Laura Marling: une voix de miel

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Par Eddie WilliamsonPUTSCH.MEDIA/ J’étais passée à côté du premier album de Laura Marling, et, même si je ne me souviens pas exactement pourquoi, je pense qu’avec un titre aussi déprimant que Alas, I Cannot Swim et une étiquette de « prodige de 17 ans, petite amie de… », j’ai dû me dire : « ok, c’est pas la peine ». La plupart du temps quand je me dis ça, il s’avère que ce n’est effectivement pas la peine, mais dans le cas de la jeune Anglaise… eh bien disons que j’ai fait une grave erreur de jugement. Heureusement j’arrive la plupart du temps à dépasser ma réluctance initiale pour écouter l’objet en question. Si ce premier album se révéla plutôt bon,

I Speak Because I Can

dépassa mes espérances les plus folles. Maturité et talent poétique étaient déjà surprenants en 2008, cette année ils sont tout simplement époustouflants.

J’ai l’impression d’avoir commencé beaucoup de chroniques de disques en vous expliquant d’abord comment j’ai failli ne jamais les écouter. Découvrir un artiste dans l’univers duquel vous vous sentez instantanément à l’aise, un artiste dont vous avez envie de tout savoir après n’avoir écouté qu’une seule chanson, c’est un plaisir suprême qui n’arrive que trop peu souvent. Et comme vous vous en doutez… ce ne fut pas vraiment le cas avec la jolie Laura. Oui parce qu’en fait j’ai trouvé Alas assez confus, la plupart des paroles tournant autour de l’amour adolescent, du fatalisme adolescent, bref, de l’adolescence, à l’époque, ça ne m’a pas accroché. Sa voix, son talent précoce étaient déjà indéniables, mais de mon côté ça n’a pas suffi.

Il y a un petit point biographique qu’il convient sans doute de faire. Le côté triangle amoureux fait un peu soap opera, désolée : Laura Marling sortait avec Charlie Fink de Noah & The Whale, un groupe qui l’accompagnait parfois en tournée et sur le premier album duquel elle fait partie des chœurs. Après leur rupture, Fink sortit un (très joli) album largement consacré à leur histoire, First Days of Spring. Laura Marling s’est épris entre-temps d’un autre leader de groupe folk anglais à succès, Marcus Mumford de Mumford & Sons, dont une bonne partie des membres ont été mis à contribution sur ce nouvel album. Une des chansons du disque, « Blackberry Stone », fait directement référence à un morceau de First Days of Spring, « Hold My Hand As I’m Lowered ». Alors que Fink évoque directement leur relation, Marling use plus volontiers de personnages fictifs pour se pencher sur ses expériences et essayer d’y trouver du sens. C’est plus subtil, probablement codé parfois. Si je n’avais pas eu vent de toutes ces histoires, largement documentées par les tabloïds, je n’aurais sans doute pas autant prêté attention aux paroles, ce que je fais très rarement, mais ainsi soit-il.

Le titre de l’album, I Speak Because I Can, plein d’assurance, prend corps avec le plus de force sur « Devil’s Spoke », « Rambling Man », « Alpha Shallows » ou encore « Hope in the Air ». Ce n’est pas moins que de la rage qu’elle semble exprimer dans sa manière de frotter les cordes de sa guitare. Le banjo et la mandoline rajoutent un côté dramatique, poignant, aux morceaux. Et cette voix… Si profonde, si calme, si étonnamment calme et sereine là où la tentation d’impressionner son monde doit être forte. Mais non, à 19 ans (elle en a 20 maintenant) elle fait preuve d’une subtilité, d’une finesse dans son chant qui m’a totalement captivée. Et puis elle articule très bien. Vous souriez sûrement derrière votre écran, mais croyez-moi, les chanteurs et chanteuses qui bouffent leurs mots, dont l’accent rend leurs paroles incompréhensibles ou qui cachent leur voix derrière divers subterfuges sonores, j’en ai parfois ma claque. Alors une voix pareille, c’est du miel pour mes oreilles.

Sur « Made by Maid » et « Goodbye England (Covered In Snow) », c’est à l’élégance intemporelle de Nick Drake que je pense. Que ce soit seule à la guitare, ou accompagnée de délicats arrangements de cordes (et de Marcus Mumford), c’est sublime. En fait « I Speak Because I Can » est sans doute la moins mémorable des dix, mais ne gâche en rien cet album magnifique. Sans faire montre d’une originalité déboussolante, Laura Marling trace tranquillement sa route dans le paysage folk britannique et évite sans encombre le syndrome du second album, récompensée récemment par une seconde nomination au Mercury Prize (qu’elle aurait dû gagner, si vous m’demandez mon avis).

Laura Marling – I Speak Because I Can

Sortie le 22 mars 2010 chez Virgin Records

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