La Seconde Guerre Mondiale n’a jamais quitté la BD

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Par David Iddbd – En partenariat avec les agents littéraires.fr / Retour sur soixante ans de création artistique. Des illustrés pour la jeunesse de la Libération aux mangas d’aujourd’hui, la Seconde Guerre mondiale n’a jamais quitté les vignettes de nos bandes dessinées. Depuis plus d’un demi-siècle, auteurs et illustrateurs s’inspirent des figures et des symboles forts de cette période insurrectionnelle et en nourrissent notre imagination. Pour la première fois, historiens, journalistes et spécialistes du 9ème art interrogent au fil du temps et des albums l’image du résistant.

De Marouf, sorte de Thierry la Fronde anti-allemand, à l’anthropomorphisme de La Bête est morte, de Coq Hardi au Téméraire, de Vaillant à Pif Gadget, des
petits formats conservés à la Bibliothèque de Lyon aux histoires complètes, des petits traits tirés sur le passé à la loi sur les publications à destination de la jeunesse de 1949 ; plus de 70 ans après la débâcle française de 1940, des historiens, des journalistes mais aussi des professionnels des musées et des bibliothécaires se sont penchés sur la Résistance dans la bande dessinée. De ce travail commun est né à la fois une exposition, fruit de la collaboration entre le Musée de la Résistance Nationale (MRN) et le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, et cet élégant recueil de textes.

Longtemps considérée comme de la sous-littérature, le 9e art a souvent démontré toutes ses qualités en matière de communication. De nos jours, c’est l’aspect publicitaire qui vient immédiatement à l’esprit. Les amateurs de Gaston Lagaffe se souviendront longtemps des publicités pour des orangeades, lebus, les appareils photos ou, plus noblement, l’UNICEF. Mais c’est oublier un peu vite l’époque pas si éloignée de l’utilisation de la bande dessinée comme outil de propagande politique. Et sur ce point, la France des années 40 et plus tard celle de la reconstruction ont été des époques particulièrement exemplaires.

Outil capable de synthétiser texte et dessin, de s’adresser aux marges les moins instruites de la population, la bande dessinée – mais il n’est pas le seul média – a fait l’objet d’un traitement bien particulier dont les conséquences ont longtemps résonné dans le paysage éditorial de la seconde moitié du 20e siècle. Ce recueil est intéressant pour son approche historique. Ainsi, on découvre comment la loi sur les publications destinées à la jeunesse (1949) a freiné le développement d’une bande dessinée se démarquant du simple public enfantin. On voit la naissance et la mort des revues de publication, l’évolution notable de Vaillant vers Pif, les petites magouilles qui ont permis à certains journaux et auteurs (et non des moindres car, dans le lot nous avons quand même le papa de la ligne claire) de faire oublier leurs petites collaborations ou de se garantir des livraisons de papier (denrée rare dans l’après-guerre). On découvre les journaux résistants et les collaborateurs (parfois changeant au cours du temps), les grandes figures comme Marijac et les premiers films d’animations européens (belges). On voit comment chaque camp a tenté de forger les esprits à coup de caricatures et de grandes figures tutélaires, puis comment on a essayé de faire croire à une France unie contre l’ennemi durant l’occupation. On y voit l’omniprésence de la Résistance puis son oubli avant un renouveau édulcoré. Bref, à travers ce livre, c’est non seulement l’image des partisans que l’on découvre mais aussi celle de toute une société, une nouvelle société née des décombres de la guerre. A l’image de la France (et de la Belgique), la bande dessinée se relève et les cartes sont redistribuées.

Mais les auteurs de Traits Résistants ne se sont pas simplement contentés d’évoquer le passé, ils ont tissé des nombreux liens avec une création contemporaine qu’ils citent assez régulièrement (Gibrat notamment). Un chapitre spécial est même consacré au travail de Stéphane Levallois autour de l’album La Résistance du Sanglier contant la vie de son grand-père résistant. Un chapitre montrant toute l’importance du devoir de mémoire. On peut également y découvrir les oeuvres des auteurs invités à travailler sur le sujet pour l’exposition.

En tant que bibliothécaire, j’ai également beaucoup apprécié le texte de Henri Champanh et consacré au dépôt légal et la conservation des petits formats à la Bibliothèque Municipale de Lyon… mais bon, là, c’est un peu subjectif.

Pour conclure, Traits Résistants est un très beau travail d’érudition qui saura passionner les plus férus d’Histoire de la bande dessinée. Pour les autres, la lecture pourrait être un peu plus complexe même si les nombreux chapitres abordent des thèmes pouvant être lus pour eux-mêmes. De plus, il est important de souligner la très grande qualité d’édition de l’ouvrage, ce qui facilite grandement sa lecture.

Bonus : Traits résistants « La résistance dans la bande dessinée de 1944 à nos jours »

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