
Non, j’apprécie mais au hasard. Ce n’est pas ma motivation initiale. Quant au caractère onirique, il faut l’attribuer aussi à Jean-Baptiste Mondino parce que c’est quelqu’un qui est toujours de plein pied avec le mythe, sans le savoir; c’est comme ça, c’est inné chez lui et il fabrique cela à chaque fois qu’il fait une image.

Mais cet univers onirique, vous le choisissez ensemble tout de même…
Tout à fait. Je lui présente des accessoires et on choisit ensemble. Il m’en offre, m’en amène. Le thème du disque, c’est la fuite aussi. C’est un thème qui est grave mais comme souvent, je le traite avec légèreté, à travers le baptême de ma valise notamment…

Que vous apporte le travestissement ? Vos croque-morts, corbeaux, assassins et chauve-souris écervelée d’amour ne sont pas sans donner à vos compositions une dimension de légèreté macabre qui rappelle l’univers de Tim Burton…. L’idée vous aurait-elle séduite de jouer un allié d’Alice au pays des merveilles qui sort prochainement?
Je pense que j’ai toujours eu le goût du costume; c’est ma mère qui me l’a donné parce qu’elle nous cousait des vêtements avec du tissu. Quand j’ai commencé à être chanteur, je n’y avais pas recours mais c’est venu naturellement. En créant des personnages, j’ai eu besoin de les incarner sur scène et également de les habiller. Quant à la dimension et l’univers macabre, c’est une esthétique. Je pense qu’elle ne m’appartient pas , elle n’appartient pas non plus à Tim Burton, ça a toujours existé, c’est assez ancien et elle était déjà présente dans les livres de Michel de Ghelderode par exemple.

C’est une esthétique qui vous interpelle parce que…
C’est une esthétique . C’est une imagerie. De même que j’ai pu utiliser celle des animaux, des objets, de la nourriture ou des prénoms de femmes , il y a celle de la mort.Voilà: c’est une imagerie que j’utilise pour raconter une histoire.

Si vous deviez être un personnage de roman, lequel serait-ce ?
Celui que j’incarne le mieux quand je lis; celui qui a une histoire extraordinaire avec une jolie femme, toujours.

Pas de nom particulier à citer?
Ah non ! C’est toujours un renouvellement permanent. C’est amusant ça d’ailleurs….comme on peut être amoureux des héroïnes. Il y en a toujours une dans les histoires. Enfin presque toujours. Un personnage qui raconte et qui parle à un moment donné de son héroïne. J’en ai un en tête justement parce qu’ il y a déjà quelques temps, je cherchais quelques renseignements dedans. Dans Le rivage des Syrtes de Julien Gracq, il y a une héroïne, elle s’appelle Vanessa, je crois . Il y en a toujours une, il y a toujours une femme et à un moment il la rencontre et…elle est toujours un peu spéciale, idéalisée.

Donc le personnage de roman se construit en contrepoint de sa relation amoureuse?
Entre autres. En tous cas, ce sont toujours les meilleurs chapitres.

« C’est une sorte de cocasserie de mettre des mots dans des chansons alors qu’on ne les y attend pas vraiment. » Comment écrivez-vous une chanson? D’où part l’impulsion ? Et quel est le secret d’une chanson réussie?
je pense que l’essentiel dans une chanson, c’est la forme. Et même quand une chanson a un fond très émouvant, l’émotion est là parce que la forme prédomine. Une chanson très émouvante pour moi, c’est une chanson comme « Avec le temps » de Léo Ferré. Et la forme est là. Oui, la forme prédomine vraiment sur le fond.
Quand j’ai la forme, j’ai déjà fait une grande partie du travail. Après il ne me reste plus qu’à la remplir cette forme; Et je peux avoir du fond mais on ne part jamais du fond, c’est pour ça que lorsqu’on veut faire une chanson engagée, si on n’a pas la forme, on peut faire tout ce que l’on veut, il n’y a aucun impact. C’est nul, ça ne marche pas quoi, il faut trouver la forme; et quand je dis la forme, c’est la forme littéraire évidemment.
Souvent l’impulsion part au cours d’une conversation, d’une pensée que j’ai. Souvent mon esprit a des réflexes de désobéissance et procure des idées, des décalages qui, à force d’insister, fondent mon identité en tant qu’auteur. Et mon esprit a cette « visualité » – là davantage en journée que le soir et le matin, par exemple, un mot , une phrase et mon imagination bondit.
Voilà comment je fais mes chansons, ça part comme cela.
Et pour ce qui est de la musique….j’essaie de retrouver celle de mon texte sur le piano,la guitare ou un autre instrument. Parfois je fais la musique avant, je cherche et en même temps cette musique m’évoque déjà une histoire ou une ambiance ou ce que j’ai envie de raconter, plus ou moins macabre, plus ou moins léger ou comique…
Il y a deux façons évidemment, de faire la chose; soit en attaquant par le texte, soit en attaquant par la musique sachant que par la musique, c’est difficile. Mais pas impossible. Parce que la langue française est musicale et qu’elle ne rentre pas dans un schéma de musique préexistant, il faut trouver quelque chose qui lui va. La langue française a une musique interne, il est donc difficile de lui en imposer une autre.

Êtes-vous un pied de nez ostentatoire à l’appauvrissement consternant des paroles de la scène française ? Êtes-vous un croisé du dictionnaire? Avez-vous d’autres compagnons de cause à nous citer ?
Je ne suis pas de formation littéraire, je n’ai pas fait d’études de lettres, j’ai fait des études d’électronique. Je suis juste imprégné et donc j’ai simplement le goût du langage. J’aime la conversation, j’aime l’esprit, j’aime lire et à partir de là j’écris d’une certaine façon mais c’est une question de goût.
Après je fais beaucoup de fautes d’orthographe (rires), j’ai des problèmes avec la concordance des temps mais j’aime le langage.
Quelqu’un que j’aimerais citer? Loïc Lantoine.

Y-a-t-il des mots challenge, de ceux que vous n’avez pas encore réussi à mettre dans une chanson ?
En effet, il y a des mots challenge qui ont des rimes extrêmement rares. Par exemple: barbe. Barbe ne rime qu’avec rhubarbe et avec la ville de Tarbes. Alors moi j’ai trouvé quelque chose mais je n’ai jamais réussi à le placer dans une chanson et j’étais amusé d’entendre une très ancienne chanson de Charles Trénet qui s’appelle La femme poisson où l’on apprend que la tante du personnage était femme à barbe et que son cousin tenait une maison de plaisir près de Tarbes. C’est amusant parce que les rimes improbables, les mots improbables dans une chanson, amènent une étincelle de malice, une légèreté qui fait du bien.

A part barbe, pas d’autres mots qui frémissent encore dans la tête de Thomas Fersen?
J’en note dans de gros agendas noirs qui sont mes ramasse-notes.

Un distique avec nyctalope, là, maintenant tout de suite ?
Nyctalope, ça a à voir avec quelqu’un peut voir dans la nuit? Ben, vous voyez, nyctalope, moi, je ne le mettrai pas dans une chanson. Parfois j’utilise des mots qui n’ont pas un sens très connu mais qui pourtant sont dans le Robert, dictionnaire que j’utilise pour vérifier l’âge du vocabulaire et l’usage des mots. Je n’utilise pas des mots qui ne sont pas dans le Robert. C’est pour cela que je n’emploie pas un vocabulaire désuet. Bon, je me rends bien compte que j’utilise des mots qui sont d’un langage moins courant donc je les aide. Par exemple, si je veux utiliser nyctalope, dans le vers précédent, je dirai « tu vois la nuit et comme tous les nyctalopes »… enfin voilà, en gros..
Mon but, quand même, c’est d’être accessible et d’avoir une prise directe sur la conscience de la personne qui va l’écouter donc je ne veux surtout pas utiliser des mots dont je suis à peu près sûr que le sens n’est pas répandu.
Je ne suis pas un savant: je suis un imprégné, je n’ai pas fait de lettres et je sais donc très bien à quel point un mot peut-être connu ou pas connu.

Le dernier album sur une valise c’était un défi, une provocation ou maintenant que les ronds de carotte sont cuites, que le jour du poisson se noie dans les grands jours de la maturité, que deux et deux font quatre en triplex, il était temps de rendre honneur aux compagnons de route, Germaine, les douaniers, le Ukulélé …?
Sans doute. Vous savez tout est parti de cette idée du baptême d’un objet. C’est quelque chose qu’on fait dans ma famille, enfin que mes parents faisaient; ma soeur avait un appareil dentaire qui s’appelait Léon. Le fait d’attribuer un nom est quelque chose qui est intime ; cela fait parti de mon folklore personnel et légitime ma chanson.

En concert, on entend d’autres chansons sur le même thème qui n’apparaissent pas sur l’album…frustration de ne pas avoir pu toutes les mettre sur l’album?
Pas seulement. L’album n’est pas tout. L’album , c’est quoi au final? Quelqu’un fait des chansons, on en choisit quelques unes et on les met sur un disque. C’est comme ça au départ. Bon autrefois, les vieilles chansons étaient créées sur scène. Je pense que maintenant ce que le disque est devenu fait que la création d’une chanson sur scène est à nouveau d’actualité. Quelque chose d’important. Quelque chose de temporel… la chanson continue d’exister dans le spectacle et par le public.
En fait, il y a des chansons que j’ai fait à Montpellier qui ne sont pas encore sur un disque et qui n’y seront peut-être jamais.

On retrouve un concombre dans Trois petits tours… Jean Cocteau disait : « Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement.
Inutile de chercher au loin des objets et des sentiments bizarres pour surprendre le dormeur éveillé. C’est là le système du mauvais poète et ce qui nous vaut l’exotisme. 
Il s’agit de lui montrer ce sur quoi son cœur, son œil glissent chaque jour sous un angle et avec une vitesse tels qu’il lui paraît le voir et s’en émouvoir pour la première fois. 
Voici bien la seule création permise à la créature. » Cette définition correspond-elle à votre esthétique poétique?
Ce que je pense, c’est que ce texte de Cocteau ,qui est admirable, est un constat. De toutes façons, sur la poésie, on ne peut faire que des constats a posteriori. Parce que la poésie, ça ne décrète pas. On ne peut pas savoir avant.

Changeons d’époque et d’album….dans quelle mesure avez-vous participé au clip de Hyacinthe, de Deux pieds, de Monsieur est un assassin ? Ces clips d’animation , est-ce une idée de vous ? Pourquoi ?
Hyacinthe, je suis allé chercher Joann Sfar dont j’ai connu le travail, je dirais en 2005, j’avais déjà lu Le chat du rabbin mais je n’avais pas fait l’association avec ce personnage que j’étais en train d’écouter à la télévision, un jour, à l’hôtel, en tournée et je trouvais que ce garçon disait des choses brillantes. Et petit à petit, au cours de l’émission (comme quoi, parfois, la télévision, ça peut être bien), j’ai compris que c’était lui qui avait fait Le chat du rabbin et ce qu’il disait m’encourageait à découvrir d’autres choses qu’il avait faites, et quand il a été question de faire un clip pour la chanson de Hyacinthe, quand la maison de disques m’a demandé si j’avais une idée j’ai proposé de faire une animation avec lui . On a fait par la suite un concert à Angoulême où il illustrait mes chansons par un dessin. Il les illustrait par un dessin ,filmé et projeté sur un grand écran.
Deux pieds, c’était la volonté d’arrêter de faire la potiche dans les clips. C’était avant Hyacinthe. On m’a présenté Jérôme Combes et André Bessy et on a fait ce clip dans lequel était utilisé la technique du « motion picture ».

Vous semblez un habitué des concerts acoustiques. Vous avez fait une (plusieurs?) tournée avec votre ukulélé. Privilégiez-vous les sons épurés pour que glisse, fluide, l’essence musicale de la corde dans le tympan ou était-ce plutôt une volonté d’intimité plus forte avec le public?
J’aime les deux, c’est à dire que j’alterne les tournées avec des formations plus musclées disons et puis parfois des concerts acoustiques avec des sonorités différentes mais toujours quand même très dynamiques. J’aime changer surtout.

Enfin… deux questions suite au concert lors des Internationales de la guitare de Montpellier auquel j’ai assisté. Y-a-t-il un nouvel album en cours? Avec un Billy the kid, un squelette de la foire du trône? La forme et le ton m’ont d’abord fait penser à un répertoire enfantin mais quelques détails coquins ont pervertis mon impression première? Sur quelle(s) ambition(s) s’écrivent ces textes?
Ah…. mais j’essaie toujours de faire en sorte qu’il y ait plusieurs lectures. C’est vrai que j’ai dit au début de l’interview que Thomas Fersen, c’était du romanesque plutôt que du romantique mais là je suis en train de faire des choses plus romantiques dans le sens littéraire du terme c’est à dire que je ne vais pas raconter des histoires de couples qui courent sur une plage mais des histoires de manoirs et d’ombres et de fantômes. Du romantisme français du milieu du XIXème.

Le superbe texte que vous déclamez en concert en est un avant-goût?
Non, attendez que je réfléchisse… est-ce que ce n’est pas plus ancien? Non, ce romantisme avait déjà germé avant, dans la Chauve-souris, il y avait déjà un peu de ça par exemple.
Donc un prochain album qui se prépare tourné vers ces thèmes romantiques?
Du romantisme oui… je pourrai aussi citer du Théophile Gautier. Oui, vous savez toutes ces nouvelles qu’il a écrites, la Morte amoureuse par exemple.

Je vous avais fait parvenir une nouvelle de Dino Buzzati nommée Crescendo et composée de plusieurs tableaux successifs évoquant le cauchemar fantasmagorique d’une vieille fille. En résurgence et en crescendo, les angoisses les plus folles liées à la création d’un être monstrueux l’assaillent. Qu’en avez-vous pensé?
Oui, je l’ai lu et effectivement, j’ai senti quelque chose de familier dans cette dilatation du réel vers le fantastique.

Un grand merci, Thomas Fersen

rédits Photos – Valérie Mathilde

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