Par Damien Luce – Bscnews.fr / Il fut un temps (pas si lointain) où le succès d’un artiste dépendait de ses protecteurs. Mozart, on le sait, tout génial qu’il était, n’en était pas moins laquais, au même titre que le cuisinier ou la femme de chambre. Il fallut attendre un Beethoven, pur produit de la révolution, pour que l’artiste conquière son indépendance. On ne s’incline plus devant les Ducs et les Duchesses, mais on les fait attendre dans un froid vestibule, avant de les recevoir en robe de chambre et mal rasé. La révolution, non contente de trancher des têtes à tire-larigot, s’est aussi appliquée à anéantir les Institutions Académiques, lesquelles étaient considérées comme une autre forme d’asservissement de l’artiste. En matière d’Art, par exemple, le peintre devait montrer patte (ou palette) blanche pour être officiellement reconnu. (Palette blanche est, comme on sait, chez les peintres, rarement en usage.) Le consulat viendra vite remplumer, ou plutôt empalmer les Immortels déchus, en créant une flopée d’Académies, dont celle des Beaux-Arts qui, par le biais de son Salon annuel, présidait à la destinée des artistes. Tout peintre qui avait l’ambition d’exposer à ce salon, et plus tard au Salon des Artistes Français, devait soumettre ses œuvres à un jury, lequel pouvait être fort sévère. Le clan des refoulés était parfois singulièrement peuplé. Ainsi, en 1863, sur les cinq mille toiles soumises à l’Auguste verdict, trois mille furent refusées. Napoléon III, qui eut vent de l’hécatombe, proposa de créer un salon à l’intention des artistes déconfits. Certes, cet « autre salon » compta sûrement son lot de croûtes. Cependant il accueillit en ses murs un certain Manet, un certain Pissaro… Même si les Académies subsistent, leur autorité n’est plus souveraine, à tel point que certains artistes s’octroient le luxe d’en refuser l’entrée (Marcel Aymé en est un exemple). Mais il faut croire que la liberté n’est pas le fort des humains, qui se sont empressés d’enfanter d’autres Maîtres : les médias. C’est aujourd’hui devant eux qu’il convient de se courber. Eux seuls font le succès ou le fiasco. Ils infligent faveurs et coups de pieds au moins aussi bien que les Seigneurs de jadis. On aurait tort de s’en offusquer. Il vaut mieux accepter le jeu, et y jouer avec humour et détachement. C’est plus reposant. Pour ma part, la condition de laquais ne me dérange pas. On y gagne en humilité. Cependant les plus mal lotis ne sont pas ceux qui reçoivent les coups : on parle d’eux. Et même, il a été prouvé qu’une bonne séance d’humiliation publique était favorable aux ventes. Les plus malheureux sont ceux qu’on ignore. Ceux qu’on ne voit jamais dans la petite lucarne, qu’on n’entend pas sur les ondes, et que l’on ne couche jamais entre les pages d’un journal. Ce constat est à l’origine du salon du livre qui se tiendra les 6 et 7 novembre prochains à la Bibliothèque Nationale de France (Paris), événement dont BSC News est partenaire. L’initiative, en effet, n’est pas sans rappeler le fameux salon des refusés évoqué plus haut. L’Association SIEL de Paris en est à l’origine. Cette structure, dirigée par Line Amy Ryan, Claudine Poly et Rose-Marie Gaudon, a pour objet de « promouvoir les écrivains indépendants, libraires et nouvelles maisons d’édition, de faciliter la publication et la diffusion des œuvres ainsi que de créer les conditions d’un meilleur accès à la lecture d’œuvres originales pour le grand public. » Toute l’année SIEL de Paris organise des rencontres entre écrivains et lecteurs (SIEL je dédicace) des débats, des lectures (SIEL mon dimanche). À noter également, le travail titanesque de l’auteur et éditrice Élisabeth Robert (Fondatrice des Éditions Volpilière) dans l’organisation de ce nouveau salon des refusés. « Le but est d’attraper un peu de lumière pour la projeter sur des auteurs méconnus. Le seul thème du salon est l’indépendance. Tous les genres sont représentés. » En effet, les visiteurs pourront rencontrer quelques 460 auteurs et éditeurs, dont le seul point commun est qu’il n’ont pas encore été éclairés (ou brûlés ?) par le feu médiatique. En outre, le salon sera jalonné de courts débats (vingt à trente minutes) sur différents sujets comme l’impressionnisme ou la fantaisie.
En flânant au gré des huit cent mètres carrés de la salle Belvédère (au dix-huitième étage), on tombera certainement sur les Éditions Alzabane, représentées par leur Directeur, Jean-Sébastien Blanck. Cette jeune maison (née en 2007) se propose de transmettre le goût de l’imaginaire, celui de lire et de conter, et aussi celui d’écrire.. Sa première collection, Histoire d’en rêver, s’adresse aux enfants à partir de neuf ans, et compte dix romans illustrés. Saluons au passage une volonté assumée d’offrir à nos lecteurs en herbe une littérature soignée, riche, résolument soutenue, et imprégnée d’un certain parfum philosophique. Donner à lire et à réfléchir (toujours avec humour), c’est la vocation de cette jolie maison. Depuis 2009, Alzabane se tourne également vers les adultes, avec une nouvelle collection : Histoire d’en penser. Notons aussi que le mois d’octobre 2010 verra le lancement d’une autre collection de Contes illustrés (à partir de douze ans) : Histoires d’Antan. Un peu plus loin, on croisera le plus jeune auteur de France et de Navarre : Douglas Brosset, onze ans, qui, en compagnie de sa mère Sophie Cailleux, cosigne Les Enfants d’Itteville. Le roman, largement inspiré de la vie de son auteur (du moins celle du cadet), met en scène un groupe d’enfants qui découvre la vie en société, avec ce qu’elle comporte de béguins et d’injustices. L’écriture n’est pas le seul violon d’Ingres de ce garçon, puisqu’il taquine aussi la muse du comédien. Ainsi, On a pu l’apercevoir dans un petit rôle en 2006 au côté de Charlotte de Turckheim dans le film Les Aristos. Plus loin encore, on aura plaisir à rencontrer Jean-Noël Lewandoski, lequel, d’une plume sûre et imaginative, a signé une bonne dizaine d’ouvrages (aux Éditions Ixcéa), allant de la science fiction au roman psychologique. Pour les Percherons, Jean-Noël Lewandoski sera présent au 3ème Salon du Livre du Perche à Soligny la Trappe, les 4 et 5 décembre prochains. Il y présentera son nouveau livre : Les Destins traversés. Une escapade vers son site internet vous permettra de lire des extraits de ses romans, et de découvrir également ces toiles, car le bonhomme est aussi peintre, ce qui me permet de quitter cette chronique par sa porte liminaire. J’espère avoir incité le lecteur à se rendre à la BNF les 6 et 7 novembre, pour cet événement qui promet de belles rencontres et s’annonce riche en découvertes.