Sébastien Pérez :  » Je suis un grand rêveur »

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Propos recueillis par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/ Interview de Sébastien Pérez, auteur jeunesse.
Depuis quand racontez-vous des histoires?
En fait, je suis un grand rêveur et je m’invente des histoires depuis que je suis tout petit. Je n’ai commencé à les coucher sur papier et à les partager que depuis peu. Mon premier essai a été Destins de Chiens.

Pourquoi avoir choisi le public enfantin?
L’album jeunesse est un univers que m’a fait découvrir Benjamin Lacombe. Je m’y suis senti à l’aise car j’y retrouvais mes propres problématiques d’enfant et je pouvais les exprimer sous des formes très variées. C’est aussi un âge clé où il est possible de faire passer des messages importants.

Comment travaillez vous avec les illustrateurs?
Je travaille toujours main dans la main avec les illustrateurs. J’essaie de leur écrire des textes qui leur correspondent, les touchent et leur ressemblent, autant qu’à moi. Pour Le Journal de Peter, par exemple, c’était une volonté de Martin Maniez et moi-même de faire un format journal intime. Et durant toute la réalisation du livre, nous avons échangé nos points de vues, en instaurant un dialogue mots-images. A la fin, il y a forcément beaucoup de nous deux.
Avec Benjamin, nous allons encore plus loin puisque nous écrivons fréquemment à deux. Probablement parce que nous aimons aborder les mêmes thèmes. Avec le dernier livre que nous faisons ensemble et qui sortira chez Albin Michel en octobre, je me suis aperçu à quel point nous étions complémentaires ; chacun amenant sa propre sensibilité et sa vision des choses. Je me nourris aussi énormément de son univers visuel.

Dans Destins de chiens, pourquoi avoir choisi le genre poétique? Il vous était familier ouDestins de chiens vous vouliez donner l’impression de lire des épitaphes?
Il n’est pas facile de parler de la mort. Les rimes se sont un peu imposées d’elles-mêmes lorsque j’ai écrit Destins de chiens, comme pour adoucir le tout et rendre musicales ces petites histoires un peu noires.

Vous êtes aussi l’auteur de Généalogie d’une Sorcière: est-ce un personnage de conte qui vous fascine tout particulièrement? Quelle grande sorcière vous fascinait étant petit? Et aujourd’hui?
L’image commune de la sorcière est la vieille femme au nez crochu, qui jette des sorts. Les sorcières dont nous parlons (Généalogie d’une sorcière est une co-écriture avec Benjamin Lacombe) ne rentrent pas dans ce cliché. Ce qui nous intéressait était de comprendre ce personnage, ce qu’il a vécu et de lui donner une consistance psychologique. Il y a trois sortes de sorcières dans le Grimoire de Sorcières : les sorcières de contes, des femmes ayant réellement été considérées comme sorcières (et brûlées comme telles) et celles que nous avons inventées.
Leonora Dori par exemple, était une femme très intelligente, voire un peu trop pour son entourage. Elle était devenue si influente que le seul moyen de la contrer fût de la faire passer pour une sorcière. Elle fût brûlée en 1617.La première sorcière, la mythique Lilith, a quand même été rejetée car elle n’était pas suffisamment soumise à Adam.
C’est souvent la condition féminine qui est mise à mal… La femme trop intelligente, trop belle, trop en avance sur son temps ou bien tout simplement rousse, attire les foudres de ceux que ne les comprennent pas.
Thomas le magicienJ’ai une affection toute particulière pour Malvina, qui, traumatisée par la jalousie de sa propre mère à son égard devient une « sérial killeuse » de femmes plus belles qu’elle. Jusqu’à sa rencontre avec Blanche Neige qui changera la donne. Ce fût très amusant de détourner ce conte et d’imaginer l’histoire du point de vue de la sorcière.

Dans La funeste nuit d’Ernest, vous racontez une nuit de cauchemar. Aimiez-vous avoir peur tout petit?
Justement non… j’étais très craintif. Si regarder un film d’épouvante ne m’a jamais posé de problème, me retrouver seul dans un cimetière en pleine nuit, comme Ernest, m’aurait terrifié, sans trop y prendre plaisir. Ecrire sur la peur, comme écrire sur la mort, c’est aussi le moyen de la contrer.

Cherchez-vous dans chacune de vos histoires à insérer une « morale »? Pensez-vous que cela soit indispensable dans un album jeunesse?
Une morale, c’est un peu fort. Je parlerai plutôt de messages. J’aime à penser qu’en refermant un livre, le lecteur, aussi bien enfant qu’adulte, aura retenu quelque chose. « Le Bal des Echassiers », mon prochain livre à paraître au Seuil en octobre, est un conte écologique. Je n’ai pas voulu juger et culpabiliser, mais juste faire prendre conscience de l’impact de notre vie d’Homme sur l’environnement et les animaux. Je trouve qu’il est important que les enfants sachent que ce qui peut leur sembler anodin dans leur vie de tous les jours peut avoir des conséquences désastreuses et qu’il faut ouvrir les yeux.
Le livre est illustré par Paul Echegoyen, un excellent illustrateur que j’ai eu la chance de rencontrer au Salon du livre jeunesse de Montreuil, il y a presque deux ans.

La plupart de vos personnages sont au départ rejetés ou malmenés par les autres, en tous cas marginaux, je me trompe?
Les personnages se cherchent, c’est vrai. Mais n’est -ce pas le cas des jeunes enfants ? Il faut trouver sa place parmi ses frères et soeurs, à l’école, etc… C’est une constante réflexion et ce n’est pas si simple.
Thomas le magicien, par exemple, n’avait pas imaginé être autre chose qu’un inventeur, comme lui dicte « Edison », son nom de famille. Et il s’obstine dans ce mimétisme plutôt que de se construire lui-même. Heureusement, il finira par y parvenir. Nous subissons tous quelque chose, finalement, des influences des parents, des médias, etc…, dont il faut un peu se détacher pour devenir soi-même.

Corps de ballerineDans Thomas le Magicien et Corps de ballerine, tout se finit bien en…cuisine! Seriez-vous un peu cuisinier? ou tout simplement gourmand?
Les deux. J’aime beaucoup manger et cuisiner aussi. C’est également le cas de Clément Lefèvre pour qui j’ai écrit Thomas le magicien.

Elodie souhaite un corps de ballerine et malmène sa santé: l’envie d’appuyer le doigt sur un danger qui menace les jeunes filles?
Dans notre société, il y a un stress énorme mis sur les enfants vis à vis de leur alimentation. Mais savent-ils vraiment où ils se situent et comprennent-ils vraiment ce qu’ils doivent faire ? Pour Corps de Ballerine, j’ai travaillé à partir de lettres que m’avait données Jeannine de Cardalliac, l’éditrice de Max Milo. Elles témoignaient de la souffrance de ces jeunes filles qui recevaient tellement de pression de la société, qu’elles ne savaient même plus si elles étaient en sur-poids ou non.
Elodie vient d’une famille de bons vivants et pour elle, il est évident qu’elle est en surpoids et elle voit s’envoler son rève de devenir petit rat de l’opéra. Alors qu’elle est toute maigre… J’espère pouvoir leur faire prendre du recul avec Corps de Ballerine.

Souhaitez-vous montrer que derrière les rêves d’enfant se cachent des plaisirs plus accessibles et auxquels il faut sensibiliser les plus jeunes pour qu’ils soient heureux en grandissant?
J’aimerais que chaque enfant réussisse à trouver son équilibre et qu’il s’épanouisse dans sa propre voie, sans forcément suivre celle que les adultes ou la société espèrent pour lui. Qu’il soit ouvert à tout, l’essentiel est d’y prendre du plaisir, effectivement.

Vous êtes-vous trompé vous aussi? Avez-vous imaginé une carrière qui n’était pas celle quiLa funeste nuit d'ernest vous correspondait?
C’est exact !

Parlons pour finir de ce Rossignol qui veut avoir des amis et qu’on accepte sa singularité….l’aviez-vous imaginé tel que Benjamin Lacombe l’a dessiné?
Benjamin l’a dessiné exactement comme je l’imaginais. L’ambiance mélancolique, la nostalgie, la solitude. Tout est là ! Il a voulu ajouter en plus cette belle référence à Jacques Tati, qui collait si bien à l’histoire.

Ce Rossignol, c’était l’envie de plonger dans la nostalgie des vacances en colonie?
Je n’ai jamais été en colonie de vacances. C’était l’occasion pour moi de les découvrir. J’ai imaginé que, pour Rossignol, ce bol d’air près de la mer serait une belle occasion pour lui de se lancer et d’amorcer un changement dans sa vie.

Rossignol, ça pourrait être ….vous?
Pour être plus précis : C’est moi.

Enfin, quelles actualités pour cette suite d’année 2011?
Je sors deux livres pour la fin d’année. L’un au Seuil, avec un très bon illustrateur, Paul Echegoyen, quiRossignol réalise des décors magnifiques au crayon. C’est un conte écologique… un peu fantastique.
L’autre chez Albin Michel, avec Benjamin Lacombe. Un livre très particulier, dans la lignée du Grimoire de Sorcières, qui est aussi une co-écriture. Benjamin s’est surpassé et a réalisé des images magnifiques et très surprenantes.

Crédits illustration : MaxMilo : Benjamin Lacombe-Destins de chiens et Justine Brax (Corps dela funeste nuit d’ernest ballerine) – Editions sarbacane: Benjamin Lacombe ( La funeste nuit d’ernest) – Editions Seuil jeunesse: Benjamin Lacombe – Rossignol et Thomas le Magicien

Seb Pérez

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