Un roman qui tord le cou à l’humanisme mou

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Par Harold Cobert- Bscnews.fr/ Âmes sensibles, bonnes consciences, adeptes du premier degré, eunuques de l’ironie, du sarcasme et de l’humour noir : s’abstenir. Quoique… Ras-le-bol, au fond, de la bien-pensance lénifiante et dominante, des bons sentiments à la Marc Lévy, Guillaume Musso, Arlequin, décérébrés de Plus belle la vie et consorts, qui maintiennent les esprits dans l’obscurantisme ancestral du prince charmant et de sa princesse endormie se réveillant avec une haleine de rose après cent ans de ronflements. Fi donc de toutes ces billevesées dont on nous rabat les oreilles pour mieux nous formater, et donc mieux nous assujettir ! Car, cet humanisme mou qui triomphe aujourd’hui, confit de principes aussi débiles que « A chacun sa vérité », « Les goûts et les couleurs… », tralala, cet humanisme-là est en réalité extrêmement pernicieux, et même dangereux, tant il recèle, dans sa tolérance gélatineuse d’apparat, des relents de cruauté. En effet, si, selon le principe que la vérité est relative à chacun, que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, alors un homme ou une femme qui décide de décimer tout un peuple n’est pas blâmable, puisque que ce sont ses goûts et sa vérité, et que, de fait, ceux-ci ne se discutent pas, voire, pire, doivent être respectés. Dérangeant paradoxe et terrible retour de boomerang, n’est-il pas vrai ?
Point de ces beaux sentiments gluants et de cette moralité obscène dégoulinante chez Thibault Lang-Willar. Au contraire, il va gratter les croûtes de notre inhumanité pour regarder un peu la couleur du sang circulant en dessous. C’est là un autre paradoxe, et non des moindres : on ne saisit parfois jamais mieux ce qui constitue notre profonde humanité qu’en plongeant dans la pire des inhumanités. Les titres de certaines de ses nouvelles donnent le ton, à l’image de celui du recueil : « L’impact écologique de la décapitation », « Un pédophile au cœur d’or », « Ce morveux qui tirait la langue », pour ne citer qu’eux. Le pire – et donc le meilleur – est que c’est très drôle, voire touchant à bien des égards. On se surprend parfois à compatir au sort de la pire des crapules. Et c’est bien là le tour de force de Thibault Lang-Willar : nous faire toucher du doigt la banalité du mal et, surtout, son visage humain. Car il ne se présente jamais avec une queue de dragon et une fourche, les naseaux écumant de flammes. Il s’enracine dans des failles tellement humaines qu’elles pourraient être les nôtres. Comme dans La Chute, qui nous peignait un Hitler humain dans son intimité, « trop humain » s’insurgèrent certains, alors même qu’il s’ingéniait à détruire le peuple juif, ce Fauteuil pneumatique rose au milieu d’une forêt de conifères nous rappelle avec humour que le mal se cache souvent sous les traits de la normalité, que ces monstres pourraient être nous, et que rien n’est parfois plus humain que la plus atroce des inhumanités. On en sort plus humain. Dérangeant, hilarant, émouvant. Triplement salutaire donc.
Titre:Un fauteuil pneumatique au milieu d’une forêt de conifères Editions: Héloïse d’Ormesson Auteur: Thibault Lang Willar Prix:16€

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