Antoine Hervé : la leçon de Jazz

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Partagez l'article !Par Guillaume Lagrée – BSCNEWS.FR / Leçon de Jazz d’Antoine Hervé – Paris. Auditorium Saint Germain des Prés. – Vendredi 28 janvier 2011. 19h30 / Antoine Hervé: piano et Pierrick Pédron: saxophone alto. Cela commence par un Blues en si bémol  » Bloomdido  » (le nom d’un chien). C’est étrange d’entendre ce morceau […]

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Par Guillaume Lagrée – BSCNEWS.FR / Leçon de Jazz d’Antoine Hervé – Paris. Auditorium Saint Germain des Prés. – Vendredi 28 janvier 2011. 19h30 / Antoine Hervé: piano et Pierrick Pédron: saxophone alto.
Cela commence par un Blues en si bémol  » Bloomdido  » (le nom d’un chien). C’est étrange d’entendre ce morceau sans contrebasse ni batterie. Pierrick le joue fidèlement avec les accents qu’il faut. Pour les puristes, je conseille la version jouée par Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Curly Russell, Buddy Rich sur l’album  » Bird and Diz  » ( 1950). Le saxophone alto a pris son envol avec Charlie  » Yardbird  » Parker. Phil Woods, sax alto qui l’a bien connu, dit que Charlie Parker est un  » génie pur « . Parker était métis: père Noir, mère Amérindienne (Chocktaw). Il est né à Kansas City Missouri ville capitale du Jazz pendant la Prohibition ( le maire était en cheville avec la Mafia qui faisait jouer les musiciens dans les bars. Bref le Paradis des Jazzmen!)

 » Donna Lee  » une composition de Parker en hommage à une prostituée. La musique de Bird vole et tranche comme un rasoir. Belles variations du piano entre medium et grave. Ca swingue!
Bird commença le saxophone à 11 ans ce qui est tard. Il intégra l’orchestre de son école à 14 ans au sax baryton. Un jour à Kansas City lors d’une jam session, le batteur Papa Joe Jones lui lança sa cymbale aux pieds pour le faire taire. Alors Charlie rentra chez lui travailler son sax comme un fou. Quand il en sortit il n’était plus le  » Yardbird » (le  » bleu  » dans l’armée) mais Bird, l’oiseau du saxophone alto.

 » All the things You are  » une ballade sur laquelle tout Jazzman a improvisé. Ca se termine par cette fameuse coda jouée avec un son charnu, velouté du saxophone.
Charlie Parker a appris en regardant les doigts des saxophonistes ce qui est proprement ahurissant.
Ses influences: Coleman Hawkins, Lester Young pour le saxophone ténor, Johny Hodges ( de l’orchestre de Duke Ellington) pour le saxophone alto. Il a aussi étudié les musiques de fanfare et de cirque. Il a aussi écouté Marcel Mule, saxophoniste classique français.

 » Embraceable You  » (George Gershwin). C’est une ballade que Bird aimait jouer. Toujours le Blues derrière.

En 1937, il intègre l’orchestre de Jay Mac Shann à Kansas City, tourne, arrive à New York.
 » Au Privave  » un morceau d’inspiration latino mais toujours avec le Blues.
En 1939, il s’installe à New York. Pour écouter le pianiste Art Tatum, il devient plongeur dans le restaurant où joue Art.
Charlie Parker était drogué. Quand il arrêtait l’héroïne c’était pour mélanger alcool, tabac et médicaments. Son aura a fait que des jeunes musiciens ont cru pouvoir approcher son génie en se droguant aussi. Erreur fatale.  » Moose the mooche  » dédié à un dealer. Bird mettait son saxophone au clou pour payer ses doses. Dans les variations les plus sidérantes de Bird, il y a toujourds le Blues qui l’ancre dans la communauté noire américaine.
En 1942, il joue 8 mois avec Earl Hines le pianiste attitré de Louis Armstrong. Bonne école. A force de transformer des morceaux banals, il a inventé un style le Be Bop. Nouveau look, nouvelle musique, premier mélange de Noirs et de Blancs. Il crée une musique totalement différente du Swing, une nouvelle virtuosité.

 » Confirmation  » (Parker) un autre classique du Be Bop toujours joué aujourd’hui. Be Bop est le titre d’une composition de Dzzy Gillespie inspirée disait il par le  » bruit de la matraque du flic sur la tête du nègre ».
Antoine Hervé explique les innovations techniques du Be Bop au piano. Parker avait étudié la musique contemporaine. Il appréciait Debussy, Stravinski, Bartok. Par exemple, l’intervalle de quarte augmentée du Be Bop se retrouve chez Bartok: on passe du fa au fa dièse. La quinte diminuée c’est la même chose que la quarte augmentée. Pourquoi donner deux noms différents à la même chose? Au Moyen Age, la quarte augmentée était l’intervalle du Diable! Cet accord a donné sa couleur au Be Bop. Diminuer la quinte d’un demi ton revient au même qu’augmenter la quarte d’un demi ton. Démonstration au piano. Le saxophone ne joue pas des accords (plusieurs notes en même temps) mais des arpèges (une note après l’autre).
Au tour de Pierrick Pédron de jouer au Professeur Be Bopstein (un des noms de scène de Dizzy Gillespie). D’abord une phrase classique de Blues. Puis il les enrichit en installant des cadences. Exemple de cadence 2-5 la base du Jazz. Le style de Parker c’est l’accentuation, l’appui sur des croches. Antoine Hervé transforme la Marche turque de Mozart en Jazz. De même avec la Marseillaise. Une vraie patriote sort, choquée par le traitement réservé à l’hymne national de la République française. Elle ne doit pas apprécier Django Reinhardt, Serge Gainsbourg et la Marmite infernale non plus.

 » Cherokee  » transformation d’un standard par Charlie Parker. Ca commence à accélérer. Pierrick se lance et décolle. Antoine Hervé n’est pas en reste.
Enfin, le Professor Bop alias Antoine Hervé parle de Dizzy Gillespie et Miles Davis. Miles savait qu’il ne pouvait pas jouer comme Dizzy. Quand il joua avec Bird, il fit autre chose. De même pour Chet Baker, un petit Blanc qui va vous causer bien du souci disait Bird à Miles et Dizzy. Pour les cinéphiles, rappelons le film  » Bird  » de Clint Eastwood (1988) sur la vie et l’oeuvre de Charlie Parker. Miles Davis a refusé de le voir parce que c’est un film de Blancs. Que cela ne vous empêche pas de le voir ou le revoir.
Ils terminent par  » Now is the time  » que Prince jouait sur scène lors de la tournée  » Sign o’ the times  » en 1987.

Une bien belle leçon de Jazz. Mademoiselle F a révisé avec joie son solfège. Mademoiselle A est enchantée et reviendra avec des amies à la prochaine leçon de Jazz. J’y serai aussi.

Thème: Pat Metheny, guitariste
Invité: Manu Codjia, guitariste
Lieu: Auditorium Saint Germain des Prés à Paris
Date: lundi 14 février 2011 à 19h30

 » La première fois que j’ai entendu Bird et Diz jouer ensemble ce fut la plus forte émotion de ma vie habillé. Toute ma vie j’ai cherché à atteindre l’émotion que j’ai ressenti la première fois que j’ai entendu Bird et Diz ensemble. Je m’en suis parfois approché mais je n’y suis pas encore arrivé. Je cherche encore  » (Miles Davis).

(Crédit Photo Antoine Hervé / Juan Carlos Hernandez)

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