Entre Tempête et Songe, une nuit au Printemps avec Shakespeare

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Par Julie Cadilhac- PUTSCH.MEDIA/ Crédit-photo: Loll Willems/ Une pièce magistrale, La Tempête de Shakespeare, qui débute par un puissant orage en mer déchaîné par un esprit malin. Une scénographie épurée, des ronds de lumière pour seul décor, une obscurité basse et lourde qui pèse comme un couvercle. Une scène d’exposition selon les règles de l’Art: Prospero, drapé d’un long manteau de nuit, et sa fille Miranda ,vierge blanche et pure, forment un duo solide contre l’adversité qui les a menés quelques années plus tôt sur une île peuplée d’esprits et de bruits séraphiques. Georges Lavaudant divise cette pièce en trois univers distincts qui ne se mélangeront jamais: celui de Prospero d’abord, chassé du trône par son frêre félon, et d’êtres purs tels qu’Ariel, son fidèle serviteur, esprit de l’air, mais aussi Miranda et Ferdinand, couple d’amoureux incarnant une grâce et une délicatesse divines. Celui, ensuite, d’un ensemble cher à l’esthétique shakespearienne: deux bouffons, avinés et plaisantins, qui forment avec l’affreux Caliban, monstre aux doigts crochus, un trio comique qui aspire naïvement à renverser le maître de l’île et ajoute, par ses costumes et ses répliques cocasses, une couleur criarde qui tranche d’avec le dessein sombre de vengeance de Prospero. Enfin, l’univers du roi de Naples et de ses fidèles courtisans – habits dorés et visages poudrés – qui se dessinent et se meuvent sur un fond bleu éthéré qui leur confère des airs de fantômes. Cinq clowns blancs aux apparats royaux qui ne manquent pas d’amuser la galerie par l’excentricité de leurs coiffures, leur sinistre capacité à se trahir les uns les autres et leurs mimiques burlesques…pourtant leur présence, s’invitant toujours dans un ballet de jambes et d’épaules mimant leur douloureuse marche, révélant des personnages perdus au sein d’une île qui les angoisse, charge systématiquement le plateau d’une solennité presque lugubre. Alors Georges Lavaudant a imaginé une diversion exquise au réglement de comptes de Prospero ( qui tourne cependant à la La tempête - Georges LavaudantComédie lors du dénouement!) en invitant quelques scènes du Songe d’une nuit d’été, peuplé également d’esprits farceurs, en plein coeur de la Tempête. Deux pièces qu’à peine quinze ans séparent, deux oeuvres où le grand dramaturge a imaginé les créatures les plus merveilleuses: l’opportunité fantastique de montrer mieux encore les ressorts dramatiques de l’oeuvre shakespearienne. Soudain, une pelouse parsemée de fleurs sauvages s’improvise et Thésée, armé d’un énorme cigare, décide du sort de la belle Hermia. Tranchant avec l’atmosphère sombre de la Tempête, les deux jolies athéniennes Hermia et Helena ont des robes de couleur vive et le coeur empli d’amour tendre, Titania et ses fées s’adonnent dans la forêt à des soirées délirantes sur des musiques pour le moins surprenantes tandis qu’une troupe de piètres comédiens amateurs réduit la représentation tragique de Pyrame et Thisbée à une farce à hurler de rire… On applaudira entre autres la prestation remarquable d’André Marcon, les hennissements et les pitreries de Pascal Rénéric, l’interprétation cumulée de la douce Thisbée et du boute-en-train Trinculo par Jean-Philippe Salério, l’émotion portée par le couple Miranda ( Janaïna Suaudeau) – Ferdinand (Clément Bertani)….on saluera aussi le travail de traduction et d’adaptation de Daniel Loayza, les costumes de Jean-Pierre Vergier et les coiffures de Jocelyne Milazzo et on félicitera l’ensemble de l’équipe pour cette pièce fort réussie. Deux pièces shakespeariennes placées en miroir qui proposent au spectateur un nouveau songe où les esprits farceurs sont présents plus que jamais, où des fantômes  » grotesques, poétiques, pitoyables, énigmatiques » sont convoqués pour jouer une comédie dont Prospero est le metteur en scène menant le tout au rythme capricieux de sa baguette, où le théâtre est mis en abyme de façon jouissive, où l’amour reste le moteur et la solution pour toutes les réconciliations, où le déjanté embrasse le sérieux, les effets contemporains flirtent avec les textes du début du XVIIème siècle…bref, vous l’aurez compris, un EXCELLENT spectacle! Titre: La tempête… Auteur: William Shakespeare Mise en scène: Georges Lavaudant Traduction, adaptation: Daniel Loayza Avec François Caron, Julien Testard, André Marcon, Pascal Rénéric, Clément Bertani, Jean-François Lapalus, Manuel Le Lièvre, Loïc Emmanuel Deneuvy, Jean-Philippe Salério, Olivier Cruveiller, Janaïna Suaudeau, Astrid Bas, Adeline Zarudiansky, Marianne Téton, Irina Solano. Le 4 et 5 juin 2011 au Printemps des Comédiens, Montpellier.

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