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Rencontre avec Merlin Jacquet, jeune éditeur d’Hydromel

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Propos recueillis par Nicolas Vidal – PUTSCH.MEDIA / Merlin Jacquet est un jeune homme qu’il est difficile de ne pas remarquer dans une manifestation littéraire. Il est droit derrière son stand, la tête haute et parle posément de sa passion, la littérature, et de son job, l’édition. Fondateur des Editions Hydromel, j’ai rencontré Merlin Jacquet au merveilleux festival du livre de Mouans Sartoux (06) il y a quelques jours. Ce talent pour me retenir au milieu de ces titres avait une raison, Merlin Jacquet n’est ni plus ni moins que le plus jeune éditeur de France du haut de ses 19 ans. Chez lui, tout est histoire de passion, d’originalité et de rigueur. Il ne prend pas la littérature à la légère et n’a qu’une idée en tête : proposer des livres originaux, inventifs et passionnants. Merlin Jacquet rentre fort bien dans son costume d’éditeur et sa jeunesse n’est qu’un argument de plus pour faire valoir son talent.
Merlin, qu’est ce qui vous a poussé à embrasser la carrière d’éditeur ? En vérité, tout s’est fait petit à petit sans que je n’y prenne vraiment garde. Je co-dirigeais depuis 2003-2004 une petite communauté littéraire sur Internet portée sur l’écriture et la critique et, de fil en aiguille, j’ai été amené à fréquenter le milieu de l’édition à travers les forums, les comités de lecture, les festivals. En 2006, la structure du site n’était plus suffisante pour gérer les centaines de textes que les auteurs y déposaient ; on a alors décidé de le fermer et de partir sur un projet plus adapté à nos ambitions.
A quel âge avez vous réellement commencé à vous considérer comme éditeur ? On peut disséquer ça en plusieurs phases, ça n’a pas été une révélation d’un jour à l’autre. J’ai fait ma première direction littéraire – qui valait ce qu’elle valait – à l’âge de 14 ans environ, conséquemment au lancement d’un fanzine. Je ne me suis cependant pas senti de légitimité jusqu’à ce que je tienne dans mes mains le premier livre de ma maison d’édition, en 2009.
Lorsqu’on se plonge sur votre site, on sent immédiatement une exigence en matière de choix littéraire ? Effectivement : la structure des éditions Hydromel est bâtie de telle sorte que nous n’avons pas de quotas commerciaux à remplir. Nous fonctionnons sur le coup de cœur, des centaines de manuscrits peuvent passer par chez nous avant que nous nous arrêtions sur l’un d’eux pour concrétiser un livre. Je m’implique énormément pendant des mois dans les ouvrages que je publie, et je sais qu’il est ensuite de ma responsabilité de les présenter. Je suis donc exigeant dans ma sélection initiale, et le reste lors du travail avec l’auteur.
Quel est votre genre littéraire de prédilection, Merlin ? J’alterne. J’aime le roman de fiction, la nouvelle, la trop peu connue novella ; les ouvrages philosophiques, les classiques du XIXème, la très-mal-nommée science-fiction. La littérature française, russe, allemande, antique, contemporaine… Je ne cherche pas toujours la même chose, pas toujours la même approche. La littérature a évolué pour de bonnes raisons. Hydromel compte aujourd’hui combien de titres en catalogue et quels sont vos canaux de diffusion? Trois titres actuellement, le dernier venant tout juste de sortir. Deux novellae et une anthologie ; se préparent cette année trois ou quatre parutions supplémentaires. Nous nous diffusons nous-mêmes pour le moment, à travers les salons, festivals, quelques librairies et via Internet.

Comment sont accueillis vos titres en librairie ?

Très différemment, selon les libraires ! Je prends un malin plaisir à apprécier des ouvrages qui ne peuvent pas faire l’unanimité ; certains Créateurs et inventions savantesadorent, d’autres n’accrochent viscéralement pas. Nous n’essayons même pas de passer par les grandes enseignes de distribution, le rapport avec le libraire étant encore trop précieux.

On vous présente comme le plus jeune éditeur de France. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Je ne l’ai appris que lors d’un festival, en 2009, je ne m’étais pas posé la question avant ; et de fait, bien que ce soit parfois pratique, je n’utilise pas volontiers cet argument comme outil marketing, il ne me semble pas rendre compte du travail que j’effectue. Heureusement, l’accent n’est pas moins mis sur les critiques que nous recevons et qui me semblent autrement plus édifiantes.

Avez-vous déjà eu des retours des médias sur votre maison d’édition et sur votre production éditoriale ?

Quelques critiques, globalement très plaisantes, à la radio et dans les milieux spécialisés. Quelques interviews également lors du festival de Mouans-Sartoux, qui bénéficie d’une belle couverture médiatique mêlée d’une petite effervescence culturelle, attentive. Rien d’intense pour le moment.

Quelle est votre position en tant qu’éditeur sur le livre numérique ?

Ah, la grande question. Le marché de l’e-book est en train d’être créé, mis en place, ce n’est qu’une question de temps ; il ne s’agit donc plus de se demander si c’est bien ou mal, mais de savoir quand et comment s’y mettre sans blesser le livre papier. Et là, il va falloir jouer avec sagesse : l’offre devra être commercialement viable dans les deux sens – pas de gratuité « pour appâter » ni de livres à plus de 3-4€, grand maximum. Ne pas répéter les erreurs du marché du disque et de ne pas recréer la chaîne du livre physique. Le livre numérique est un vrai changement : certains, comme les libraires, les imprimeurs, les diffuseurs vont y perdre et ceux qui y gagnent vont vouloir y gagner encore plus. C’est à double tranchant, puisque le piratage sanctionnera l’excès de gourmandise des gros poissons. La question est complexe, les inconnues encore nombreuses.

Votre site est remarquablement bâti alliant un design soigné à une excellente interactivité. Est ce que les Editions Hydromel ont l’ambition de se faire connaître aussi via internet ? Merci ! Nous sommes partis d’Internet et la plus grande partie de notre activité est possible grâce à la toile. C’est une interface capitale du point de vue artistique, humain et économique – nous y vendons nos livres – que nous allons continuer de développer.
Quelles sont les objectifs des Editions Hydromel? Les objectifs sont multiples : en premier lieu, continuer à publier du divertissement intelligent, des textes agréables qui savent faire réfléchir. Je tiens à lutter contre la segmentation douteuse et dommageable des genres littéraires – notamment l’appellation « science-fiction », insensée et affreusement connotée. Brouiller les frontières de ce côté permettra de lire différemment et de faire apprécier certaines merveilles du genre. Puis, à terme, parvenir à créer une émulation esthétique, artistique, un groupuscule représentatif d’une nouvelle pensée littéraire ? Nous n’en avons pas – ou si peu – eu depuis une trentaine d’années, les penseurs, artistes et théoriciens se sont clairsemés, éloignés les uns des autres.

Pour finir, quel regard portez-vous sur l’Edition française aujourd’hui ?

Déçu mais pas défaitiste. Une immense majorité de l’édition française a saigné son bon goût sur l’autel du profit ; on met en avant des auteurs douteux, on cautionne le succès commercial à tout prix, on fait du lecteur un cerveau facile, disponible. J’appelle ça « vendre son âme », c’est une lente agonie des lettres qui tire son monde vers le bas. Par chance, certains continuent à proposer un travail valable, sérieux et qui trouve son succès auprès de ceux qui savent encore lire ; on peut juste regretter que les grands pontes n’y participent pas.

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